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Dette intérieure : Mays Mouissi invite la taskforce présidentielle à la transparence
Publié le samedi 24 octobre 2020  |  Gabon Review
L`analyste
© Autre presse par DR
L`analyste économique, Mays Mouissi
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Pour l’économiste Mays Mouissi, la transparence sur les conclusions à venir de la taskforce est nécessaire, au risque de retomber dans le cycle de corruption et de mauvaise gouvernance auquel les Gabonais sont habitués. L’économiste invite les autorités à sortir de l’effet d’annonce d’une «dette fictive» et à publier la liste des entreprises frauduleuses, puis à prendre les sanctions adéquates, sans quoi l’opération s’apparenterait à une simple opération de communication.

«Un audit en soi est une bonne chose, mais il faut de la transparence : la liste des entreprises identifiées comme détentrices de dettes et de marchés fictifs devrait être rendue publique en même temps que leurs bénéficiaires effectifs», car «il s’agit d’argent public», lance l’économiste Mays Mouissi, interviewé par Gabonreview.

«Sans transparence et sans sanction dissuasive de ceux qui favorisent et bénéficient de ce système frauduleux, le risque est que le même cycle de mauvaise gouvernance se perpétue avec d’autres acteurs. L’audit s’apparenterait alors à un simple règlement de comptes entre différentes factions du pouvoir», ajoute-t-il.

La taskforce initiée par la présidence le 24 juin, sous la houlette du coordinateur général des affaires présidentielles, Noureddin Bongo Valentin, passe actuellement en revue la dette intérieure du Gabon chiffrée à plus de 700 milliards de FCFA. Début octobre, la présidence annonçait qu’au moins 241 milliards de FCFA sur 310 milliards de FCFA (soit les deux tiers) déjà audités sont une dette «fictive» et allaient être annulés. Le chiffre de dette jugée fictive serait même monté à 300 milliards, écrit le site d’information Média241.

La dette « fictive« comme signe d’une mal gouvernance en place depuis des années

Si cette dette est bien fictive, c’est le signal que tout un système d’arrangements et de corruption est en cours depuis des années.

«Ceci est favorisé par le recours massif à la passation des marchés publics par entente directe alors que cela est prévu dans le Code des marchés publics comme une exception réservée à des cas bien précis», remarque M. Mouissi.

Au sein des ministères de tutelle, certains agents et peut-être même de hauts responsables de l’administration se sont nécessairement rendus complices des fraudes dénoncées.

Car «pour contourner des appels d’offres, exécuter des marchés fictifs en l’absence de tout contrôle et devenir un créancier fictif de l’État, il faut être particulièrement bien introduit dans les hautes sphères de l’État» rappelle l’expert.

Manque de transparence dans un précédent audit et au Club de Libreville

L’économiste se montre circonspect vis-à-vis de cette nouvelle taskforce, car peu convaincu des résultats précédents. Mays Mouissi dit n’avoir vu aucune entreprise jugée frauduleuse sanctionnée. Tout cela traduisant une forme d’éternel recommencement.

Déjà, dans l’audit interministériel de 2016 validant 400 milliards de FCFA de dettes intérieures sur environ 10 ans, l’État avait manqué de transparence, se souvient M. Mouissi.

Il s’agissait de l’audit du Comité interministériel d’audit et de certification de la dette intérieure de l’État (CIACDIE), présidé par Fabrice Andjoua Bongo Ondimba, directeur de la Direction générale du budget et des finances publiques (DGBFIP).

Cette dette de 400 milliards avait été prise en compte par le Club de Libreville, créé en 2018. Le Club qui devait s’occuper du paiement de 310 milliards de FCFA de créances pour les entreprises, le tout sur 74 mois à raison de 5 milliards par mois. Le processus possède plusieurs mois de retard, a appris Gabonreview.

Des soupçons de «rétrocommissions» pèsent même sur le Club de Libreville, selon plusieurs médias dont Média241 et le média d’informations confidentielles panafricaines, Africa Intelligence,qui écrivait dès janvier que des «enquêteurs de la Direction générale des recherches (DGR) cherchent à établir si les remboursements de créance n’étaient pas attribués en priorité aux entreprises qui s’acquittaient d’un paiement sur un compte contrôlé par une poignée de fonctionnaires».

La taskforce revient sur des dettes déjà reconnues, mais son fondement légal pose question

En plus de l’audit interministériel de 2016, un autre audit avait eu lieu avec l’aide du cabinet PricewaterhouseCoopers, ajoutant 282 milliards de FCFA au montant de la dette intérieure, en 2019.

Le total de ces deux audits a été pris en compte par les autorités et le Fonds monétaire international (FMI) dans le calcul de la dette publique.

La taskforce initiée par la présidence semble bien vouloir revenir sur les résultats du CIACDIE et de PwC.

Un problème originel de la taskforce est qu’elle «ne peut être logée ou instituée à la présidence de la République dont ce n’est pas la compétence», car «le ministère de l’Économie qui détient le portefeuille de la dette», précise à Gabonreview un professeur d’économie à l’université, sous couvert d’anonymat.

Il ajoute que, parce qu’elle devrait être sous une tutelle ministérielle, elle ne devrait pas pouvoir recourir aux forces de l’ordre, contrairement à ce que prévoit l’arrêté du 24 juin, instituant cette taskforce et signé par le président Ali Bongo. Encore une entorse à la loi, souligne le professeur, car un président de la République ne peut pas prendre d’arrêté.
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