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Des milliards de la Redevance audiovisuelle supposément éparpillés dans la lagune Banio
Publié le vendredi 9 avril 2021  |  Gabon Review
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© Autre presse par DR
Le ministre des Affaires étrangères, Alain-Claude Bilie-By-Nze, à Addis-Abeba, le 7 février.
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Planqués dans une villa de l’ancien ministre de l’Intérieur, Mboumbou Miyakou, 10 milliards de francs CFA auraient été volés par des bandits puis perdus dans la Banio, lagune de la Nyanga baignant la ville de Ndindi. Selon le Facebookeur Wilfried Okoumba qui n’appuie pas vraiment ses affirmations, le butin proviendrait d’un détournement de la Redevance audiovisuelle et cinématographique (Rac) par l’actuel ministre de la Communication. Enquête sommaire sur des affirmations pour le moins surréalistes.

Des valises contenant d’importantes sommes d’argent trouvées dans une lagune de la Nyanga, la Banio. Un butin de «près de 10 milliards enfouis dans une villa à Ndindi, l’antre de (…) Antoine de Padoue Mboumbou Miyakou». Telles sont les révélations publiées il y a quelques jours sur Facebook par Wilfried Okoumba, célèbre lanceur d’alerte gabonais. Celui-ci a en effet annoncé qu’Edgard Anicet Mboumbou Miyakou, le ministre d’Etat en charge de la Communication et de l’Économie numérique, sera «bientôt aux arrêts, il serait coupable d’avoir volé à l’État gabonais près de 10 milliards enfouis dans une villa à Ndindi». Avançant un peu plus dans sa narration, l’ancien directeur du journal gabonais Le Crocodile indique que des brigands venus de Pointe Banda «ont volé une partie du magot… les pêcheurs de la lagune ont repêché plusieurs valises qui flottaient sur les eaux poissonneuses de la lagune.» Fiction ou faits réels ?

S’il y a à boire et manger sur les réseaux sociaux, à Gabonreview on sait également que «la rumeur est le marché de l’information» et qu’au marché noir on ne trouve pas que du toc. 10 milliards de butin, de surcroit subtilisé de la Redevance audiovisuelle et cinématographique (Rac), ne saurait laisser les médias indifférents et nécessite absolument de s’y intéresser.

Tous les ministres de la Communication depuis 2016

Objet de bien fantasmes depuis Alain-Claude Bilie-By-Nze qui avait mené à terme son processus d’adoption en 2016, la manne financière de la Rac a poussé au vilipendage de bien de ministres. Des syndicats et des médias ont en effet accusé tous les prédécesseurs de l’actuel ministre de la Communication et de l’Économie numérique d’avoir fait main basse sur cette redevance qui rapporte, selon différentes sources, entre 150 et 180 millions de francs CFA par mois.

Pour avoir retardé le paiement de la fantasmatique Rac, Anicet Mboumbou Miyakou n’a pas échappé aux mêmes présomptions de détournement à son arrivée au département de la Communication. Dans les couloirs de ce ministère, nombreux indiquent qu’il voulait alors y regarder de plus près avant d’en établir la clé de répartition. Car, dès octobre 2019, le Syndicat des professionnels de la communication (Syprocom) et le Syndicat national des professionnels de l’audiovisuel public (Synapap) lui rappelaient l’urgent besoin de cet argent, pour les médias dont ils sont l’émanation.

Comité de surveillance de la Rac

Au terme de longues séances de travail avec les partenaires sociaux et les structures bénéficiaires, l’arrêté n°00012/MCEN/2020 a été élaboré et entériné, à en croire des documents consultés auprès d’un leader syndical du secteur. Adopté en juin 2020, le texte met en place, organise et détermine le fonctionnement d’un Comité de surveillance chargé de veiller à l’affectation de la Rac. Outre l’inspection générale des services, la structure est composée de représentants des médias bénéficiaires (Gabon Télévision, Radio Gabon, Gabon 24, Igis, Télédiffusion du Gabon, AGP) et de leaders syndicaux du secteur.

Selon diverses sources, membres dudit Comité de surveillance, la récolte des taxes auprès de Canal+, Satcon et TNT, aboutissait alors à des cagnottes dont les montants varient entre 146 et 160 millions de francs CFA par mois. L’année dernière, au terme de l’établissement d’une clé de répartition, «Radio Gabon a par exemple reçu, pour les mois de janvier à avril 2020, 111, 9 millions de francs CFA ; Gabon 24 a reçu pour la même période un peu plus de 72 millions ; Gabon Télévisions a encaissé près de 118 millions ; l’AGP environ 43 millions et l’Igis près de 83 millions, selon les documents que j’ai encore consulté ce matin», soutient un membre du Comité de surveillance ayant préféré l’anonymat. Et celui-ci d’ajouter : «très grincheux, les leaders syndicaux veillent au grain et ne peuvent laisser jouer avec cet argent».

Marronnier ou cabale ?

En octobre 2019, «Bilie-By-Nze ainsi que ses successeurs (Guy-Bertrand Mapangou, Guy Maixent Mamiaka et Rigobert Ikambouayat Ndeka) sont accusés ouvertement d’avoir fait main basse sur les 150 millions ou les 180 millions de Fcfa (c’est selon) générés par la RAC», pouvait-on et peut-on encore lire sur le site News.alibreville.com relayant lui-même un journal imprimé local. La Rac serait-elle devenue un marronnier, c’est-à-dire un sujet permettant de meubler les périodes creuses en matière d’information ?

Nombreux estiment que le post de Wilfried Okoumba participerait d’une cabale contre l’actuel ministre d’Etat en charge de la Communication. Sinon, comment comprendre que dans les commentaires ayant suivi ses écrits, l’ancien directeur de Le Crocodile laisse entendre que le ministre d’Etat à la Communication mandate souvent Franck Mandoukou (directeur de Gabon-Info.ga) pour renseigner le journal français L’Express sur l’état de santé d’Ali Bongo et médire de celui-ci ? Cette allégation a-t-elle un lien avec ou conforte-t-elle la véracité du présumé détournement ayant terminé dans la Banio ? Au sujet d’Anicet Mboumbou Miyakou, l’ancien journaliste en exil européen pousse une interrogation qu’un bon nombre de commentateurs juge insidieuse : «le fameux soutien à Nourredine cache-t-il peut être un moyen de se soustraire de la justice ?», interroge-t-il. A moins d’une mauvaise appréciation, l’amalgame entre mouchard de la presse française et soutien du fils du président, sent bon la torpille, sinon la cabale.

Après avoir terminé son post par les mots «Suite et pas fin», le lanceur d’alerte l’a bizarrement supprimé de Facebook quelques temps après. A-t-il reçu des pressions ? A-t-il été mouillé ? Craint-il une action en justice ? On n’en sait rien pour le moment. Il reste qu’à la vérification, sa «révélation» d’un détournement de 10 milliards de francs de la Rac s’effrite trop facilement. À l’ère des smartphones et des réseaux sociaux triomphants, personne n’a filmé la pêche miraculeuse de francs CFA sur la Banio ? Aucun gendarme de Ndindi n’a été informé d’un vol aussi important au domicile d’un notable de la localité et ancien ministre de l’Intérieur ? Aucune rumeur n’en est montée de la localité ? Le lanceur d’alerte y reviendra peut-être avec de nouveaux éléments. Wait and see.
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