Dans une décision prise le 2 juin dernier, la Cour constitutionnelle a déclaré irrecevable les requêtes introduites par les députés de l’opposition à l’Assemblée nationale visant à déclarer l’inconstitutionnalité de la loi n°033/2020 du 11 mai 2020 fixant les mesures de prévention, de lutte et de riposte contre les catastrophes sanitaires.
« Ces requêtes introduites respectivement le 18 et le 19 mai 2020 sont irrecevables pour avoir été introduites après la promulgation de la loi en cause alors que les requérants avaient saisi la Cour constitutionnelle en contrôle de constitutionnalité par voie d’action », a indiqué dans les considérants de son arrêt la Haute juridiction.
Les requérants prétendaient en effet que les dispositions de cette loi adoptée en mai dernier dépouiller le président de la République de ses prérogatives constitutionnelles dans la gestion de l’Etat d’urgence, prérogatives, celles-ci ayant été transférées au gouvernement par la loi sur les catastrophes sanitaires.
A l’époque, la saisine de la Cour constitutionnelle par les membres de l’opposition (des députés mais également des organisations dites de la société civile très proches de l’opposition radicale) avait largement été interprétée comme ayant une motivation non pas juridique mais politique.
« C’est toujours la même musique que certains essaient de jouer : ‘on dépouille le président de la République de ses prérogatives ; il y a donc une vacance du pouvoir présidentiel’. Le problème, c’est que cette musique sonne faux et qu’elle est totalement inaudible pour les Gabonais qui n’ont qu’un seul souci : l’efficacité de l’action publique dans la résolution de leurs problèmes au quotidien », explique un ministre.
Pour rappel, la loi « fixant les mesures de prévention, de lutte et de riposte contre les catastrophes sanitaires » a été adoptée le 11 mai 2020 par le Parlement. Celle-ci intègre dans le droit commun une partie des dispositions de l’état d’urgence, notamment le fait qu’en cas de catastrophe sanitaire, et y compris en dehors de tout état d’urgence, le gouvernement est autorisé à prendre, pour des besoins de santé publique, toutes mesures de nature à prévenir, lutter et riposter contre la catastrophe sanitaire en cause.
Loi opportune
Désormais, en cas d’urgence, le gouvernement pourra donc, sans en passer par la procédure très lourde de l’état d’urgence, notamment décréter le confinement total ou partiel de tout ou partie du territoire national ; imposer la fermeture temporaire ou l’ouverture selon des horaires aménagés de certains établissements accueillant le public ; limiter ou interdire les rassemblements sur la voie publique ainsi que les réunions de toute nature ; autoriser les entreprises à déroger au droit commun du travail ; aménager les règles relatives à l’exécution et l’application des peines privatives de liberté pour assouplir les modalités d’affectation des détenus dans les établissements pénitentiaires ainsi que les modalités d’exécution des fins de peine ; ou encore prendre des mesures temporaires de contrôle de prix de certains produits rendus nécessaires pour prévenir ou corriger les tensions constatées sur le marché de certains produits, etc.
Pour ce professeur en droit public de l’UOB, il s’agit d’une mesure opportune. « La crise du Covid-19 a montré qu’il était nécessaire de doter l’Exécutif des pouvoirs indispensables pour mener à bien la riposte. C’est une question d’efficacité, qui est la principale demande des citoyens. Les populations veulent être protégées. Et l’efficacité suppose la rapidité. Or la procédure d’état d’urgence est très lourde à mettre en oeuvre et n’est pas toujours adaptée quand il faut aller vite », explique ce juriste.