LIBREVILLE, Alors que les réactions se multiplient pour dénoncer la vente informelle des médicaments sur la place publique à Libreville comme dans les capitales africaines, et ce, en dehors des pharmacies ou des circuits de médicaments officiellement reconnus, les grands laboratoires pharmaceutiques mondiaux sont accusés de favoriser l’éxplosion du secteur informel du médicament malgré les politiques de Responsabilité Sociétale des Entreprises (RSE) mises en place.
Mais ces stratégies RSE conçues hors d’Afrique sont-elles adaptées à notre contexte ? quand on sait que l’efficacité du traitement d’un patient dépend de la qualité du diagnostic. Avant la définition de leurs stratégies de RSE en Afrique, les multinationales du médicament ont-elles pris la peine de réaliser le bon diagnostic sur l’identification des attentes des parties prenantes africaines selon les spécificités de chaque pays ?
Le cas du Cameroun
Plus de 70 % des Camerounais s’approvisionnent en médicaments dans la rue et les pouvoirs publics éprouvent de sérieuses difficultés à mettre fin à ce commerce. Le secteur des médicaments représenterait 18,13 % de la contrefaçon dans le pays
Le secteur informel qui est en plein essor démontre la réelle difficulté pour les parties prenantes de la santé, à définir une stratégie durable pour un accès aux médicaments de qualité pour le plus grand nombre. Face à ce constat, l’Association Africaine des Industries du Médicament et l’Institut Afrique RSE ont lancé une étude sur la « Responsabilité Sociétale des industries du médicament et la création de la valeur partagée dans le secteur de la santé en Afrique : Cas du Cameroun»
Le premier objectif visait principalement le degré d’engagement des producteurs locaux dans le domaine social, environnemental et de la gouvernance. La question centrale relations et conditions de travail mérite un traitement particulier car les dirigeants de ces entreprises maintiennent leurs salariés sous la perfusion de la précarité. Le deuxième objectif de l’étude visait la compréhension de la chaîne d’approvisionnement des vendeurs des médicaments dans la rue ainsi que les interactions avec les organisations formelles. Les acteurs de l’informel font partie de la chaîne de valeur des professionnels de la santé. Ils reconnaissent un commerce de faux médicaments et de génériques contrefaits. Dans le même temps, leurs fournisseurs sont également des importateurs de médicaments avec des agréments officiels.
La grande surprise de cette enquête est la relation entre ces acteurs de l’informel et les multinationales du médicament. En effet, plus de 90 % des 58 vendeurs de médicaments dans la rue interrogés évoquent un approvisionnement par les filiales des grands groupes via leurs grossistes et délégués médicaux.
C’est approximativement le même pourcentage pour les professionnels de santé (médecins, infirmiers, etc.) et 43 % des pharmacies qui les approvisionnent.
Les directions des multinationales du médicament peuvent-elles ignorer que leurs produits alimentent le marché informel ? En 2012, lors de l’opération « COBRA » menée dans les villes camerounaises de Douala, Yaoundé et Bafoussam par INTERPOL, plus de 160 tonnes de médicaments aussi bien des faux que des vrais ont été saisis. Dans le cadre de leur Responsabilité Sociétale, comment les multinationales du médicament abordent cette question de leurs chaînes de valeur dont une partie est dans l’informel ?
En plus de cette problématique, l’autre question centrale de la RSE pour les grands groupes du médicament particulièrement en Afrique de l’Ouest et du Centre est la production sur place des médicaments. Il est surprenant et regrettable de constater qu’en 2014, leurs produits soient encore importés.
En Afrique du Nord et particulièrement au Maroc, où les leaders mondiaux du médicament possèdent des usines, la situation est différente. Près de 80 % des médicaments consommés au Maroc sont fabriqués sur place. Un exemple à suivre…
Mais là aussi, comme dans le reste de l’Afrique, l’autre question centrale de la RSE des industries du médicament est la gestion des déchets médicaux.
« Les déchets médicaux, une bombe à retardement » C’est le titre choisi ce vendredi 24 mai par L’Economiste, le premier quotidien économique du Maroc, pour commenter le rapport de l’ONU et du Ministère de l’Environnement sur les performances environnementales du Maroc.
Les deux institutions sont particulièrement sévères à l’égard des laboratoires privés et des 2 644 centres de santé du Royaume qui n’assurent aucun traitement spécifique de leurs déchets.