En absence d’études et de statistiques fiables, on ne saurait être définitif sur l’efficacité des restrictions aux droits fondamentaux comme la liberté d’aller et venir ou le droit de gagner dignement sa vie.
La lutte contre la covid-19 doit-elle devenir l’unique préoccupation du gouvernement ? Avant le coronavirus, il y a eu le virus de l’immunodéficience humaine (VIH). Il y a aussi eu Ebola. Et d’autres encore. Jamais on n’a songé à suspendre la vie ou à la réduire au combat contre une pathologie. Jamais on n’est allé aussi loin dans l’exagération et, peut-être même, l’absurde. Face au VIH ou à Ebola, personne n’a songé à exiger un test sérologique pour se déplacer à l’intérieur des frontières nationales. Nul n’a pensé à rendre exigibles des certificats de chasteté ou à fermer les lupanars. Pourtant, depuis mars dernier, notre pays est allé de restriction en privation. Jouant la carte de la dramatisation, faisant une lecture bien à lui des chiffres, le gouvernement n’a eu de cesse de serrer la vis. Comme si la covid-19 était la première cause de mortalité au Gabon. Comme si on ne mourrait plus d’autre chose.
Tant pis si…
Sans nier l’existence du coronavirus, on peut éviter de tomber dans l’excès inverse. Sans tomber dans le laisser-aller, on peut garder le sens de la mesure. Comme le lavage des mains, l’usage du gel désinfectant ou la prise de température, le port du masque dans les endroits bondés et le respect de la distanciation physique s’expliquent et se comprennent. Ces mesures doivent être appliquées en âme et conscience. Elles ne doivent pas se traduire par des atteintes aux fondamentaux de la vie en société : la liberté d’aller et venir et le droit de gagner dignement sa vie. Consacré par la Charte nationale des libertés, la liberté d’aller et venir est un principe constitutionnel. Garantie par la Déclaration universelle des droits de l’homme (DUDH), le droit à un niveau de vie suffisant est une norme à valeur constitutionnelle.
Pourtant, sous prétexte de lutte contre la covid-19, le gouvernement n’a eu de cesse reconduire un dispositif attentatoire à ces libertés fondamentales. Et tant pis si la vie économique et sociale s’en trouve affectée ! Tant pis si des familles se retrouvent asphyxiées, incapables de subvenir à leurs besoins les plus élémentaires ! Tant pis si d’autres pathologies font des ravages dans l’indifférence générale ! Comment apprécier une telle attitude ? A chacun selon ses desseins. N’empêche, on peut admettre l’existence du virus sans crier à l’épidémie ni voir des clusters partout. On parle d’épidémie en cas de propagation rapide d’une maladie dans une région donnée. Est-ce le cas au Gabon ? On parle de cluster pour décrire des zones de circulation active du virus. Les a-t-on identifiées ? Où sont-elles situées ? Le marché de Mont-Bouët en fait-il partie ? Les mots ont leurs sens. Il n’est jamais valorisant de les galvauder.
Réorienter sa réflexion
Eu égard aux chiffres officiels, peut-on parler de « nouvelle flambée épidémique » ? Doit-on envisager un nouveau confinement total ? Cette option est-elle adaptée à notre contexte économique et social ? Est-elle efficace ? Si le confinement était la solution, des pays comme la France auraient déjà éradiqué le virus. Or, ils en sont loin. Très loin même. Par contre, tous les scientifiques le savent : l’augmentation du taux de positivité rapproche de l’immunité grégaire. En vaccinant les gens ou en les laissant s’exposer au virus, on fait le pari de cette forme d’immunité. On se donne les moyens de casser la chaîne de contamination. Avec le temps, on finit par venir à bout de la maladie.
A brève échéance, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) ne croit pas en une immunité collective. Malgré l’arrivée des vaccins, sa responsable scientifique, Soumya Swaminathan, insiste sur le respect des mesures de protection comme la distanciation physique, le lavage des mains et le port du masque. Mais elle ne préconise pas le recours au couvre-feu. En absence d’études et de statistiques fiables, on ne saurait être définitif sur l’efficacité supposée de cette mesure. On ne peut non plus dire si le fait d’en modifier les horaires a un impact sur la propagation du virus. Au lieu de faire dans le tout-répressif, le gouvernement devrait plutôt réorienter sa réflexion. Il devrait l’axer sur deux points : la réorganisation du système de santé et l’acquisition de la logistique, notamment les respirateurs. Aura-t-il un jour le courage d’aborder ces questions de fond ? Pour l’heure, il se contente de brandir la menace d’un nouveau confinement. Option autoritaire et de facilité…