Moribonde et inaudible depuis le début de la crise du Covid-19, particulièrement bien négociée par les autorités de Libreville, l’opposition gabonaise tente de se refaire une santé à l’occasion du projet de loi constitutionnelle. Pour elle, l’enjeu est moins politique que médiatique. Explications.
Minée par des querelles internes, l’opposition gabonaise tente de se refaire une santé et de créer un semblant d’unité après l’adoption vendredi du projet de loi constitutionnelle.
Un projet qui, comme l’a précisé hier lors d’une conférence de presse, le porte-parole de la Présidence gabonaise, Jessye Ella Ekogha, contient en réalité plusieurs avancées, que ce soit en matière de vacance du pouvoir ou de responsabilité pénale du président de la République.
Mais comme souvent au Gabon, l’opposition, dans un réflexe très pavlovien, ne regarde pas le projet sur le fond. Peu importe en réalité si celui-ci contient des avancées. Non, ce qu’elle conteste, c’est tout simplement le principe. La majorité fait une proposition. L’opposition s’oppose. Point.
Le véritable objectif pour l’opposition n’est pas le retrait du texte
Pour cette opposition affaiblie, c’est une question de posture mais également une opportunité de rebondir. Rebondir non politiquement mais médiatiquement. Son objectif est en effet non pas de faire plier le gouvernement et d’obtenir le retrait du texte. Elle sait pertinemment qu’elle en est incapable. Non, son but est de faire le buzz, de profiter de la fenêtre médiatique qui lui est offerte pour faire entendre sa voix, elle qui est inaudible depuis de long mois.
Car politiquement, l’affaire est pliée. Le projet de loi constitutionnelle, pour être adoptée, sera soumis au Congrès, c’est à dire à la réunion de l’Assemblée nationale et du Sénat. Or, l’opposition y est très minoritaire. La faute à une série d’erreurs stratégiques.
D’une part, une frange d’entre elle a choisi de boycotter les dernières élections législatives d’octobre 2018. C’est le cas de la CNR réunie autour de Jean Ping. Résultat : seuls une vingtaine de candidats de l’opposition sont parvenus à se faire élire députés.
D’autre part, le reste de l’opposition qui a choisi de participer au scrutin (Les Démocrates de Guy Nzouba-Ndama, le RPG d’Alexandre Barro-Chambrier, l’UN de Zacharie Myboto…) a fait une bien mauvaise campagne. Plutôt que de présenter son propre projet et d’orienter celui-ci sur les préoccupations quotidiennes des Gabonais (emploi, pouvoir d’achat, santé, éducation, transports…), elle a choisi de faire une campagne négative, pariant sur le rejet du parti majoritaire. Résultat : ce fut une Berezina. Le PDG a remporté haut la main le scrutin. Avec ses alliés, le parti majoritaire a raflé plus de 120 sièges sur 143.
L’enjeu pour l’opposition n’est pas politique mais médiatique
Idem aux élections locales, dont les dernières ont été organisées en même temps que les législatives d’octobre 2018. Et comme les sénateurs sont désignés par les élus locaux, l’opposition, du fait de son boycott ou de sa mauvaise stratégie de campagne, se retrouve, tout comme à l’Assemblée nationale, très minoritaire au Sénat. Sur les 102 sièges encore occupés à la chambre haute (avant l’entrée en vigueur de la réforme de février 2019, consécutive au dialogue d’Angondjé, qui en ramènera le nombre à 52), le PDG en détient 81 et une dizaine de plus en comptant ses alliés.
Le projet de loi constitutionnelle est donc pour l’opposition l’occasion de montrer qu’elle existe encore. Mais seulement sur le plan médiatique. « C’est la stratégie du faible », comme l’explique un politologue. Car sur le plan politique, l’affaire est déjà pliée. Et elle aura beau multiplié les conférences de presse, les appels, les tweets et les postes, voire les pétitions, cela n’y changera rien. Le projet de loi constitutionnelle sera in fine adopté. L’opposition, dans son ensemble, le sait.