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Annulation des mesures en lien avec la réouverture des lieux de culte : La rançon de l’orgueil
Publié le samedi 31 octobre 2020  |  Gabon Review
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© Autre presse par DR
Le Docteur Guy Patrick Obiang Ndong
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N’ayant jamais cru aux vertus de la concertation et de l’écoute, le gouvernement a lâché du lest après avoir abattu sa carte maîtresse : le recours à la force. Face à la détermination de l’église catholique, il a été contraint de revoir sa copie.

Victoire de la foi ou rançon de l’orgueil ? Décrétées sous prétexte de lutte contre la Covid-19, les dernières mesures gouvernementales ont été annulées. Soutenues à cors et à cris il y a encore quelques jours, elles ne seront plus appliquées. Sur le test de négativité, l’eucharistie, la dîme ou les offrandes, «les communautés religieuses devront désormais (s’organiser).» Autrement dit, l’accès aux lieux de culte ne sera plus subordonné à la présentation des résultats d’un test virologique PCR datant de moins 14 jours. Mieux, les offices seront célébrés conformément aux liturgies respectives. Telles sont les principales conclusions d’une séance de travail tenue jeudi dernier sous la présidence de la Première ministre, en présence des ministres en charge de l’Intérieur et de la Santé.

Détermination de l’église catholique

Pour le gouvernement, ce rétropédalage est lourd de sens. Suscitant des railleries, il soulève moult questions. Même si on peut se satisfaire de cette issue, on ne peut s’empêcher de s’interroger. Comment des responsables politiques en sont-ils arrivés à concevoir de telles mesures ? En avaient-ils vraiment discuté avant de les rendre publiques ? En avaient-ils soupesé la faisabilité et la pertinence ? S’étaient-ils posés la question de leur légalité voire de leur constitutionnalité ? Pourquoi ne pas avoir anticipé en négociant en amont, comme le lui conseillaient d’autres forces sociales ? Où l’on en vient à s’inquiéter des conséquences de la pratique politique en vigueur : mélange d’arrogance, d’improvisation et de bricolages juridico-institutionnels, elle peut conduire aux pires extravagances.

Au-delà des circonstances, cette reculade a été rendue inévitable par une accumulation de manquements aux principes de la République ou aux modalités de fonctionnement d’un État. Sur sa compréhension de la laïcité, comme sur son rapport aux autres forces sociales ou son idée des libertés individuelles, le gouvernement n’a jamais été au clair. Certes, ces mesures ont été abandonnées à sa propre décision et sur instruction du président de la République. Mais, de par leur minutage, les événements attestent d’une réalité : face à la détermination de l’église catholique, le pouvoir a été contraint de revoir sa copie. Initialement, il avait tout misé sur la coercition. N’ayant jamais cru aux vertus de la concertation et de l’écoute, il a lâché du lest après avoir abattu sa carte maîtresse : le recours à la force. Comme en témoigne sa communication minimaliste, il a reculé sous la pression. Loin de chercher à construire, il a plutôt voulu éviter une confrontation à l’issue incertaine.

Enseignements à tirer

A y regarder de près, l’église catholique a fait preuve de sens tactique et de confiance en sa fonction prophétique. Sur la forme, elle a pris sa décision au cours d’une session extraordinaire de sa Conférence épiscopale, liant l’ensemble des évêques et diocèses. Puis, elle a fait appel au «peuple de Dieu», l’invitant à réfléchir «à cette double justice dans la manière de gérer la Covid-19.» Face aux menaces du gouvernement, elle a renoncé à ouvrir ses paroisses, préférant organiser des offices en plein air. Tournant le dos à ses pratiques d’antan, elle a évité de s’en remettre à Ali Bongo, donnant même l’impression de ne plus croire en l’effectivité de sa présence au sommet de l’État. Dans le fond, elle n’a jamais cédé à la polémique. Refusant de discourir sur ses relations avec l’État, elle a axé son propos sur la liberté de conscience, revendiquant le droit de fixer librement son calendrier. Or, par l’addition de propos guerriers et d’approximations sémantiques ou conceptuelles, les ministres en charge de l’Intérieur et de la Santé ont très vite paru dépassés par les événements. Sans s’en rendre compte, ils ont joué aux apprentis-sorciers.

Quels enseignements tirer de cette séquence ? Ayant cherché à vaincre et pas à convaincre, le gouvernement gagnerait à intégrer cette loi d’airain : en démocratie, les rapports sont fondés sur la recherche de l’intérêt général et non sur la force. Ayant assisté à ce vaudeville sans mot dire, l’Assemblée nationale aurait intérêt à réfléchir à sa mission de contrôle de l’action gouvernementale. Pour les uns comme pour les autres, ces événements sont un avertissement sans frais. Faute de revoir leur rapport aux affaires publiques, faute d’améliorer leur gouvernance, ils pourraient, un jour ou l’autre, s’exposer à des périls d’une autre nature.
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