La semaine écoulée, le Porte parole de la présidence de la République, Jessey Ella Ekogha, a accordé une interview explosive au quotidien L’union. L’interview a choqué les citoyens lambda, remué les milieux d’affaires, suscité la panique et la peur auprès des présumés opérateurs économiques véreux, mais aussi laissé un goût d’inachevé sur les retombées concernant les révélations faites à propos des vastes magouilles autour de la dette intérieure de l’Etat gabonais.
L’homme qui porte la parole du président Ali Bongo Ondimba a révélé que grace à un travail minutieux de vérification faite sur l’ensemble du territoire national, la Task force sur la dette intérieure a réussi, à ce jour, à effacer 440 milliards de francs de fausses dettes sur les 650 milliards de francs CFA audités.
Un véritable scandale qui devrait conduire devant les tribunaux auteurs et complices, prévient le Porte-parole de la Présidence de la République, Jessye Ella Ekogha.
Gabonactu.com publie l’intégralité de cette interview à archiver absolument :
L’Union : Depuis le lancement des audits de la Task Force sur la dette intérieure, vous aviez annoncé la découverte de plus de 370 milliards de francs de fausses dettes. Comment avez-vous procédé pour démasquer ces créances douteuses ? Combien d’entreprises sont concernées par ce scandale ?
Jessey Ella Ekogha : Si la taskforce a obtenu des résultats aussi différents, c’est parce qu’elle a procédé différemment. Je m’explique.
Tout d’abord, cette taskforce, instituée à l’initiative et par le Président de la République, SEM Ali Bongo Ondimba, à travers un décret du 20 juin 2020, est composée d’une équipe de très haut niveau, pluridisciplinaire (avec des Commissaires aux comptes, des responsables de régies financières, des experts en travaux publics, des juristes, etc.) et qui connait la réalité du terrain. Ce ne sont pas des experts venus de l’extérieur. Ce sont des gens formés suivant les meilleurs standards internationaux, vivant au Gabon et qui connaissent la réalité du pays.
Ensuite, la méthodologie adoptée par la taskforce est radicalement différente et, disons-le, beaucoup plus rigoureuse et approfondie. Là où les premiers audits se sont contentés de travailler uniquement sur pièces, la taskforce a systématiquement procédé à des vérifications sur le terrain pour s’assurer de l’exécution ou non des prestations.
Pour répondre à votre autre question, à ce jour, 526 entreprises ont été auditées.
L’Union : Vous aviez indiqué que ces fausses créances représentent 70 % du stock de la dette auditée à ce jour (soit 559 milliards de francs). Comment expliquez-vous que de tels montants aient pu échapper au contrôle des administrations en charge de la vérification de la dépense ?
Jessey Ella Ekogha : Je vous confirme qu’à date, le montant de la dette intérieure annulée car injustifiée est d’environ 440 milliards sur les 650 milliards de francs CFA audités.
Si la taskforce est parvenue à mettre à jour un tel montant, c’est que, je viens de le dire, contrairement à un contrôle administratif classique, la méthode adoptée a été totalement différente. La taskforce ne s’est pas bornée à contrôler en droit la régularité de la procédure d’attribution des marchés publics, elle a vérifié dans les faits et sur le terrain la bonne exécution de ces marchés, c’est-à-dire le fait pour l’adjudicataire d’avoir fourni réellement ou non les produits ou les prestations sur lesquels il s’était engagé.
Concrètement, des équipes ont été déployées sur le terrain dans l’Estuaire, l’Ogooué Maritime et l’Ogooué Ivindo. Au moment où je vous parle, d’autres le sont dans le Woleu Ntem, le Haut Ogooué, la Ngounié et la Nyanga. C’est ce point qui est fondamental et qui explique pourquoi l’audit de la taskforce est extrêmement rigoureux et sa crédibilité incontestable. D’ailleurs, j’observe que personne n’en conteste les conclusions.
L’Union : Y a-t-il eu, selon vous, des complicités de certains hauts fonctionnaires pour la validation de ces fausses dettes ?
Jessey Ella Ekogha : Oui. Cela ne fait aucun doute. Certains dossiers laissent clairement, de manière flagrante, apparaître une complicité entre des opérateurs indélicats et de hauts cadres de l’administration.
Je vous donne un exemple : une entreprise qui sollicitait un paiement de 800 millions au titre d’une supposée créance fait un recours devant le Conseil d’Etat et finit par obtenir un dédommagement de plus de… 8 milliards de Francs CFA, c’est-à-dire dix fois le montant initialement revendiqué ! Vous avez là, preuve à l’appui, la réponse à votre question. Le drame, c’est que des exemples aussi aberrants et révoltants que celui-ci, vous en avez à foison.
L’important maintenant, c’est que ça ne se reproduise plus. C’est pourquoi le dispositif institutionnel va être musclé, les procédures durcies et les contrôles renforcés. Quant aux personnes incriminées, c’est à la Justice de se prononcer. Si elles sont reconnues coupables, alors les sanctions devront être exemplaires. On ne vole pas l’Etat impunément !
L’Union : Il apparaît que certaines créances validées sont aujourd’hui en suspens, on parle notamment de celles du Club de Libreville. Ne craignez-vous pas un impact négatif sur le fait que l’Etat revienne sur ses engagements ? Ne serait ce pas un mauvais message envoyé aux bailleurs et investisseurs ?
Jessey Ella Ekogha : Le Club de Libreville est hors de cause. Il n’a rien à voir dans cette affaire. Il n’a fait que ce qui lui était demandé, à savoir régler des créances qu’on lui a présenté comme étant régulières et donc éligibles à remboursement.
Quant au fait de dire que si l’Etat revient en l’espèce sur ses engagements, cela envoie un mauvais signal, c’est non seulement archi-faux mais c’est l’exact inverse qui est vrai.
L’objectif de l’Etat est de payer, en totalité et dans les meilleurs délais, ce qu’il doit effectivement payer. Pour preuve, à date, toutes les dettes de moins de 70 millions ont déjà été soldées pour un montant de 4 milliards de francs CFA. En revanche, l’Etat ne paiera pas ce qu’il ne doit pas payé. N’en déplaise à certains, il ne se laissera pas voler.
Ce message, clair et puissant, est à positif à la fois pour les contribuables ; pour les entreprises et les investisseurs ; mais aussi pour les bailleurs internationaux et les investisseurs extérieurs qui constatent qu’au Gabon, la bonne gouvernance progresse et la corruption régresse.
En vérité, dans cette affaire, les seuls qui ont à s’inquiéter, ce sont les aigrefins, c’est à dire les entreprises qui ont tenté de frauder et leurs complices.
L’Union : L’Etat va-t-il engager des poursuites judicaires à l’endroit des entreprises incriminées et des responsables administratifs qui ont validé ces créances douteuses ?
Jessey Ella Ekogha : Oui, il y aura des poursuites. D’où d’ailleurs la présence du parquet de la République et de l’agent judiciaire de l’Etat au sein de la taskforce. Le Président l’a martelé : il sera intraitable avec les corrompus. Sa ligne politique en la matière est limpide : c’est celle de la tolérance zéro.
Désormais, c’est à la Justice de faire son travail. Et elle le fera. En attendant, le Président de la République a tiré les enseignements de cette mauvaise expérience et pris les décisions qui s’imposaient afin que ça ne se reproduise plus. D’où la réhabilitation de la Direction générale des marché publics (DGMP) au fonctionnement amélioré, le renforcement de l’Agence Nationale d’investigation financière (ANIF) ou encore la création de l’Agence Nationale de Vérification et d’Audit.
Que ceux qui, par le passé, ont vécu dans le confort d’un certain système en soient avertis : ce temps-là est définitivement révolu.