Interpellés par le B2 dans la foulée du mouvement des casseroles ayant ébranlé Libreville à la mi-février, Gaël Koumba Ayouné et Hoffmann le rappeur ont été placés sous mandat de dépôt et déférés à Sans-Famille, la prison centrale de Libreville, le 9 mars après une audition devant le juge d’instruction.
«Nous avons soutenu le chef de l’État. On remercie le chef de l’État. On a rendu service au chef de l’État, on nous envoie en prison. Y a pas de problème. On remet tout dans les mains de Dieu», lance le général des Mapanes, Gaël Koumba Ayouné, le 8 mars sur le parking du tribunal de Libreville à travers une brève vidéo. Vraisemblablement les images ont été enregistrées quelques minutes avant son transfèrement au pénitencier de Libreville. Ayant ainsi parlé, le jeune homme embarque dans une camionnette double-cabine et à plaque d’immatriculation du ministère de la Défense nationale. Ce qui confirme sa détention, deux semaines durant, dans les locaux de la «Contre-ingérence» ou B2.
Trouble à l’ordre publique et incitation à la révolte
Quelques minutes après, certains sociétaires du Collectif des Indéfectibles d’Ali Bongo dont il est le président, ont posté sur Facebook : «Gaël Koumba Ayouné a été placé sous mandat de dépôt à la prison centrale». Le 21 février, il avait été interpellé en même temps que le rappeur Hoffmann, patron et producteur du Label Mapane Life Style que l’on voit dans la même vidéo. En octobre 2019, celui-ci avait déjà eu des démêlés avec la justice pour avoir tenté de lancer, à Libreville, un mouvement ”gilets jaunes” – inspiré de la révolte antisystème en France.
Joints au téléphone, les membres de sa famille ne savent pas exactement de quoi il retourne ou quels sont les chefs d’accusation relatifs à cette mise aux arrêts. Certains de ses comparses avancent cependant qu’il est question d’«insultes envers le Chef de l’Etat ; insultes envers les forces de l’ordre et de sécurité ; trouble à l’ordre publique et incitation à la révolte».
Plus connu sous le pseudonyme de Général des Mapanes, Gaël Koumba Ayouné est également le promoteur de Mapane Radio. Sur les antennes de cette station ayant pour slogan «La révolution viendra du Mapane», il avait largement commenté, lors d’un direct interactif, le mouvement des casseroles, avertissant sur le caractère délétère du phénomène et sur le fait qu’il pourrait s’agir d’un ferment de révolution.
«Un rétropédalage n’est pas signe de faiblesse»
Déplorant les morts du 18 février dans les PK durant le tintamarre de casseroles, il pointait la bavure supposée des forces de l’ordre. Attirant l’attention de la puissance publique sur les mesures anti-covid, jugées coercitives et exaspérantes par les populations, le Général des Mapanes avait appelé à un recul. «Vous avez serré le peuple. Le peuple vous demande simplement de desserrer la ceinture. Desserrez tout simplement (…) Un rétropédalage n’est pas signe de faiblesse. On n’est pas dans le bras de fer. Le peuple ne tente pas un bras de fer avec le gouvernement. Que le gouvernement sache que bien qu’il soit armé, il ne peut pas tenir le bras de fer avec le peuple. Ça c’est sûr et certain», avait-il lancé ce jour-là. Estimant que les mesures étaient corsées et ressemblaient à une provocation, Gaël Koumba Ayouné avait interrogé : «C’est quoi le but ? J’ai envie de dire c’est un complot contre le chef de l’État, tout simplement. Que ceux qui sont derrière, en train d’attiser le feu, sachent que ce feu qu’il attisent va prendre. Et quand il va prendre, j’espère qu’ils vont l’assumer.» L’émission durait plus d’une heure et demie durant laquelle beaucoup d’autres choses dans la même veine ont été dites.
Ceci explique-t-il cela ? Il reste que deux jours après cette sortie sur Mapane Radio, donc le 21 février, le Général des Mapanes, également président du Rassemblement des jeunes patriotes gabonais (RJPG), a été arrêté, selon ses proches, par des agents de la Direction générale de la contre-ingérence et de la sécurité militaire, le fameux B2. Quinze jours après, il est à Sans-Famille. Présentés une première fois devant le procureur de la République, celui-ci les avait renvoyés au B2, leur dossier ayant été jugé incomplet.
Soldat indéfectible
Dans l’opinion, nombreux ne comprennent pas cette arrestation, le Général des Mapanes étant un élément important de la stratégie du pouvoir pour le maillage des quartiers sous-intégrés de Libreville. L’homme s’est cependant toujours considéré comme un éveilleur des consciences et un lanceur d’alerte. Le 15 février, alors que le mouvement des casseroles n’était qu’annoncé et pas encore amorcé, il lançait un message aux gouvernants, écrivant sur Facebook, «en ma qualité de soldat indéfectible et inébranlable de la première heure, je vous prie de revoir les mesures Covid. La grogne monte au risque de détruire la cohésion sociale définitivement». Certains membres du Collectif des Indéfectibles d’Ali Bongo pensent que son arrestation est la résultante d’un règlement de comptes… politique.