Le Pozzo di Borgo, acquisition immobilière des plus spectaculaires de l’ère Ali Bongo, achetée en 2010 à 65 milliards de francs CFA environ, au profit de l’ambassade du Gabon en France, et dans l’objectif de «réduire notablement les frais d’hôtels lors des missions officielles» des personnalités gabonaises dans ce pays, garde le mystère ayant prévalu au moment de son achat, notamment au sujet de sa véritable utilité.
Pas peu fier de la nouvelle transaction qu’il venait d’effectuer, le gouvernement gabonais, dans un communiqué se voulant «officiel» daté du 19 mai 2010, avait annoncé «l’acquisition en toute transparence d’un immeuble situé rue de l’Université dans le 7è arrondissement de Paris, destiné à l’ambassade du Gabon en France». L’acquisition, dit-on, était intervenue alors que l’ambassade du Gabon à Paris était en réfection, depuis de nombreux mois auparavant. Une première action du tout nouveau président Ali Bongo qui apparaissait alors comme «un placement immobilier» utile et à tout point de vue bénéfique pour le Gabon qui aspirait déjà à «une meilleure gestion des finances publiques». Une bien belle ambition qui n’avait pas moins coûté 100 millions d’euros… un coût qui avait quand même rebuté quelques Emirs intéressés, ainsi qu’en témoignait alors la presse.
Pourtant, quatre années après l’achat de cette somptueuse résidence construite à partir de 1706 par l’architecte français Pierre Cailleteau et qui a vu défiler le Tout-Paris, accueillant des manifestations plus chics les unes que les autres (15è anniversaire de l’Eurostar, défilé de la styliste anglaise Vivienne Westwood, etc.), plus aucune nouvelle n’a été donnée par les autorités gabonaises qui avaient annoncé quelques travaux de réfection avant que l’ambassade du Gabon à Paris n’y soit transféré.
«D’une surface d’environ 4500 m², l’hôtel est adossé à un parc de 2640 m2 et s’articule autour d’une cour d’honneur et d’une cour secondaire d’une surface d’environ 1000 m2. L’hôtel Pozzo di Borgo est l’un des plus rares joyaux de l’immobilier Parisien au même titre que l‘hôtel de Sully, les musées Rodin et Jacquemart-André. Il se trouve au cœur du quartier de Saint Germain des Prés, à proximité immédiate de la Seine, de l’Assemblée Nationale et de la place de la Concorde», lit-on sur un site Internet consacré à la rue de l’université, à Paris, où est situé l’hôtel particulier de toutes les extrapolations.
Face au mutisme sur l’un des plus prestigieux avoirs à l’étranger, l’on est en droit de se demander à quoi sert désormais l’ancienne résidence du couturier allemand Karl Lagerfeld, si facilement et si chèrement acquise par l’Etat gabonais ? La résidence dans laquelle vivaient encore quelques membres de la famille des Pozzo di Borgo jusqu’en 2010, continuerait-elle simplement à servir de cadre fastueux pour des rencontres et soirées chics dont les dividendes échoiraient on ne sait où plutôt que d’être rentable au pays ? Au prix qu’elle a coûté et à ce que cet hôtel particulier coûte au Gabon en termes d’impôts, ce serait un comble, s’interloquent des détracteurs qui n’avaient déjà pas hésité à la rebaptiser «Pozzo di Bongo».
En effet, lors de son acquisition, le gouvernement gabonais, comme flairant la critique, s’était empressé de déclarer que l’immeuble permettra de «réduire les frais d’hébergement des officiels gabonais en mission en France». A ce jour, aucune source officielle n’est en mesure d’affirmer y avoir séjourné lors d’une mission, même pas le chef de l’Etat lui-même qui a ses petites habitudes dans le choix des hôtels lorsqu’il descend à Paris. De même, ainsi qu’annoncé en 2010, l’on s’interroge désormais si ladite résidence abrite bel et bien les bureaux du président gabonais, et ceux destinés aux membres du gouvernement lors de leur passage dans la capitale française. Des sources dignes de foi affirment pourtant que lors de son dernier séjour à Paris, début-avril 2014, il séjournait et travaillait dans une suite du Bristol, le meilleur hôtel de France dans la catégorie luxe. A quoi sert donc le Pozzo di Borgo, acquisition immobilière des plus spectaculaires de l’ère de l’émergence à la gabonaise ?