[Tribune] De Léon Mba à Ali Bongo : les 60 ans du ministère des Affaires étrangères du Gabon

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Publié le mercredi 14 octobre 2020 | Gabon Review

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Le siège du ministère des Affaires étrangères

«Si le Ministère gabonais des Affaires étrangères m’était conté», tel aurait pu être le titre de cette tribune de teneur historique écrite par Emmanuel Mba Allo en mémoire de la création, le 14 octobre 1960, du ministère des Affaires étrangères du Gabon. Diplomate, ancien porte-parole du ministère des Affaires étrangères et de la Coopération, l’auteur, qui fut journaliste avant de devenir diplomate, livre ici un texte commémoratif… à l’usage des jeunes générations.

Le 14 octobre 1960, il y a 60 ans, jour pour jour, le Gabon se dotait d’un ministère des Affaires étrangères après son accession à l’indépendance. L’histoire de la diplomatie se confond avec celle des peuples. Elle correspond à un besoin sociologique fondamental des communautés qui ont à régler leurs rapports mutuels.

Homère dans l’Iliade nous offre la description détaillée d’une mission diplomatique : celle qu’entreprirent Ménélas et Ulysse à la veille de la Guerre de Troie afin de résoudre, par des moyens pacifiques, la question d’enlèvement d’Hélène. La mission échoua, mais Homère signale qu’une proposition tendant à faire assassiner les deux émissaires souleva l’indignation générale : c’est pourquoi, historiquement, un des premiers principes fermement établis est celui de l’immunité diplomatique.

L’historien grec Thucydide (Ve siècle avant Jésus Christ) nous donne dans sa « Guerre du Péloponnèse » de nombreux exemples de pratiques diplomatiques entre les cités de la Grèce antique. Byzance fut la première cité à organiser un département gouvernemental unique chargé de traiter les affaires extérieures et de former des négociateurs de carrière. Elle nous a laissé de longs traités relatifs aux questions de protocole et de cérémonial.

L’affirmation des Etats à partir de la fin du Moyen-âge entraîne l’apparition des ambassades permanentes. Le mot « ambassadeur » est d’origine vénitienne car Venise est la première puissance à envoyer des représentants permanents à l’étranger. Le métier de diplomate est donc l’un des plus vieux métiers du monde. Un vrai métier, un beau métier, mais aussi un métier dur et exigeant. On ne s’improvise pas diplomate.

Les relations du Gabon avec les autres Etats, ont été, pendant la colonisation, assurées par la France. Dans la logique du droit colonial, les colonies ou territoires non autonomes ne possédant aucune personnalité juridique internationale propre n’avaient aucun droit de légation, c’est-à-dire, aucune faculté d’entretenir des relations diplomatiques. Ce n’est qu’avec l’accession du Gabon à la souveraineté internationale le 17 août 1960 qu’apparaît un système propre de relations extérieures

Le 14 octobre 1960, le Gabon s’est doté d’un ministère des Affaires étrangères rattaché au ministère de l’Économie nationale. Le Département comprenait essentiellement deux grandes directions : la direction de l’Économie nationale, du Plan et du Développement d’une part, la direction des Relations extérieures d’autre part. Celle-ci comportait trois divisions : Europe-Amérique, Afrique-Asie et organisations et organismes internationaux. Le 28 novembre 1960, les Affaires étrangères se séparent de l’Économie nationale et deviennent un département ministériel autonome.

En 1962, l’administration centrale fut réorganisée dans le sens d’une combinaison de la répartition géographique et de la division selon l’ordre des matières, grâce à la création de la direction des affaires politiques et économiques, divisée en sous-directions géographiques. La création du poste de secrétaire général du ministère a renforcé l’unité de doctrine et de direction. Le premier titulaire du poste fut Jean Davin.

Le 7 décembre 1970, le ministère des Affaires étrangères se structure sous une forme moderne et devient ministère des Affaires étrangères et de la Coopération.

L’administration centrale est profondément modifiée. Elle comporte désormais quatre grandes directions : affaires politiques, affaires économiques, affaires administratives et sociales, relations culturelles ; et des services à vocation générale : protocole, presse, archives, service juridique, ainsi qu’une inspection générale des postes diplomatiques et consulaires.

L’administration centrale est de nouveau réorganisée en 1976. Huit directions sont créées : quatre directions géographiques (Afrique, Europe, Asie-Pacifique, Amérique) ; une direction fonctionnelle (organisations internationales et coopération multilatérale) et trois directions à vocation générale (affaires administratives, protocole, presse et communication). S’y ajoute une inspection générale des missions diplomatiques et consulaires. Le secrétaire général du ministère, revêtu de la dignité d’ambassadeur du Gabon, assure sous l’autorité du ministre, la coordination et l’impulsion de l’activité de l’ensemble de ces directions ainsi que l’animation du réseau diplomatique. C’est « la vestale du ministère », celui qui, comme la prêtresse de l’Antiquité, est chargé d’entretenir le feu sacré. Il est assisté de deux secrétaires généraux adjoints chargés de la coordination des directions géographiques d’une part, et des directions fonctionnelles d’autre part.

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Bouleversement de l’espace et accélération du temps : pour être maîtrisables par les professionnels, ces deux composantes de la révolution diplomatique exigent, en préalable à toute action, la définition d’une ligne claire et d’un appareil de politique étrangère adapté. Le 21 mai 2003, un nouveau décret fixe les nouvelles attributions et organisations du ministère des Affaires étrangères, de la coopération et de la Francophonie. Quatre directions générales sont créées : Affaires étrangères, Affaires consulaires, coopération internationale et droit de la mer. S’y ajoutent cinq directions d’appui au secrétariat général, ainsi qu’une Commission nationale des réfugiés.

Quelles leçons peut-on tirer de ces évolutions et de ces transformations successives du ministère des Affaires étrangères ? Les nombreuses réformes intervenues depuis 1960 s’inscrivent toujours dans un même processus et une même logique : l’amélioration de l’outil diplomatique dans un souci de souveraineté et d’efficacité.

La présidence de Léon Mba est marquée par la mise en place de l’outil diplomatique après l’accession du Gabon à l’indépendance. Les septennats du Président Omar Bongo Ondimba se caractérisent par le renforcement des capacités de l’outil diplomatique au service du développement économique du Gabon, de la paix en Afrique, de la solidarité africaine et du rayonnement du Gabon dans le monde.

Avec l’accession du Président Ali Bongo Ondimba à la magistrature suprême, le Gabon est entré dans une ère nouvelle. Il y a une volonté forte du Chef de l’Etat gabonais de faire du ministère des Affaires étrangères un outil de travail performant pour la politique d’émergence du Gabon et la bonne tenue de la République gabonaise sur le marché de l’estime internationale.

Depuis sa création le 14 octobre 1960, 30 ministres se sont succédé à la tête du département des Affaires étrangères. Le premier en date fut André Gustave Anguilé. Homme brillant, membre de plusieurs gouvernements de Léon Mba et Chef de la délégation gabonaise à la XVe session de l’assemblée générale des Nations unies lors de l’admission du Gabon à l’ONU, il ne passera que quatre mois à la tête du ministère. Cependant, dans les annales diplomatiques gabonaises, André Gustave Anguilé reste avant tout l’homme de l’admission du Gabon à l’ONU.

Le 21 février 1961, Jean-Hilaire Aubame succéda à André Gustave Anguilé. Ancien député du Gabon au Palais Bourbon à Paris, leader de l’UDSG, Aubame a campé le ministre des Affaires étrangères sous sa forme la plus accomplie, au point que l’on croit communément que le poste avait été créé pour lui. C’est sous Aubame qu’apparaît une véritable administration des Affaires étrangères.

Les successeurs de Jean-Hilaire Aubame : Jean-François Ondo, qui a accompagné le Président Léon Mba à Addis Abeba lors de la création de l’OUA le 27 mai 1963 (7 mois), Joseph Ngoua (2 mois), Pierre Avaro (10 mois), Jean Engone (2 ans), Jean-Marie Mba (4 mois), Benjamin Ngoubou (4 mois), Paul Malekou (5 mois), s’efforcèrent de moderniser le nouvel outil diplomatique.

Après l’accession du Président Omar Bongo Ondimba au pouvoir, une figure domine, celle de Jean-Rémy Ayouné qui passera trois ans à la tête du ministère des Affaires étrangères.

De 1971 à 1976, une innovation, deux diplomates à la tête du département. Pour exécuter sa politique extérieure, le Président Omar Bongo Ondimba recourut à un diplomate qui avait été ambassadeur-haut représentant du Gabon à Paris, Georges Rawiri. Celui-ci se qualifiait par sa connaissance de la France, par ses compétences européennes et africaines et par sa réputation de négociateur. Georges Rawiri est remplacé le 25 février par un autre diplomate, Paul Okoumba d’Okwatsegue, homme de grande culture. Les deux diplomates qui étaient des grands ministres, imprimèrent leur marque.

Le Gabon s’honorait d’être servi à cette époque par des ambassadeurs dont on ne se lasse pas de vanter l’exceptionnelle qualité. Jean Davin, Aristide Issembé, Marcel Sandoungout, Simon Edou Eyene, Léon Ndong avaient dans leur âme une si haute conception du Gabon que, par leur attitude seule, ils inspiraient à leurs interlocuteurs le respect de leur pays.

Le 23 août 1976, Martin Bongo succède à Paul Okoumba d’Okwatsegue. Il passera 13 ans et deux jours à la tête du département. Très humain, direct, naturellement bon et bienveillant, Martin Bongo a donné au Ministère des Affaires étrangères ses lettres de noblesse. Considéré par la presse internationale comme le Gromyko africain (du nom de l’ancien ministre soviétique des Affaires étrangères, Andreï Gromyko qui passa 25 ans à la tête de la diplomatie soviétique), Martin Bongo quittera son poste le 25 août 1989 remplacé par Ali Bongo Ondimba. Passionné par sa charge, le futur Chef de l’Etat nourrissait une grande ambition pour le ministère des Affaires étrangères. Son sens élevé du service public, sa volonté réfléchie de procéder à une réforme en profondeur du Département, lui attirèrent l’estime de tous les agents qui regrettèrent profondément son départ le 21 juin 1991.

Pascaline Mferri Bongo Ondimba, qui succéda à Ali Bongo Ondimba, est la première femme à occuper le poste de ministre des Affaires étrangères. Extrêmement accessible, Pascaline Mferri Bongo Ondimba s’est beaucoup préoccupée au cours de son passage au ministère, des conditions de travail du personnel du département.

Sept mois pour Jean Ping, successeur de Pascaline Mferri Bongo Ondimba. Ce troisième diplomate à la tête du département, a été remplacé par Casimir Oye Mba le 30 octobre 1994. L’ancien Premier ministre a passé 4 ans et 27 jours à la tête du ministère des Affaires étrangères.

Le 25 janvier 1999, c’est le retour de Jean Ping à la tête du département des Affaires étrangères dans le gouvernement de Jean-François Ntoutoume Emane. Jean Ping appartient déjà trop à la maison pour qu’on puisse le considérer comme un nouveau ministre. Comme il avait longtemps été Premier Conseiller, puis ambassadeur du Gabon auprès de l’UNESCO à Paris, Jean Ping connaît peu ou prou tous les fonctionnaires du département comme ceux-ci le connaissent. C’est donc dans un climat de confiance qu’il entra comme patron pour la seconde fois au ministère. Il détient le record de longévité à la tête du département (9 ans et 9 jours) après celui de Martin Bongo.

Après son élection à la présidence de la Commission de l’Union Africaine, Jean Ping est remplacé le 4 février 2008 à la tête du ministère des Affaires étrangères par Laure Olga Gondjout, deuxième femme à occuper le poste de Chef de la diplomatie gabonaise. Elle est remplacée le 7 octobre de la même année par Paul Toungui, ancien ministre des Finances et dernier ministre des Affaires étrangères du Président Omar Bongo Ondimba.

Emmanuel Issoze Ngondet, diplomate, succède à Paul Toungui le 28 février 2012 . C’est le quatrième diplomate à diriger le département. Après sa nomination au poste de Premier ministre, chef du gouvernement, Emmanuel Issoze Ngondet est remplacé par Pacôme Moubelet Boubeya, ancien ministre de l’Intérieur, le 2 octobre 2016.

Le 21 août 2017, Noël Nelson Messone, le cinquième ministre des Affaires étrangères issu de la carrière diplomatique succède à l’ancien ministre de l’intérieur. Il passera 10 mois à la tête du département. Régis Immongault, ancien ministre de l’Economie, lui succède le 4 mai 2018. Régis Immongault est remplacé le 14 janvier 2019 par Abdu Razzaq Guy Kambogo, ancien ambassadeur du Gabon au Maroc.

Le 4 octobre 2019, Alain-Claude Bilie-By-Nze, ministre de la Culture et des Sports, succède à Abdu Razzaq Guy Kambogo. Et le 16 juillet 2020, c’est le retour de Pacôme Moubelet Boubeya à la tête du ministère des Affaires étrangères dans le gouvernement du Premier Ministre Rose Christiane Ossouka Raponda.

Il est à noter que depuis la présidence d’Omar Bongo Ondimba, chaque ministre des Affaires étrangères est assisté de ministres délégués ou de secrétaires d’Etat.

Soixante ans après sa création, le ministère des Affaires étrangères a dû s’adapter à l’évolution de la société internationale et aux tâches de plus en plus lourdes et multiples qu’on lui assigne.

LES MINISTRES DES AFFAIRES ETRANGERES DE LA REPUBLIQUE GABONAISE DE 1960 A 2020 (1)

André Gustave ANGUILE : 14 octobre 1960 – 21 février 1961
Jean-Hilaire AUBAME : 21 février 1961 – 19 février 1963
Jean-François ONDO : 21 février 1963 – 1er octobre 1963
Joseph NGOUA : 25 décembre 1963 – 24 février 1964
Léon MBA : 24 février 1964 – 25 avril 1964
Pierre AVARO : 25 avril 1964 – 20 mars 1965
Jean ENGONE : 20 mars 1965 – 16 mai 1967
Jean-Marie MBA : 16 mai 1967 – 26 septembre 1967
Benjamin NGOUBOU : 26 septembre 1967 – 25 janvier 1968
Albert Bernard BONGO : 25 janvier 1968 – 04 juillet 1968
*Paul MALEKOU: Ministre délégué à la Présidence de la République, chargé de la Coopération et des Affaires étrangères
Jean Rémy AYOUNE: 04 juillet 1968 – 29 juin 1971
Georges RAWIRI : 21 juin 1971 – 03 octobre 1973
13.Albert Bernard BONGO : 03 octobre 1973 – 25 février 1974

*Georges RAWIRI, Ministre d’Etat délégué à la Présidence de la République, chargé des Affaires étrangères et de la Coopération

Albert Bernard BONGO : 25 février 1974 – 20 janvier 1975
*Paul OKOUMBA D’OKWATSEGUE, Ministre délégué à la Présidence de la République, chargé des Affaires étrangères et de la Coopération

15. Paul OKOUMBA D’OKWATSEGUE : 20 janvier 1975 – 23 août 1976
16. Martin BONGO : 23 août 1976 – 25 août 1989
17. Ali BONGO : 29 août 1989 – 21 juin 1991
18. Pascaline MFERRI BONGO : 21 juin 1991 – 25 mars 1994
19. Jean PING : 25 mars 1994 – 30 octobre 1994
20. Casimir OYE MBA : 30 octobre 1994 – 25 janvier 1999
21. Jean PING : 25 janvier 1999 – 04 février 2008
22. Laure Olga GONDJOUT : 04 février 2008 – 07 octobre 2008
23. Paul TOUNGUI : 07 octobre 2008 – 28 février 2012
24. Emmanuel ISSOZE NGONDET : 28 février 2012 – 28 septembre 2016
25. Pacôme MOUBELET BOUBEYA : 02 octobre 2016 – 21 août 2017
26. Noël Nelson MESSONE : 21 août 2017 – 04 mai 2018
27. Régis IMMONGAULT TATANGANI : 04 mai 2018 – 14 janvier 2019
28. Abdu Razzaq Guy KAMBOGO : 14 janvier 2019 – 04 octobre 2019
29. Alain-Claude BILIE-BY-NZE : 04 octobre 2019 – 16 juillet 2020
30. Pacôme MOUBELET BOUBEYA : 16 juillet 2020 –

Par Emmanuel MBA ALLO, Diplomate, ancien Porte-parole du ministère des Affaires étrangères et de la Coopération de la République gabonaise

Liste établie par Emmanuel MBA ALLO d’après le Journal Officiel de la République gabonaise

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