Ce samedi, l’ex-leader de l’opposition, transparent depuis le début de la crise du Covid-19, a refait surface. Dans un discours diffusé sur sa page Facebook, il a dénoncé la loi de dépénalisation de l’homosexualité, récemment votée par le Parlement. Sans parvenir à convaincre dans le pays, il s’est mis à dos ses derniers soutiens à l’extérieur.
Il rêvait du discours du renouveau. Ce pourrait bien être son chant du cygne.
Ce samedi, Jean Ping a pris la parole sur sa page Facebook pour dire son opposition frontale à la loi de dépénalisation de l’homosexualité. Mais plutôt que les lauriers espérés, c’est un tombereau d’épines que le patron de la CNR a récolté.
Scepticisme dans les rangs de l’opposition
Les réactions, sceptiques et critiques, n’ont en effet pas tardé à se faire entendre. A commencer dans les rangs de l’opposition gabonaise que Jean Ping tente désespérément de caporaliser autour de sa personne. « Si Jean Ping était sincère dans sa démarche, pourquoi n’a-t-il pas pris la parole plus tôt, au moment des débats parlementaires. Il le fait après le vote de la loi, pourquoi ? Tout ça, c’est de la communication », se désole un député Les Démocrates, le principal parti d’opposition à l’Assemblée nationale.
« Un général qui arrive après la bataille doit prendre sa retraite », cingle, de son côté, avec ironie un membre d’Appel à agir, un collectif qui abrite une partie de la nouvelle garde d’opposants, en faisant allusion à l’âge avancé de Ping (qui aura 81 ans en 2023, date de la prochaine présidentielle).
Pour ce politologue, professeur à l’université Omar Bongo (UOB) de Libreville, la plus importante du pays, l’intervention de Jean Ping peut apparaître, compte tenu du choix de son timing, comme « opportuniste ». « S’il y avait de sa part la volonté réelle de peser sur les débats, il se serait manifester, comme l’ont fait beaucoup d’opposants, avant le vote du texte au Parlement », concède-t-il. « D’où la colère des élus de l’opposition à son égard. Ils considèrent que Ping n’a pas participé à la bataille mais tente de leur ravir les lauriers », explique l’universitaire.
Au-delà, sur le fond, ce dernier a relevé de multiples contradictions dans le discours de l’opposant. Exemple, « quand Jean Ping dit que la dépénalisation de l’homosexualité est contraire à la tradition gabonaise, c’est faux. L’homosexualité est dépénalisée au Gabon depuis 1963. Et elle n’a été pénalisée quand juillet 2019 », rappelle avec précision ce professeur.
Une opinion publique critique
Si Jean Ping n’a manifestement pas convaincu dans son camp, il n’a guère convaincu non plus l’opinion. Et pour cause, l’homosexualité fait certes partie du débat public mais elle est loin d’être au centre des préoccupations des Gabonais. « J’aurais aimé entendre ses propositions sur la sortie de crise du Covid-19. Des choses concrètes pour nous les petites gens sur le pouvoir d’achat, les transports, le logement, l’éducation de nos enfants ou encore l’emploi », déplore Marcelline, une enseignante du primaire qui vit et travaille dans le quatrième arrondissement de Libreville.
« Si Jean Ping a choisi de parler de l’homosexualité, c’est parce que la gestion gabonaise de la crise du Covid-19, si elle est loin d’être parfaite, est l’une des plus réussie en Afrique. Et à cette occasion, on a beaucoup vu le président », explique le professeur de l’UOB. « Dans ces conditions, difficile d’être critique tout en étant audible », ajoute-t-il.
Mais c’est peut-être à l’extérieur que Jean Ping a le plus déçu. Alors qu’il n’a cessé de solliciter le soutien de la communauté internationale ces dernières années – et qu’il l’a encore fait dans son discours de samedi – en se présentant comme le défenseur de la démocratie et des Droits de l’Homme, il est apparu, de ce point de vue, samedi en contradiction avec les principes qu’il se plait à afficher habituellement.
Déception et amertume chez les diplomates
C’est en tout cas le point de vue de ce diplomate de l’Union européenne dont Jean Ping a recherche le soutien depuis 2016. « Il fallait du courage aux autorités gabonaises pour revenir un an après sur la pénalisation de l’homosexualité. Quand on voit que M. Ping y est opposé, c’est très décevant (…) Depuis quatre ans, il ne cesse de demander notre soutien en se prévalant du respect de la démocratie et des droits de l’Homme. Mais quand il a une occasion de montrer qu’il est le défenseur de ces droits, il leur tourne le dos », déplore, amer, ce diplomate, fin connaisseur du Gabon. « En matière d’homosexualité, Jean Ping tient clairement un discours différent à Libreville et à Bruxelles », explique sans détours une autre source diplomatique, pointant ainsi un double langage chez l’opposant.
En tentant de surfer sur l’opinion pour rebondir politiquement quitte à brouiller son image, on en paie souvent le prix. Jean Ping risque de l’apprendre à ses dépens.