Les nuages s’amoncellent sur le Gabon. Récemment, le magazine Jeune Afrique alertait sur “le sauve qui peut” des sociétés pétrolières implantées sur place. De fait, le départ de Total, annoncé cet été, est un nouveau coup dur pour le secteur pétrolier gabonais. Il s’ajoute à celui de Shell quelques années auparavant et signe la fin de l’activité des majors du pétrole dans le pays. Interrogations sur le risque de banque route pointant à l’horizon.
D’autres sources médiatiques font quant à elle état de cessions d’actifs effectuées par le sud-africain Sasol au Gabon. Plus grave, l’article de Jeune Afrique révèle qu’Addax Petroleum, troisième producteur du pays et filiale de la puissante société d’État chinoise Sinopec, envisage également de plier bagages. Si même les investisseurs chinois jettent l’éponge…
Mais le secteur extractif n’est pas le seul touché par cette fuite des entreprises étrangères. La banque française BNP, qui cherchait à partir depuis des années, est finalement parvenue à se défaire de sa filiale gabonaise en début d’année.
La pandémie de Covid-19 comme prétexte
Ce sont indubitablement de très mauvais signaux. Seront-ils perçus par nos gouvernants ? Rien n’est moins sûr. Pour l’heure, et en l’absence d’un chef de l’État bien identifié en raison des graves ennuis de santé du président Ali Bongo, la crise économique mondiale liée à la pandémie de Covid-19 est le coupable idéal. Pourtant, il faut être clair, la pandémie n’est que l’accélérateur d’une tendance lourde. Le véritable coupable n’est autre que la négligence des gouvernants gabonais qui se sont avérés incapables de créer un climat des affaires propice à l’investissement. Il suffit de constater leur incapacité à gérer prudemment la manne pétrolière qui – faut-il le préciser ? – bénéficie depuis 60 ans à une très petite minorité.
Les élites gabonaises n’ont guère brillé non plus par leur patriotisme économique. Les leaders du monde politique comme des milieux d’affaires ont pris l’habitude, bien connue de tous, de placer leurs gains dans des juridictions qu’on qualifiera pudiquement de complaisantes. Quel exemple donnent-ils aux générations futures quand le meilleur moyen de s’enrichir n’est pas de créer de la valeur localement, mais de parquer cet argent à l’extérieur du pays, aussi vite que possible ?
Autant exiger des sociétés étrangères qu’elles le fassent pour les Gabonais. Après tout, cela évite aux nationaux d’avoir à se préoccuper eux-mêmes du fastidieux travail de développer leur propre pays. Donc, outre une fiscalité disproportionnée et mise en œuvre dans la plus grande opacité, il est imposé à ces sociétés étrangères des réglementations incohérentes et contre-productives.
Quotas de l’Opep et politique de change en zone Cemac : des contraintes infécondes
Ainsi, le Gabon, qui ne pèse pas grand-chose à l’échelle mondiale, se retrouve-t-il à céder aux demandes de l’Opep (autrement dit l’Arabie saoudite…) et à baisser ses volumes de production de 23 % depuis le début de l’année. Après avoir poussé les compagnies à investir pour enrayer le déclin de sa production pétrolière, le gouvernement gabonais schizophrène veut restreindre leurs ambitions, mettant ainsi en péril les investissements de long terme qui sont le futur de l’économie nationale.
Au-delà de la question des quotas de production imposés par l’Opep, une nouvelle réglementation portant sur la politique de change en zone Cemac, déjà en place pour un certain nombre de secteurs, va entrer en vigueur pour toutes les entreprises pétrolières et minières de la région le 31 décembre de cette année.
Les conséquences sur l’économie réelle des pays de la Cemac promettent d’être désastreuses. Les populations, tous niveaux de vie confondus, depuis les entreprises jusqu’aux classes moyennes, vont être les vraies victimes de cette décision en raison des pertes d’emplois, de la baisse des recettes fiscales et de la dégradation vertigineuse, une fois encore, du climat des affaires.
Les dirigeants semblent oublier que le Gabon est entré dans une compétition internationale extrêmement vive pour attirer les investisseurs étrangers. Ce que le pays n’arrive pas à faire dans le secteur extractif, pour lequel il bénéficie d’un avantage comparatif considérable du fait de l’abondance de ses ressources naturelles, comment peut-on espérer le réaliser dans d’autres secteurs ?