Le Centre gaz de la SGEPP, la ’’réépreuve’’ des contenants, les bizarreries et le mystère autour des décès de Diane Saphou et de Léon Brice Ovono, les amalgames sur les réseaux sociaux à l’origine de la psychose actuelle autour des bouteilles de gaz à usage domestique… Gabonreview a enquêté et revient sur les faits. On découvre des choses et d’autres n’ayant pas été dites quant aux trois dernières explosions supposées de bonbonnes de butane au Gabon.
Si les réseaux sociaux sont devenus le marché noir de l’information et qu’au marché noir on ne trouve pas que tu toc, il y a aussi que les médias se nourrissent des médias… parfois même dans l’erreur. Ainsi, à la suite du groupe Facebook, ’’1,8 millions de consommateurs Gabon’’ qui, depuis le 24 mars, a publié des posts relatifs à des défectuosités dans l’usage domestique du butane, de nombreux médias dont Gabonreview ont relayé des explosions récurrentes de bouteilles de gaz butane. Raison d’y croire ? sur les réseaux sociaux, divers témoignages faisaient état de bonbonnes de gaz butane ayant explosé, causant des dégâts corporels sur les utilisateurs sinon la mort deux d’entre eux.
En amont de la chaine de distribution du butane au Gabon : le Centre gaz de la SGEPP
Naturellement Petro Gabon, N°1 gabonais de la distribution de ce produit, a aussitôt été indexé. Il se trouve en effet que deux bombonnes de gaz sur trois vendues au Gabon appartiennent à la marque verte. Celle-ci s’est jusqu’ici refusée à toute déclaration à ce sujet, sans doute en attendant les conclusions de l’enquête lancée par le ministère du Pétrole, du Gaz et des Mines auprès de la Société gabonaise d’entreposage des produits pétroliers (SGEPP). Avec son dépôt de Gaz pétrole liquéfié (GPL), son centre emplisseur et de réépreuve de bouteilles de gaz, cette société est, en effet, en amont de la chaine de distribution du butane dans le pays.
Selon un technicien supérieur du Centre emplisseur et de réépreuve de la SGEPP, « Une bouteille de gaz ne peut exploser dans n’importe quelle condition. Quel que soit l’endroit, elle ne peut exploser que si elle est exposée aux flammes, quand la température atteint 600 degrés et que la pression à l’intérieur de la bouteille atteint au moins 50 bars. » Cela a-t-il été le cas pour les trois explosions notées de bouteilles de gaz au Gabon ? On n’oubliera surtout pas que la rumeur en a été le principal vecteur.
Petit zoom sur ces cas d’accident
Au terme d’une vérification plus méticuleuse, il se trouve que l’explosion du 10 avril à Dikongo, un quartier de Mouila dans la Ngounié, a été causée par une fuite « au niveau du détendeur, sur le tuyau », selon la page Gabomalejournaliste l’ayant relayé et assurant que le « courageux (ayant pris) le risque de sortir la bouteille de gaz de la maison », s’en est tiré avec des brûlures au bras, sur la bouche et le nez.
Autre victime, Léon Brice Ovono Ndoutoume, ancien journaliste et ancien député de l’Okano (Mitzic) mort le 7 avril dernier suite à brûlure grave (3e degré). Un incendie se serait déclaré « dans la cuisine de sa maison (…) sans doute par une fuite de gaz », a expliqué le site Internet du quotidien L’Union, tandis que GabonActu est allé plus en détail : « le journaliste se trouvait dans la cuisine où une marmite était au feu. Le feu s’est déclaré. Le journaliste aurait probablement tenté de manipuler le four. Des puissantes flammes envahissent la cuisine et le journaliste est transformé en brasier. »
Le cas Diane Saphou : du mystère et des interrogations
Dernier et plus important cas de cette série noire, du fait notamment d’avoir suscité trop d’émotion sur les réseaux sociaux, avec une chaine de solidarité au moment où elle était hospitalisée : Diane Saphou. Selon Gabao Buzz, son accident est survenu « en ouvrant sa bouteille de gaz (…) elle a été surprise par l’explosion subite de la bouteille de gaz. » Elle aurait été « brûlée au 2ème degré ». Pourtant, selon un officier du Bataillon des sapeurs-pompiers du Gabon proche du dossier, les agents de cette unité assurent n’avoir jamais été appelés dans la zone pour un incendie, encore moins une explosion. Ceux-ci se sont néanmoins rendus sur les lieux pour les besoins de l’enquête en cours.
Dans leur rapport agrémenté de nombreuses photos, ils assurent n’avoir expertisé aucune trace d’explosion ou d’incendie dans la cuisine dont le plafond et les murs sont aussi nets qu’ils avaient été peints. « Une explosion laisse nécessairement des traces de fumée, de légère suie ou d’impact de bris émanant de l’objet explosé. Ce n’est pas le cas et le dispositif de fonctionnement de la gazinière est resté intact, du moins pour ce qu’on a en vu et qui n’a pas été touché depuis le présumé sinistre. Par contre, un petit effondrement du plafond du salon a été noté. Les voisins, dont la première dame arrivée sur les lieux après avoir entendu une détonation, ont trouvé la demoiselle debout, en petite tenue. Alors qu’elle n’avait aucune trace de brûlure, ses premiers mots à cette voisine ont été : j’ai chaud. La poitrine me brûle. » D’autres sapeur-pompiers proches du dossier soutiennent que ni le visage ni les jambes de l’infortunée n’avaient de marques de brûlures ou d’impacts d’explosion. Bizarre. Admise dans une célèbre clinique de la place, elle a pourtant été internée au service de réanimation des grands brûlés. Encore bizarre.
Selon l’officier sapeur-pompier sus cité, le salon (living-room) de la maison non plus ne comportait de trace de fumée. Questions : qu’est-ce qui pourrait expliquer l’explosion très parcellaire du plafond du salon ? Pourquoi la demoiselle Diane n’avait aucun signe apparent de brûlure mais s’est plainte de ce que sa poitrine chauffait atrocement ? Vendeuse de produits et soins cosmétiques de sa préparation, a-t-elle mélangé des produits dangereux pour la peau ? À quoi était donc seraient dus l’effondrement d’un coin du plafond du salon et la chaleur intense qu’elle ressentait ? Selon des sources proches de la famille de la défunte, une autopsie a été demandée par certains parents. Ce que sa mère a refusé. Si le mystère de l’explosion entendue par les voisins reste entier, l’on espère qu’une autopsie sera réalisée devant permettre de tirer au clair les causes de ce qui a été enregistré, en clinique, comme une brûlure très grave ayant entrainé le décès de la jeune dame. Nombreux espèrent que pour les besoins de l’enquête, le ministère du Pétrole, du Gaz, et des Mines devrait absolument exiger cette autopsie.
Autour de la réépreuve des bonbonnes
Et l’on apprend des choses et d’autres quant au conditionnement du gaz ménager au Gabon. Notamment que tous les 5 ans, les bonbonnes sont réexpertisées. Effectuée au Centre gaz de la SGEPP, une opération dénommée « réépreuve hydraulique des bouteilles de gaz butane » consiste à contrôler, avec de l’eau, l’étanchéité et la résistance des bouteilles de gaz butane à la pression. Alors que la pression dans une bonbonne de gaz vendue aux manages est de 5 bars, l’opération de réépreuve les soumets à une pression de 30 bars… six fois plus que la pression normale du gaz contenu dans les bouteilles de gaz à usage domestique. Les contenants ne résistant pas à l’épreuve sont tout de suite mis au rebut.
On ne saurait pourtant absoudre d’emblée les marketeurs du gaz au Gabon. En attendant les résultats de l’enquête, de nombreux internautes ont attiré l’attention des consommateurs sur la plausible défectuosité des accessoires (tuyaux, détendeurs) ou des gazinières. « Les tuyaux de gaz ont des dates d’expiration, nous devons les changer au bout de la date d’expiration pour éviter d’éventuels trous qui pourraient faire échapperle gaz », note un Facebookeur gabonais. Et un autre de relever : « si les bouteilles etaient toutes defaillantes on aurait des explosions plus souvent ».
En attendant les conclusions de l’enquête
Ce lundi 19 avril, Gabon Matin dont Gabonreview a consulté la Une avant impression titre : « Petro Gabon hors de cause ». L’hebdomadaire soutien en première page : « L’enquête des sapeurs-pompiers est formelle. Les accidents de ménages signalés ces derniers temps autour de l’utilisation du gaz butane ne sont pas dus à un défaut de fabrication encore moins d’obsolescence des bouteilles de Petro Gabon. La conclusion pointe plutôt du doigt, les accessoires de la gazinière, et même, une négligence humaine. De quoi inviter les populations à davantage de vigilance dans l’usage de ce dispositif. »
Les agents de la SGEPP ou des marketeurs de gaz n’étant pas du tout exempts du légendaire laxisme des Gabonais, il vaut sans doute mieux, par principe de précaution, attendre les conclusions de l’enquête diligentée par le ministère du Pétrole, du Gaz, et des Mines, surtout que le décès de Diane Saphou est ahurissant dans ce contexte.