Cinq mois après son arrivée à la tête de l’Office des ports et rades du Gabon (Oprag), Appolinaire Alassa a décliné sa vision stratégique pour le compte de l’Autorité portuaire nationale. Dans cet entretien accordé à Gabonreview, le directeur général de l’Oprag fait le tour de cette vision reposant sur deux axes majeurs et cinq domaines d’actions stratégiques avec au centre, les Partenariats-publics-privés (PPP) pour accroitre les investissements au sein des places portuaires.
Gabonreview : Dans quel état se trouvait l’Oprag à votre arrivée à la direction générale il y a cinq mois ?
Appolinaire Alassa : Il ne me revient pas de faire un jugement de valeur quelconque sur l’état de la maison Oprag à mon arrivée. Ce qui m’importe, c’est avant tout la continuité de la gestion dans laquelle je me suis d’ailleurs inscrit. Toutefois, ma vision, je l’ai bâtie après un état de lieux. A partir de là, je me suis dit que quelles que soit les conditions, il faut maintenir le cap pour espérer des meilleurs lendemains. Ainsi, après cet état de lieux j’ai constaté un disfonctionnement de notre outil de production qui n’était pas optimisé, encore moins en bon état. Au niveau de Port-Gentil, cet outil n’existe pratiquement plus. A Libreville, il n’existe qu’en partie, ce qui n’est pas à mon humble avis normal et acceptable pour une autorité portuaire nationale qui souhaite s’affirmer dans le concert des ports internationaux. En gros, je me suis fait une idée sur l’outil de production, ainsi que sur la motivation des ressources humaines, en regardant le cadre dans lequel elles évoluent. Le constat qui se dégage est qu’il faut faire avec la rationalisation de l’existant, avant de songer à aller de l’avant.
Parlez-nous de votre vision stratégique ?
Cette vision repose sur deux axes, dont le premier est la nécessité de mettre un accent sur la maintenance de ce que j’ai trouvé, la valorisation du cadre organisationnel du travail, la motivation des ressources humaines. Le second axe consiste sereinement à aller de l’avant grâce à l’investissement, l’amélioration des conditions actuelles et l’arrimage aux exigences internationales, par rapport aux autres pays. Par ailleurs, il faut également un domaine d’actions stratégiques et prioritaires. Il tourne autour de cinq variables propres à toute entreprise : domaine administratif et du personnel, domaine financier et comptable, domaine commerciale, domaine technique et le domaine informationnel.
Au niveau administratif et du personnel, il faut améliorer les conditions organisationnelles et professionnelles des agents à travers la formation, leur environnement, les bureaux et autres conditions de travail. Et c’est ce qui se fait, même s’il faut l’avouer, nous avons quelque peu été freinés sur le plan organisationnel avec la crise du Covid-19. Sans cette situation, nous serions certainement en plein dans une gestion prévisionnelle des emplois, recrutement et carrières ; sans oublier la formation dans des domaines très pointus, même si nous avons déjà commencé en ce qui concerne le cœur de notre métier, au niveau de la capitainerie. Au-delà de notre cœur de métier, il y a aussi des domaines que le perfectionnement doit toucher. Par ailleurs, la fonction administrative et du personnel englobe également la situation du Conseil gabonais des chargeurs (CGC), pour lequel nous vison une autonomisation à condition d’une gestion responsable et rigoureuse.
En ce qui concerne le domaine technique, il s’agit de l’investissement. Actuellement, l’Oprag ne dispose pas d’une capacité d’autofinancement pour investir. Pour contourner cette difficulté, nous allons agir au moyen des Partenariats-publics-privés (PPP). A cet effet, nous avons mobilisé nos équipes techniques pour rechercher d’éventuels partenaires qui peuvent nous aider. Et d’ailleurs, certains opérateurs portuaires nous sollicitent déjà pour investir dans certains domaines. Nous mettrons donc en place des PPP, d’autant que la loi 22/2011 fait de nous une autorité de régulation en quelque sorte, avec pour missions, d’harmoniser et contrôler l’activité portuaire. Par ailleurs, la tendance actuelle de l’Oprag est de se désengager du volet industriel pour le céder aux opérateurs privés, aux concessionnaires. Toutefois, l’Oprag restera présent au sein des môles qui font quelque peu dans le social, en accueillant les passagers et les chalutiers et où s’y déroulent des activités de cabotage et le petit commerce au niveau national et sous régional. L’Oprag sera aussi sur les beachs qui accueillent pour la plupart les matériaux de construction en provenance des carrières. Nous ne pouvons pas encore céder ces exploitations au privé, pour éviter des flambées de prix à la consommation de ces matériaux de construction.
S’agissant de la fonction informationnelle, ma vision est que la communication de l’Oprag soit véritablement celle d’une entreprise. La communication que nous voulons est celle qui permet de valoriser le potentiel et avantages de l’entreprise, surtout au niveau des relations publiques. Il est par exemple difficile aux agents de l’Oprag de bénéficier d’abattements sur certains produits à la Douane, alors qu’au niveau du port nous sommes tous des maillons de la même chaine. C’est à ce niveau qu’interviendrait une communication d’entreprise forte et efficace, pour permettre à l’Oprag de bénéficier de certains avantages. Cela est valable aussi bien pour la Douane que pour le transport aérien ou terrestre, par exemple. Nous devons organiser et valoriser la place portuaire ! Par ailleurs, la fonction informationnelle intègre également la Responsabilité sociétale d’entreprises (RSE). Il est inconcevable que les entreprises amassent des profits sans en faire profiter aux populations riveraines. La RSE permet aux entreprises d’orienter quelquefois leurs actions en direction de la satisfaction des conditions de vie des populations riveraines. Et la RSE est bien inscrite dans notre vision stratégique.
Pour la fonction financière et comptable, il est question de l’arrimage aux normes Ohada. Cette organisation nous impose des normes que nous devons respecter pour rendre plus optimales nos opérations comptables et financière. Un domaine dans lequel nous sommes très à jour. Concernant enfin la fonction commerciale, elle revêt un caractère important, car permettant à l’Oprag de faire son chiffre d’affaires. Nous souhaitons, à cet effet, que le commercial soit plus rationnel, plus optimisant dans le suivi du chiffre d’affaires, les créances ainsi que la clientèle. Même si, il est vrai, que plusieurs entités publiques sur le domaine portuaire constituent pour nous un manque à gagner, occasionnant des tensions de trésorerie au niveau de nos caisses. Sur ce plan, l’Etat pourrait peut-être faire un effort, étant donné que nous ne bénéficions plus de subventions. Cela pourrait se traduire par l’exonération et abattement fiscaux. En gros, il faut une rationalisation profonde pour qu’on soit dans la réalité de notre chiffre d’affaires.
Toutefois, cette vision stratégique ne saurait se mettre en musique sans des intégrantes : prévoir, suivre, coordonner et contrôler le tout dans le respect de l’évolution des environnements (cadre légal organisant l’exploitation du port, environnement culturel et technologique…). Et dans la cadre de notre vision stratégique, nous allons mettre en place une commission de veille pour suivre l’évolution de ces environnements.
L’Oprag a-t-il les arguments pour nouer des PPP avec des investisseurs étrangers ?
Le port est le baromètre de l’économie gabonaise. Savoir s’il y a des partenaires susceptibles de nous aider à développer nos ports, c’est savoir si le Gabon peut intéresser et attirer des investisseurs. La réponse est oui, car le Gabon a largement sa place en Afrique subsaharienne. Aussi, la configuration de notre marché, assez restreint, fait que certains investisseurs viennent au Gabon pour produire et vendre à l’extérieur. Et les opérateurs faisant dans l’import-export préfèrent s’implanter à proximité des ports, où transitent plus de 90% de ce que nous consommons au Gabon. Aussi, nous avons un plan national de développement des ports, qui ne peut se réaliser qu’avec des investisseurs extérieurs. Il suffit juste d’aller les chercher, et c’est là que la communication rentre en jeu.
Au niveau du port, les opérateurs se plaignent de la qualité des voies secondaires…
Ces opérateurs ont parfaitement raison de se plaindre car ce sont nos clients, donc nos partenaires. Toutefois, l’Oprag est engagé dans un schéma directeur de développement des ports, qui inclut les voies d’accès. Aussi bien à Libreville qu’à Port-Gentil, l’Oprag a quand même fait des efforts dans ce sens. La priorité reste l’entretien des voies principales, mais nous toucherons également les voies secondaires. Par ailleurs, nous sommes en train d’étudier des mesures de compensation, dans le cas où un opérateur portuaire prendrait sur lui la remise en état d’une ou plusieurs voies secondaires. La possibilité d’un emprunt pour arranger ces voies-là est également à l’étude au niveau de l’Oprag.