L’ex-leader de l’opposition gabonaise, inaudible depuis le déclenchement de l’épidémie de Covid-19, a annoncé qu’il prendrait la parole ce soir sur les réseaux sociaux. En posture délicate, il souhaite profiter de la polémique sur la réouverture des Eglises pour rebondir ou plus simplement survivre sur le plan politique. Explications.
Jean Ping s’adressera « exceptionnellement » à la Nation ce mercredi 21 octobre à 20 heures, a pompeusement annoncé ce matin son cabinet.
A l’évidence, l’ex-leader de l’opposition tente de récupérer la grogne de l’Archevêque de Libreville, Mgr Jean-Patrick Iba-Bâ qui tient absolument à rouvrir par anticipation les Eglise au Gabon, au mépris des consignes du gouvernement mais aussi du Vatican, vent debout contre son représentant au Gabon.
Opportunisme, voire cynisme
Ce n’est pas la première fois que Jean Ping fait preuve d’opportunisme, voire selon certains de cynisme, pour tenter de récupérer le mécontentement d’une partie de la population. En décembre 2018, il avait tenté de provoquer une marche de ses partisans en direction du Palais du Bord de mer au moment où le président Ali Bongo Ondimba venait de subir un AVC. Une tentative rapidement avortée. Plus récemment, en janvier 2020, il n’avait pas hésité à attiser la colère des Librevillois en relayant des rumeurs sur une supposée vague de disparition d’enfants qui s’était révélée être une fake news. Rumeurs qui ont entraîné le lynchage et la mort de plusieurs innocents.
« En réalité, Jean Ping n’a plus vraiment le choix. Il est en train de jouer son va-tout, c’est à dire sa survie politique, qui passe pour lui par la possibilité de représenter à nouveau l’opposition lors de la prochaine présidentielle prévue en 2023 », explique un professeur en science politique de l’UOB.
Jean Ping trop faible pour s’opposer directement
« Mais », ajoute-t-il, « cela semble de plus en plus difficile ». Pourquoi ? « D’abord parce que Jean Ping est désormais vigoureusement contesté au sein de l’opposition à la fois par les vieux barons qui estiment que son tour a passé en 2016, mais aussi par la jeune garde qui le juge trop vieux et dépassé. A cela vient s’ajouter le fait qu’il n’a désormais plus aucun soutien significatif à l’extérieur », éclaire l’universitaire.
« Ensuite », poursuit celui-ci, « Jean Ping ne peut pas réellement critiquer le gouvernement sur le sujet du moment, à savoir la riposte face au Covid-19, puisque, de l’avis même des institutions internationales, qu’il connait bien, celle-ci a été menée avec efficacité dans le pays, comme en atteste les chiffres actuels. Par conséquent, il lui faut bien trouver un autre angle d’attaque ».
« De fait, aujourd’hui, Jean Ping est contraint de s’opposer par procuration, c’est à dire de s’abriter derrière certains paravents – l’Eglise catholique aujourd’hui ; les syndicats ou certaines organisations dites de la société civile, mais en réalité très politisées, hier ou avant-hier – en faisant de la récupération », estime ce professeur qui juge désormais Jean Ping « trop affaibli pour s’opposer directement, par lui-même, à la majorité au pouvoir. »
« Il ne donne pas l’impression de s’intéresser au quotidien des gens »
Aujourd’hui, pour nombre de Gabonais, qu’ils soient partisans de la majorité comme de l’opposition, Jean Ping ne constitue plus une alternative. « A 81 ans, il n’incarne plus l’avenir. Il est largement l’homme du passé. C’est ce que montre toutes les études », indique l’universitaire. « Un sentiment renforcé par le fait qu’il ne donne pas l’impression de s’intéresser au quotidien des gens mais uniquement aux querelles politiciennes », ajoute celui-ci.
Plus que jamais, Jean Ping a besoin de « béquilles » pour tenter de se maintenir debout dans l’arène politique gabonaise.