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Gabon : La LFR 2020 ne vise pas simplement à répondre à la crise du Covid-19 mais à réformer en profondeur l’économie [Analyse]
Publié le samedi 20 juin 2020  |  LaLibreville.com
Ali
© Autre presse par DR
Ali Bongo Ondimba a prononcé ce jeudi 21 mai 2020 un nouveau discours radio-télévisé en lien avec le Covid-19
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Ce vendredi 19 juin, le ministre de l’Economie sera devant les députés pour défendre le projet de Loi de Finances rectificative adopté la semaine dernière en conseil des ministres. Les autorités gabonaises, plutôt que d’opter pour une stratégie défensive, ont manifestement choisi de passer à l’offensive pour contrer les effets de la crise liée au Covid-19. En témoigne ce collectif budgétaire qui acte la volonté inédite de formalisation de tout un pan de l’économie, l’élargissement de l’assiette fiscale afin d’augmenter les ressources propres de l’Etat ou encore la volonté de renforcer la traçabilité et la transparence des flux financiers pour lutter contre le blanchiment de capitaux et l’évasion fiscale. Au final, jamais une LFR ces dernières années n’aura comporté autant d’avancées. Analyse.

C’est un projet de loi de Finances rectificative a bien des égards historiques dont on peine à mesurer encore toute l’épaisseur. La LFR 2020 ne vise pas seulement à donner les moyens au pays de contrer dans l’immédiat les effets de la crise, elle introduit une série de dispositions inédites qui sont de véritables réformes structurelles de nature à modifier en profondeur et sur le long terme l’environnement économique et administratif au Gabon.

C’est le cas notamment de la régulation du secteur informel. La Loi de Finances Rectificatives 2020 acte une baisse de revenus pour l’Etat de 547,7 milliards de FCFA, soit 1⁄4 des recettes qui étaient initialement attendues. Cette baisse drastique se justifie par la baisse du cours du pétrole (prix moyen estimé de 30 $US au lieu des 57 $US le baril initialement prévu), la baisse du cours du manganèse, et la baisse de l’activité consécutive aux mesures de restriction dans le cadre de la lutte contre la pandémie du COVID-19. Ainsi, alors qu’il était attendu une croissance économique de 3,8 % en 2020, le Gabon devrait finalement entré en récession, une première depuis près de vingt ans.

Cette situation reflète la vulnérabilité du Gabon aux aléas des marchés internationaux des prix des matières premières exportées par le pays, notamment le pétrole et le manganèse. Elle souligne la nécessité, devenue le mantra des deux mandats du Président de la République Ali Bongo Ondimba depuis 2009, d’accélérer la diversification économique du pays.

Cette diversification doit également se refléter dans les recettes financières mobilisées par l’Etat, avec une moindre dépendance aux secteurs pétroliers et miniers. A cet égard, la loi de finances rectificative 2020 innove en introduisant des dispositions qui devraient permettre à l’Etat d’élargir considérablement son assiette fiscale, de mieux réguler l’économie et de réduire sa vulnérabilité aux fluctuations de prix des matières premières exportées.

Pourquoi il faut fiscaliser aussi les opérateurs et travailleurs étrangers

La LFR 2020 introduit une innovation déterminante pour s’assurer de la contribution des travailleurs étrangers à l’impôt. L’article 182 dispose ainsi que « pour la délivrance de leurs titres de séjour, les personnels des entreprises exerçant leurs activités au Gabon sont soumis au paiement d’une somme forfaitaire à la recette des impôts. L’établissement de titres de séjour par les services de l’immigration est subordonnée à la production de la preuve de paiement visé à l’article précédent, notamment la quittance de paiement délivrée par les services fiscaux ».

Concrètement, cela veut dire que les opérateurs économiques étrangers, auto-entrepreneurs, devront prouver s’être immatriculés fiscalement et avoir payé une avance sur leur patente ou impôt synthétique libératoire (ISL), en lien avec l’activité qu’ils déclarent exercer. Dans le cas des travailleurs étrangers salariés informels, comme les gardiens ou les femmes de ménages, elles devront également produire désormais un contrat de travail et surtout démontré être immatriculé aux impôts au titre de l’Impôt sur les Revenus des Personnes Physiques (IRPP), et produire la quittance d’un premier versement au titre de l’IRPP.

La mise en œuvre de cette disposition devrait permettre d’englober une grande majorité de l’économie informelle tenue par des entrepreneurs ou travailleurs étrangers, qui participeront de fait au même titre que tous les autres actifs à l’effort de contribution fiscale. La carte de séjour faisant l’objet d’un contrôle récurrent et étant largement diffusée auprès de cette population, la demande ou le renouvellement de la carte de séjour est apparue comme le point de contrôle le plus pertinent pour immatriculer ces contribuables. L’administration fiscale aura ensuite le devoir de s’assurer du prélèvement régulier des impôts et taxes auprès de cette population.

L’élargissement de l’assiette de la TVA dans le cadre de la digitalisation des transactions

Le Gabon fait partie des premiers pays de la CEMAC à transcrire dans son droit national la directive communautaire interdisant d’effectuer des transactions en espèces physiques au-dessus d’un montant de 500 000 FCFA, ces transactions devant être effectuées sous peine de sanction via un compte électronique domicilié chez un opérateur financier agréé.

La question demeure, qui sera examinée par les Parlementaires dans le cadre de leur revue de la loi de finances rectificative présentée par le Gouvernement, d’une application immédiate de cette directive communautaire, ou d’une application progressive avec un premier seuil fixé à 5 millions de FCFA pour les transactions et un seuil de 2 millions de FCFA pour les paiements des contribuables à l’Etat.

Dans tous les cas, cette mesure contribuera à une meilleure traçabilité des transactions économiques et, ce faisant, un élargissement de l’assiette de la TVA qui leur est applicable. La mise en œuvre de cette mesure devrait donc contribuer à significativement augmenter le niveau de ressources hors pétrole collectées par l’Etat, et ainsi réduire sa vulnérabilité aux chocs extérieurs sur les marchés internationaux de cette matière première.

Le prochain grand sujet de l’élargissement de l’assiette fiscale concernera sans aucun doute une meilleure application de la fiscalité foncière existante, voire une amélioration de cette fiscalité pour englober le maximum de contribuables. Un futur chantier que devra défricher la loi de finances 2021.

In fine, l’augmentation des ressources propres de l’Etat permettra de limiter le recours à l’endettement et d’améliorer la capacité de l’Etat à financer les dépenses sociales, qui impactent directement les conditions de vie des population et dont le chef de l’Etat Ali Bongo Ondimba a clairement indiqué qu’elles seraient son « absolue priorité » à l’occasion de la sortie de crise.
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