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Indépendance, an LX / Discours à la nation : La méthode Coué
Publié le mercredi 19 aout 2020  |  Gabon Review
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Si Ali Bongo a affirmé s’inscrire dans le sillage des «pères de l’indépendance», Jean Ping s’est posé en continuateur d’Hassan II. Mais, leurs propos manquent de souffle, de prospective, de modernité et surtout de réalisme.

Pour Ali Bongo comme pour Jean Ping, l’ambition aurait dû être la même : inventer le futur. Or, malgré les formules incantatoires, leurs propos manquent de souffle, de prospective, de modernité et surtout de réalisme.

Ali Bongo et Jean Ping sont-ils coupés de la réalité ? Sont-ils enfermés dans leurs bulles respectives ? Invariablement, leurs discours sont jugés peu en phase avec contexte. A l’occasion de la célébration des 60 ans d’indépendance, ils ont de nouveau donné du grain à moudre à leurs contempteurs. En vantant un «Etat (…) profondément réformé et modernisé», le président de la République a non seulement occulté ses propres renoncements, mais il a également nié les flottements institutionnels symbolisés par la toute-puissance de ses anciens directeurs de cabinet, Maixent Accrombessi et Brice Laccruche-Alihanga. En se présentant comme le «garant du destin de la nation» tout en disant se battre pour «la reconnaissance de la vérité des urnes», le président de la Coalition pour la nouvelle République (CNR) n’a pas seulement donné l’impression d’affirmer une chose et son contraire. Il a aussi laissé le sentiment d’entretenir une illusion.

Crise de pratique politique

Si Ali Bongo a affirmé s’inscrire dans le sillage des «pères de l’indépendance», Jean Ping s’est posé en continuateur d’Hassan II. N’empêche, ces références ne sauraient faire oublier le vécu : autant les gouvernants actuels n’ont jamais accepté le principe d’alternance, autant l’opposition semble davantage guidée par un désir de se substituer au pouvoir établi. Incapables de sortir du système des prébendes ou des querelles de personnes, les élites de tous bords ont failli au plan moral. Faisant passer les hommes avant les institutions, elles préfèrent les courtisans serviles aux esprits indépendants ou brillants. Tout cela ne laisse guère de place au débat sur la gestion des affaires publiques. Pour ainsi dire, la crise actuelle résulte de la pratique politique.

Pour Ali Bongo comme pour Jean Ping, l’ambition aurait dû être la même : inventer le futur. Or, malgré les formules incantatoires, leurs propos manquent de souffle, de prospective, de modernité et surtout de réalisme. Comment rétablir la confiance entre gouvernants et gouvernés quand le trucage électoral est la norme ? Comment amener les populations à croire en la classe politique au vu des retournements de veste et manœuvres florentines ? Comment pousser les institutions à se mettre au service de la République quand la logique de clan prévaut ? Comment rendre la justice indépendante dans un contexte de corruption généralisée ? Comment écarter tout risque d’immixtion de l’armée dans le jeu politique ? Comment desserrer l’étreinte de certains réseaux affairistes ? 60 ans après l’indépendance, ces questions demeurent. Pour envisager l’avenir, majorité et opposition doivent y apporter des réponses.

Réserves

En fondant leurs discours sur des promesses à portée économique et sociale ou sur la perspective d’une prise du pouvoir, le président de la République et celui de la CNR ont fait usage de la méthode Coué. Pourquoi annoncer de nouvelles infrastructures quand des projets comme le Champ triomphal ou l’aéroport d’Andem sont restés au stade de maquettes ? Comment promettre des milliers d’emplois quand le secteur productif est quasi-à l’arrêt ? Pourquoi parler de plein-emploi quand les investissements directs étrangers se raréfient ? Est-il pertinent de fonder la stratégie nationale sur celle d’une entreprise privée ? De même, on peut se demander s’il est raisonnable de continuer à parler d’»alternance et (de) libération» en se référant à la présidentielle d’août 2016. Y a-t-il des précédents de par le monde ? La Côte d’Ivoire ? Peut-on objectivement dresser un parallèle avec le Gabon ? N’est-ce pas éluder l’extrême complexité de la situation dans ce pays ? N’est-ce pas faire fi du rôle de la communauté internationale avant, pendant et après la présidentielle de 2010 ? Et puis, Alassane Ouattara s’installa au pouvoir quelques mois seulement après ce scrutin au souvenir douloureux.

En dépit de toutes ces réserves, Ali Bongo et Jean Ping ont paru sûrs d’eux, satisfaits de leurs bilans. L’un comme l’autre feignent de croire en leurs options. Se refusant à les confronter à la réalité, ils ne peuvent les remettre en cause. Parmi leurs partisans, beaucoup ont cette attitude. Pourtant, toutes leurs certitudes ne résistent pas à l’épreuve des faits. D’où la nécessité d’en sortir afin de construire une nouvelle pratique politique. Sauf, bien entendu, à condamner le Gabon au surplace et aux mêmes errements. Pour combien de temps encore ? 60 ans ?
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