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Akassaga, maire de Libreville par intérim : Une faute morale et politique
Publié le mardi 22 septembre 2020  |  Gabon Review
LBV/GABON
© Autre presse par DR
LBV/GABON : Serge Williams Akassaga Okinda, yeux dans les yeux avec les populations de Belle Vue 2 et Akébé
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De par le tempérament, le parcours politique ou le rapport de l’homme à la société et aux autres forces politiques, le choix de l’intérimaire à la mairie de Libreville n’a tenu compte ni de l’éthique ni de la vertu publiques.

«Force doit rester à la loi», aiment à proclamer les tenants du pouvoir, singulièrement les militants du Parti démocratique gabonais (PDG). Doit-on pour autant faire une lecture stricto sensu de la loi ? Peut-on l’appliquer sans tenir compte de son esprit ou du contexte ? Le débat sur le lien entre l’esprit et la lettre n’a jamais été définitivement tranché. Pour les uns, la loi doit être appliquée au pied de la lettre. Pour les autres, elle ne peut être respectée si elle va à l’encontre de l’intérêt général. Autrement dit, en privilégiant la protection du bien commun et de la chose publique, on peut s’affranchir de la lettre. A la suite à la désignation de l’intérimaire au poste de maire de Libreville, les arguments en ce sens fusent.

Alliances opportunistes

Il y a d’abord le tempérament de l’élu. Personnalité haute en couleurs, Serge William Akassaga Okinda est coutumier des frasques. S’il fréquente toutes les couches de la société, il s’afficha avec des petites frappes, empruntant leurs méthodes. En mai 2015, il s’était permis de porter des coups à un agent de police en service. Même s’il prétend avoir été traité d’«homosexuel» par le policier, avait-il le droit de se faire justice ? S’il s’était, par la suite, excusé «auprès de tous ceux (qu’il avait) pu blesser par (son) comportement», il avait laissé le sentiment d’avoir peu de respect pour un symbole comme l’uniforme. Il avait tout autant donné l’impression de se sentir intouchable. Sa condamnation à 12 mois de prison avec sursis, comme les déclarations minimalistes du ministre de l’Intérieur d’alors, Guy-Bertrand Mapangou, n’était pas pour rassurer quant à l’égalité des citoyens devant la loi.

Il y a ensuite un parcours politique marqué par la transhumance. Formé au Centre des libéraux réformateurs (CLR), il en est parti en 2012 pour rejoindre le PDG. S’il nie avoir été membre de l’Association des jeunes émergents volontaires (Ajev), il a entretenu un flirt poussé avec l’entité créée par Brice Laccruche-Alihanga. C’est dire si le maire intérimaire de Libreville s’est toujours singularisé par des alliances opportunistes. «Je parlerai et il est peut-être temps de le faire», grondait-il en novembre 2012, en référence à son rôle dans l’établissement de l’acte de naissance d’Ali Bongo. Comme s’il entendait faire du chantage. Comme s’il voulait rappeler une supposée dette morale. En le portant au pinacle, n’a-t-on pas accrédité ces rumeurs ? Si l’alinéa 1 de l’article 89 de la loi sur la décentralisation réserve l’intérim du maire à «l’un des vice-présidents (…) (selon) l’ordre de préséance», l’alinéa 2 permet de recourir au «conseiller le plus âgé parmi les plus anciens.» N’était-il pas possible de faire jouer cette disposition ?

Réputation sulfureuse

Il y a enfin le rapport de l’homme à la société et aux autres forces politiques. De notoriété publique, Serge William Akassaga Okinda se comporte comme un activiste tout en se prenant pour un homme politique. Appuyant des activités pas toujours honorables, il est trop souvent en délicatesse avec la morale publique. En juillet 2011, il fut interrogé par la direction générale des Recherches (DGR), dans une enquête sur un braquage perpétré au domicile de Léon Ndong Ntem, ancien directeur général du Budget. Il s’est aussi signalé dans la perturbation des activités de l’opposition. A Libreville, Paris et Bruxelles, on l’a vu faire irruption dans des rassemblements organisés par Jean Ping, pour faire le coup de poing ou tenter de créer les conditions d’une déflagration. Une telle personnalité a-t-elle l’autorité politique pour concilier les vues des groupes au sein du Conseil municipal ? A-t-elle l’autorité morale pour remettre l’administration en ordre de marche ? Peut-elle représenter la principale ville du pays, fût-ce pour quelques semaines ?

A l’évidence, la gouverneure de la province de l’Estuaire ne s’est pas posé ces questions. Si elle a agi conformément à la loi, elle n’a tenu compte ni de l’éthique ni de la vertu publiques. Traînant une réputation sulfureuse, crédité d’un passé chargé, Serge William Akassaga Okinda devra se surpasser pour inspirer le respect. Sauf à user d’autoritarisme, il aura bien du mal à s’imposer. Au lendemain de la mise à l’écart de Léandre Nzué, le choix d’une personnalité aussi controversée ne va pas dans le sens de la moralisation de la vie publique. Bien au contraire, il confirme les soupçons d’instrumentalisation de la justice à des fins de règlement de comptes politiciens. Pour le pouvoir, c’est une nouvelle faute morale et politique.
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