Les employés de la boîte de sécurité et de gardiennage, la Société gabonaise des services (SGS), se disent en attente de licenciements. Déjà, ils cumulaient, en moyenne, un ou deux mois d’arriérés de salaires. Les difficultés de la SGS, aggravées par la crise sanitaire, durent depuis plusieurs années déjà.
«Nous sommes en attente de licenciements. Même si nous n’avons pas encore reçu de document officiel, j’ai reçu des indiscrétions il y a déjà deux mois», indique un agent de la SGS. Gabonreview n’a pas pu vérifier les chiffres de 660 employés à licencier annoncés dans plusieurs médias.
«Nous savons tous que toutes les villes où la SGS est implantée seront touchées. Mais le taux de départs le plus élevé sera à Libreville, où se regroupe le plus grand nombre de salariés SGS, dont les agents dits « administratifs », qui ont les plus gros salaires et seraient donc moins rentables», ajoute l’employé.
Avant la crise du coronavirus, la SGS possédait 2 milliards de recettes de FCFA par mois, a appris Gabonreview, et la masse salariale représentait déjà à elle seule 1,5 milliard de FCFA.
La crise sanitaire et ses conséquences économiques risquent donc de se faire sentir. D’autant plus que la SGS dépend des grandes entreprises, elles aussi touchées par la crise, car elle en assure la sécurité. Si elle garde quelques gros marchés comme avec la société de production de manganèse, Comilog, la SGS a perdu des contrats, affirme une source judiciaire.
De plus, même si la SGS reste la plus connue des sociétés de sécurité, la concurrence existe: aujourd’hui, le Gabon compte près de 70 entreprises de sécurité et de gardiennage.
Retards d’un ou deux mois de salaires
«Aujourd’hui, la SGS nous doit deux mois», explique à Gabonreview un agent à Port-Gentil, précisant que tous les employés de la capitale économique du pays sont logés à la même enseigne. À Libreville, un salarié de la SGS dit quant à lui accuser un retard d’un mois. Contacté, un agent en service dans le Haut-Ogooué parle lui aussi d’un mois de retard de paiement.
Les difficultés à la SGS – qui dépend des entreprises dont elle assure la sécurité – ont débuté vers 2015, se souviennent les salariés – soit au moment de la crise économique débutée en 2014-2015, liée à la baisse des prix du baril. Aujourd’hui, la nouvelle crise ajoute un autre choc.
Mais au-delà des difficultés conjoncturelles, c’est le modèle de la SGS qui se révèle bancal. Les clients (les entreprises) payent toujours après la date prévue de versement des salaires, a appris Gabonreview. Et pour rappel, comme dit plus haut, la masse salariale représentait avait la crise 1,5 milliard de FCFA sur 2 milliards de recettes.
Sous administration judiciaire en 2017-2018
Les difficultés de la SGS datent depuis plusieurs années. La SGS a même été placée sous administration judiciaire pendant un an et demi, entre 2017 et 2018, sous la supervision du syndic Me Athanase Ndoye Loury. Contrairement à ce qui avait été alors révélé par le journal en ligne La Lettre du Continent, il ne s’agissait pas d’un «redressement judiciaire», a appris Gabonreview.
À la fin de cette administration judiciaire, Jérôme Andjoua a pris le relais comme directeur du français Fabrice Trivaudey. Avant de devenir directeur de la SGS de 2015 à 2018, cet ancien policier français avait été pendant huit ans directeur général au Gabon de la société de sécurité internationale G4S. Il travaille aujourd’hui comme consultant en sécurité.
Une société proche des Bongo et de Delta Synergie
Entreprise présente depuis 45 ans au Gabon, la SGS est souvent vue comme une branche non officielle du pouvoir en place. Ses agents «ont d’ailleurs été, à plusieurs reprises, indexés par la société civile et même les politiques comme étant impliquée dans des exactions commises, par exemple en 2009 contre certains acteurs politiques à la Cité de la démocratie, ou encore à Port-Gentil, de même qu’à Libreville, en 2014, au cours d’une manifestation ayant enregistré la mort du jeune Bruno Mboulou Beka», écrivait le site aLibreville.com en août 2017.
Autre fait connu: l’actuel directeur, Jérôme Andjoua, est à la tête de la holding Delta Synergie, décrite comme «la holding familiale des Bongo», où «une poignée de membres du clan au pouvoir s’approprie des pans entiers de l’économie du pays», par le site d’investigation Mediapart.
Selon un audit des participations de Delta Synergie, publié dans la presse, et daté de 2012, cette holding détenait alors 69,3% du capital de la SGS. Le reste du capital de la SGS, d’un total de 70.500.000 FCFA, était partagé entre Jacqueline Rawiri, épouse du puissant Georges Rawiri (les deux sont décédés) à hauteur de 9,2%, la succession de Monsieur M’Pouhot-Epigat, ancien ministre de la Défense et neveu du chef de l’État (9,2%), Monsieur Louis-Marie de Bettencourt (9,2%) et Madame H. Courcy (3%). Au Conseil d’Administration de la SGS, Delta Synergie était représentée par Henri-Claude Oyima, actuel patron de la banque BGFI.