Suite à un acte transactionnel, l’ancien tout-puissant ministre de la Promotion des investissements, des Transports, des Travaux publics, de l’Habitat, du Tourisme et de l’Aménagement du territoire a été libéré. Cette décision accrédite l’idée d’un arrangement sur fond d’affairisme et de politique politicienne.
Pour lutter contre la corruption, il faut agir dans la transparence. Il faut tout autant s’astreindre au respect des procédures. En particulier, il faut respecter les droits de la défense. La présomption d’innocence, le respect des délais légaux, l’accès au dossier et, l’indépendance du tribunal ne doivent pas être de vaines notions. Faute de le comprendre, l’on s’expose à toutes les critiques. Faute de l’appliquer, l’on peut jeter le discrédit sur le système judiciaire. Au plus fort des opérations Mamba et Scorpion, on l’a dit et redit. A la faveur de l’incarcération du maire de Libreville, on l’a répété. Dans chacun de ces cas, l’on pointait les zones d’ombre, mettant en garde contre les risques d’instrumentalisation de la justice. Autrement dit, l’on redoutait d’être en face de petits règlements de comptes entre amis.
Rumeurs difficilement vérifiables
Rudement attaquée, soupçonnée d’agir sur ordre du pouvoir politique, la justice vient-elle de tendre de nouvelles verges pour se faire battre ? C’est une possibilité voire une probabilité. Renvoyant l’image d’une machine à broyer les indésirables au sein du régime, elle est la cible de nombreuses critiques. Suite à la libération de Magloire Ngambia, elle suscite moult interrogations. Après tout, l’ancien tout-puissant ministre de la Promotion des investissements, des Transports, des Travaux publics, de l’Habitat, du Tourisme et de l’Aménagement du territoire fut quand même accusé d’avoir détourné pas moins de 500 milliards de nos francs soit l’équivalent d’un milliard de dollars US ! Pis, tout au long de sa détention, la justice a paru hésitante, pas toujours à l’aise.
Durant les 44 derniers mois, des choses et d’autres ont été véhiculées. Sans se prononcer sur le fond du dossier, les Nations-Unies s’en sont même mêlées. Par la voix d’un de ses experts, Roland Adjovi Sétondji, l’organisation internationale a conclu à une «détention arbitraire.» Pour leur part, les avocats de l’ancien ministre ont parlé de «mise en isolement.» Dans le même temps, on a entendu parler de proposition d’accord et d’un supposé refus ferme opposé par le concerné. Sous des prétextes toujours un peu plus spécieux, on est allé de report en report. Ainsi, le 22 juin dernier, la Cour criminelle spéciale décidait, une fois de plus, de reporter l’audience à l’année prochaine, c’est-à-dire à 2021. Que s’est-il passé entre-temps ? Pourquoi le montant en cause a-t-il été revu à la baisse, se chiffrant désormais à 4 milliards de nos francs, c’est-à-dire 125 fois en deçà de la somme initialement annoncée ? Quand et par qui la transaction a-t-elle été menée ? Pourquoi maintenant et pas avant ?
Différence de traitement
Certes, cette transaction n’a rien d’illégale. Certes, l’article 7 du Code de procédure pénale consacre cette procédure. Mais, la libération de Magloire Ngambia comporte trop d’angles morts. Juridiquement soutenable, elle s’explique difficilement au plan éthique. D’une certaine manière, elle en rajoute aux soupçons d’instrumentalisation politicienne. La justice redoutait-elle de voir le procès virer en un vaste déballage politique ? A-t-elle voulu protéger certains complices ou certaines personnalités ? Quelles garanties de remboursement a-t-elle obtenu ? Si cela advenait, les sommes concernées seront-elles versées au Trésor public ? Les preuves du versement seront-elles accessibles au grand public ? Ayant longtemps fait peu de cas des droits de l’accusé, la justice intrigue. Surprenante à plus d’un titre, sa dernière décision ne rassure guère. Bien au contraire, elle laisse libre cours à toutes les supputations, accréditant l’idée d’un arrangement sur fond d’affairisme et de politique politicienne.
De plus, une ambiguïté renforce tous les doutes. Mis aux arrêts le même jour, les principaux collaborateurs de Magloire Ngambia ne sont pas logés à la même enseigne. Si les autres ont été libérés depuis, son ancien conseiller en charge des questions fiscales et financières, Christian Nkéro Capito croupit toujours à Sans-Famille. Pourquoi libérer les uns et pas l’autre ? Pourquoi maintenir un exécutant en prison quand le décideur recouvre la liberté ? Pour l’appareil judiciaire, cette différence de traitement a quelque chose d’avilissant. Elle contribue à l’enfoncer davantage dans les abymes du discrédit populaire. En République, la lutte contre la corruption ne saurait être menée à la tête du client. En démocratie, elle ne peut s’appuyer sur une justice à la carte.