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Gabon : Pour tenter d’infléchir les relations entre Libreville et Paris, Jean Ping s’en remet « faute de mieux » à… l’opposant le plus virulent à Emmanuel Macron
Publié le mardi 21 juillet 2020  |  LaLibreville.com
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© AFP par Thomas SAMSON
Des ressortissants gabonais résidant en France réclament le départ d`Ali Bongo
Samedi 03 septembre 2016. Des ressortissants gabonais résidant en France ont manifesté leur opposition aux résultats du vote de mercredi dernier et réclamé la « reconnaissance de l`élection démocratique » de l`opposant Jean Ping. Photo: Jean-Luc Mélenchon, homme politique français.
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Sollicité par son « ami » Jean Ping, le leader de la France Insoumise, Jean-Luc Mélenchon, député des Bouches-du-Rhône, est récemment revenu à la charge sur le Gabon par le biais d’une question au gouvernement français. L’objectif de son commanditaire : tenter de faire infléchir les relations diplomatiques en Libreville et Paris. Mais cette initiative risque, au mieux d’être inutile, au pire contre-productive. Explications.

« La folie, c’est de faire toujours la même chose et de s’attendre à un résultat différent », disait le génial Albert Einstein.

Une situation qui sied parfaitement à l’ex-leader de l’opposition gabonaise et candidat déçu à la présidentielle de 2016.

Une fois de plus, le vieil opposant (il aura 81 ans lors du prochain scrutin présidentiel en 2023) s’en remet à la France. Et une fois encore, il a choisi pour ce faire La France Insoumise.

Le 21 juillet dernier, une question au gouvernement français émanant du président de ce mouvement, Jean-Luc Mélenchon, qui est par ailleurs député des Bouches-du-Rhône, a été publiée au journal officiel.

« L’élection présidentielle du 27 août 2016 a ouvert une période de violence et d’instabilité au Gabon. Cette élection a probablement été remportée par M. Jean Ping dans le vote populaire. Mais elle s’est soldée par le maintien au pouvoir de M. Ali Bongo. La suite fut une répression terrible contre M. Ping et ses partisans », écrit sur un ton affecté M. Mélenchon, peu connu pour son sens exacerbé de la mesure et de l’objectivité.

« Depuis 2016, le peuple gabonais est empêché d’être maître de son destin. Il aimerait donc connaître la position de la France sur la situation politique du Gabon », exige M. Mélenchon dans un question qui fleure bon le copier-collé.

Le canal Obono

Pour cette formation, située à l’extrême-gauche de l’échiquier politique, c’est presque devenu une habitude. Ces dernières années, la France Insoumise s’est régulièrement faite le héraut des intérêts de Jean Ping. « Nous avons des contacts étroits avec Mme Danielle Obono (une autre député de la France Insoumise). C’est par elle que nous passons », confesse une source proche de l’opposant gabonais. « Mais pour ne pas l’exposer personnellement, LFI choisit de faire monter au créneau d’autres personnalités du mouvement », ajoute-t-elle.

En effet, comme l’explique un fin connaisseur des relations franco-gabonaises, « Danielle Obono étant d’origine gabonaise et taxée d’être proche du courant indigéniste, pour ne pas souffrir l’accusation de communautarisme qui pèse déjà lourdement sur ce mouvement, ce sont d’autres élus de La France Insoumise qui sont publiquement mis en avant. Ce fut le cas il y a quelques mois de François Rufin, député lui aussi du mouvement (lire notre article, NDLR). Ça l’est aujourd’hui de Jean-Luc Mélenchon », explique cette source très informée.

Une initiative au mieux inutile, au pire contre-productive

Mais, et tous les observateurs s’accordent à ce sujet, à l’instar des initiatives précédentes du même type, qu’elles émanent de la France Insoumise ou, plus récemment, du député Modem et communicant sur l’Afrique, Bruno Fuchs (lire notre article), la démarche de Jean-Luc Mélenchon, sollicitée par Jean Ping, risque au mieux d’être inutile ; au pire, en l’espèce, contre-productive.

A cela, il y a plusieurs raisons, comme l’explique un professeur en relations internationales de l’Université Paris I Sorbonne. « Premièrement, le choix de Jean-Luc Mélenchon n’est pas des plus judicieux. Il s’agit de l’opposant le plus virulent à Emmanuel Macron. Or, celui-ci n’a pas définition aucune influence sur le chef de l’Etat français qui est le véritable pilote de la ligne diplomatique à imprimer entre Paris et Libreville. Au contraire, ça risquerait même de le braquer », commence-t-il par expliquer.

« Ensuite », poursuit-il, « Le Jean-Luc Mélenchon de 2020 n’a plus rien à voir avec celui de 2017 qui avait failli accéder au deuxième tour de l’élection présidentielle. Depuis, l’homme a perdu de sa superbe et son mouvement, La France Insoumise, enchaîne les déconvenues comme lors des élections européennes en 2019 (à peine 6 % des voix) ou il y a quelques semaines lors des municipales qui ont été catastrophiques en termes de résultats pour elle », analyse-t-il.

Mélenchon, soutien inconditionnel du Vénézuélien Nicolas Maduro

« En outre, il faut garder à l’esprit qu’en France. Le Parlement n’a aucun pouvoir en matière de politique étrangère, un domaine régalien qui est la prérogative exclusive de l’Exécutif et du président de la République en particulier. Comme au Gabon d’ailleurs », fait observer ce professeur. « Alors imaginez ce que peut peser un député sur 577 qui plus est lorsqu’il n’appartient pas à la majorité », renchérit-il. « Ce type d’initiative (une question posée par un député au gouvernement), ça flatte l’ego, ça met du baume au cœur, mais ça ne fait pas un pli comme on dit chez nous », confirme, cinglant, un diplomate français.

« Enfin », rappelle cet universitaire aussi pointu qu’exhaustif, « la personnalité de M. Mélenchon reste controversée, en particulier sur les questions internationales. Son soutien inconditionnel par exemple au dirigeant vénézuélien Nicolas Maduro, accusé d’avoir fait tuer plusieurs milliers de ses concitoyens et d’en avoir fait fuir à l’étranger des centaines de milliers d’autres, ne laisse d’interroger et de choquer (…) Une chose est sûre, c’est que M. Mélenchon n’a pas particulièrement de leçon à donner en matière de démocratie et de droits de l’Homme », conclut l’universitaire non sans relever qu’« il est paradoxal de pointer la situation au Gabon où il y a eu de trois à neuf morts en 2016 et fermer les yeux sur celle du Vénézuela où le nombre de morts est entre 5 000 et 10 000 fois supérieur ».

Une attitude ambiguë qui rappelle, toutes choses égales par ailleurs, celle de l’ex-porte de Jean Ping, l’activiste Laurence Ndong, qui n’a de cesse de pousser des cris d’Orfraie D7S lors qu’il s’agit du Gabon mais qui n’hésite pas, toute honte bue, à encenser le président russe Vladimir Poutine (lire notre article).

Un aveu de faiblesse, un signe de désarroi

Mais tout cela, Jean Ping le sait probablement. Et il s’en remet, pour plaider sa cause, à La France Insoumise ou à quelques autres personnalités de second ordre dans la vie politique française, à l’instar du député Bruno Fuchs, c’est par défaut, c’est à dire faute de mieux.

C’est ce qu’explique clairement ce professeur en science politique de l’Université Omar Bongo de Libreville. « Jean Ping constate qu’au Gabon, la situation pour lui est complètement bloquée. Voilà quatre ans qu’il se proclame président élu. Mais son magistère ne dépasse pas les bornes de sa propriété dans le premier arrondissement de Libreville. Il a tenté en vain de tirer partie fin 2018 de l’AVC du président Ali Bongo mais il a échoué. Beaucoup ont alors fait le constat, à l’instar de l’ex-porte-parole de la CNR, Frédéric Massavala (lire notre article, NDLR), que sa stratégie mènerait tout le monde droit dans le mur. C’est alors que le rythme des départs s’est accéléré autour de lui », fait observer l’universitaire.

Ping dans une impasse

« Or, à l’extérieur », poursuit-il, « c’est la même chose. L’UE, sur laquelle il a longtemps compté, lui a tourné définitivement le dos en décembre dernier en concluant avec Libreville un accord politique (lire notre article, NDLR). Du coup, Jean Ping est aujourd’hui forcé de s’en remettre à des personnalités qui ne sont pas toujours les mieux placées, comme M. Mélenchon, pour plaider sa cause. Mais ce sont les seules qui l’écoute encore un tant soit peu. Il doit donc faire avec », souligne le politologue aussi fin connaisseur des arcanes politiques parisiennes que librevilloises.

Au final, la question posée par le député Mélenchon n’aura aucun impact sur la ligne diplomatique française, Paris étant fermement résolue à achever son rapprochement avec Libreville (lire notre article). En revanche, elle est clairement l’expression chez son promoteur, Jean Ping, d’un profond désarroi. Manifestement, le vieil opposant ne sait plus aujourd’hui à quel saint se vouer pour tenter de plaider une cause à l’évidence perdue.
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