L’épée de Damoclès qui planait au-dessus des tyrans et autres satrapes en herbe du continent noir, est désormais … par terre.Elle est tombée si bas qu’ils auront, à présent, beau jeu de fouler aux pieds l’instrument qui leur suscitait une telle peur : la Cour pénale internationale (CPI).De fait, la CPI change ses règles.Elle vient d’amender le règlement du tribunal afin de permettre à la défense de plaider par vidéoconférence, et aux présumés bourreaux détenteurs du pouvoir, de ne pas être présents à une partie des procédures.En clair, ce nouveau règlement autorise tout ce que l’Afrique compte de puissants sanguinaires et autres dictateurs en exercice, à rester chez eux.Quel avenir pour cette juridiction internationale qui passait pour être l’ultime espoir, le dernier recours de peuples opprimés qui avaient fini par désespérer de leur Justice jugée non crédible ?
Le soin sera laissé à leurs avocats de les défendre. Nage-t-on en plein rêve ? Non, hélas. On est face à une triste réalité : la CPI s’est dégonflée. Tel un ballon de baudruche. Elle vient en effet de céder à la forte pression de ce qui est désormais qualifié de syndicat des chefs d’Etat africains. Ils peuvent, à présent, boire leur petit lait, leur long travail de sape ayant porté.
Quel avenir pour cette juridiction internationale qui passait pour être l’ultime espoir, le dernier recours de peuples opprimés qui avaient fini par désespérer de leur Justice jugée non crédible ? Qu’en restera-t-il du contenu de la CPI, à la suite d’une telle décision ? Une future coquille vide ? Toujours est-il que les chefs d’Etat du continent qui ont rarement montré une telle convergence de vues sur un sujet, peuvent dès à présent se frotter les mains. Plus qu’une victoire, ce rétropédalage de la CPI est tout à leur avantage. Ils pourront continuer à mâter en rond, à réprimer dans le sang toute population en mal d’alternance, la CPI ne passant plus à leurs yeux, pour un épouvantail. Et ce faisant, il faut craindre que ne se multiplient sur le continent, les « vallées de larmes et de sang ». D’autant qu’enivrés de pouvoir (rares sont ceux qui font valoir leurs droits à la retraite), bon nombre de chefs d’Etat africains ont montré qu’ils sont capables du pire pour garantir leur pérennité au pouvoir.
Mais si ce changement intervenu dans le règlement de la CPI, a de quoi réjouir les têtes couronnées du continent, pour leur peuple, il n’augure rien de bon. Bien au contraire. Non seulement ce changement de cap encouragera la malgouvernance politique et économique sur le continent, mais, en plus, il aura pour effet de renforcer les dictatures africaines. Car, on imagine mal qu’un dictateur aux mains abondamment tachées de sang, accepte de quitter, de son propre chef, le pouvoir. Tant qu’il demeurera au faît de l’Olympe, il n’aura rien à craindre de la CPI qui se passera de sa présence physique à la Haye. Et que dire des énormes avantages que sa position de chef d’Etat sous les tropiques africains, lui procurera : possibilité de suborner des témoins, de faire disparaître des preuves ! Et pour le reste, on continuera de gouverner en rond. Les alternances en Afrique s’en trouveront alors compromises, ajournées, pour ne pas dire piégées ! Où est donc l’intérêt d’une telle décision pour les peuples africains ? La CPI a-t-elle seulement pensé à eux ? A-t- elle pensé aux victimes et parents de victimes d’hier d’aujourd’hui et de demain ?
Assurément, la CPI, à travers cette décision, n’a pas rendu service aux peuples d’Afrique, mais à ses dirigeants
Le moins que l’on puisse constater, en tout cas, c’est cet arrangement flagrant fait sur le dos des populations africaines. Assurément, la CPI, à travers cette décision, n’a pas rendu service aux peuples d’Afrique, mais à ses dirigeants. Même si à la charge de ces peuples, ces derniers donnent l’impression de n’avoir rien fait, en termes de soutien à cette cour internationale. Combien de voix se sont élevées sur le continent, pour saluer la justesse et la noblesse de son combat ?
Un autre fait majeur récent, planera dans le ciel africain, comme un oiseau de mauvais augure pour l’alternance en Afrique : l’actuelle traversée du désert du soldat Haya Sanogo. De fait, le sort de ce dernier fera certainement réfléchir plus d’un Don Quichotte militaire africain, qui serait tenté de mettre fin à un pouvoir vermoulu et en mal d’inspiration.
Par ailleurs, l’histoire retiendra que c’est sous le magistère d’un Africain, et de surcroît une femme, en l’occurrence Fatou Bensouda, que la CPI opère un tel virage. Sans doute en aurait-il été autrement si Louis Ocampo avait été toujours maintenu à sa place. Un Européen ne se serait sans doute pas laissé faire, le Nord ayant montré, à maintes occasions, plus d’empressement à porter secours aux peuples opprimés du Sud. En tout cas, l’éventualité que la juge Bensouda ait cédé à des pressions même les plus insoupçonnées, y compris celles du satrape gambien, n’est pas à exclure. Avant d’être un produit de la CPI, Bensouda est d’abord et avant tout citoyenne gambienne. Cette Gambie dont elle a été ministre de la Justice de Yayah Jammeh.
En tout état de cause, ce changement de règles, constitue un grand recul non seulement sur le plan de la démocratie, mais aussi sur le plan de la pédagogie.
Enfin, l’argument selon lequel ce ne sont que les Africains qui sont toujours épinglés par la CPI, relève du mensonge. Les dictatures africaines sont le plus dans le collimateur des juges de la Haye, parce que c’est bel et bien en Afrique que se commettent le plus de violations des droits de l’Homme. Et même si au Nord il y a des massacres, rarement, les instruments de la mort sont dirigées contre les concitoyens.