Soin préventif, la vaccination appelle un consentement libre et éclairé des concernés. Elle doit se faire dans le respect de l’intégrité physique, de l’autonomie de la personne et de son droit à la santé.
Devrions-nous y passer ? Serons-nous obligés de nous y soumettre ? Abreuvés d’informations contradictoires, les Gabonais s’inquiètent pour leur santé. Soumis à un régime d’exception, ils redoutent de perdre leur libre-arbitre. Au lendemain du lancement de la campagne de vaccination, ils se posent bien des questions. Comme la plupart des peuples bénéficiaires, ils aimeraient en savoir davantage sur les caractéristiques du produit offert par la Chine : la technologie utilisée par Sinopharm, son efficacité, ses conditions de conservation, ses effets indésirables et, surtout, les voies de recours en cas de problème. De même, ils aimeraient savoir s’ils auront la possibilité de décider en toute souveraineté. En attendant d’être fixés, ils assistent, quelque peu circonspects, à une campagne en faveur de la vaccination. Comme si leurs inquiétudes et exigences ne méritaient aucune réponse…
Le corps humain est inviolable
Pourtant, le consentement libre et éclairé est une condition nécessaire à la réussite de cette campagne de vaccination. Pour susciter l’adhésion populaire, le gouvernement doit se résoudre à fournir des informations loyales, claires et adaptées à la compréhension des populations. Il doit aussi se garder d’exercer des pressions ou d’imposer des contraintes. De même, il doit éviter de faire comme si la vaccination était une panacée, une issue incontournable. Au vu des incertitudes scientifiques, il aurait intérêt à miser sur la sensibilisation, l’écoute et la responsabilité individuelle. Pour tout dire, les citoyens ne doivent pas aller se faire vacciner par crainte des représailles ou pour gagner le droit d’accès à certains services. Ils doivent le faire en conscience et en toute confiance.
Pouvant se définir comme un soin préventif, la vaccination doit se faire dans le respect de l’intégrité physique, de l’autonomie de la personne et de son droit à la santé. Même si les conditions d’exercice de la médecine ne sont toujours pas spécifiées au Gabon, cette discipline vise à garantir le bien-être physique et mental des populations. En conséquence, aucun soin ne peut être administré contre l’avis du patient, même sur ordre de la puissance publique. Il en va de même pour les investigations. Loin de tout incivisme, il s’agit là d’une leçon de l’histoire : durant la Seconde Guerre mondiale, la médecine fut utilisée à des fins inhumaines. Pour conjurer de tels risques, la notion de dignité humaine a pris place dans l’éthique médicale. Consacrée par la Déclaration universelle des droits de l’homme de 1948, elle sanctuarise le corps humain, réputé inviolable. Or, par définition, tout acte médical porte atteinte au corps humain. D’où la nécessité de respecter deux préalables : l’explication scientifique et le libre consentement. Y sommes-nous ? On peut en douter.
Maître et propriétaire de son corps
Fondement du consentement libre et éclairé, la notion de dignité humaine doit aussi guider la mise en œuvre de cette campagne de vaccination. L’inviolabilité du corps humain, la nécessité médicale, l’état de santé de la personne concernée, les raisons de l’urgence, les risques et conséquences éventuels : tous ces éléments doivent être pris en compte au cas par cas. Ils doivent être analysés puis mis à disposition de chacun. Même si l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) a déclaré l’état de pandémie, personne ne gagne à faire comme si le Gabon était devenu un foyer de propagation. Nul n’a intérêt à faire comme si chacun n’était pas maître et propriétaire de son corps. Surtout dans un contexte de défiance vis-à-vis des institutions. Les Gabonais doivent-ils coopérer ou subir ? Doivent-ils adhérer ou obéir ? A partir des réponses à ces questions, chacun peut savoir s’il faut rendre la vaccination obligatoire ou pas.
L’information, l’inclusion, le dialogue, et la redevabilité à l’endroit des populations : ces principes peuvent catalyser l’adhésion populaire. Quand bien même ils semblent difficiles à respecter, ils doivent guider la mise en œuvre du plan national de vaccination. Au-delà de la crise sanitaire, ils peuvent aider à rapprocher les gouvernés des gouvernants. Ils peuvent tout autant aider à affronter d’autres périls éventuels dans la cohésion et la confiance mutuelle. Après tout, passée la période d’exception actuelle, il faudra bien faire face aux effets pervers de la stratégie de lutte contre la covid-19. A ce moment-là, aucune énergie de ne sera de trop…