Soucieux de tirer les enseignements de la crise du Covid-19, les autorités gabonaises ont décidé d’accélérer la digitalisation des transactions économiques. Pour des raisons sanitaire (les billets et pièces étant de potentiels vecteurs de transmission du virus) mais aussi économique. Les paiements digitaux, parce qu’ils favorisent une meilleure traçabilité et une plus grande transparence, permettent, outre d’élargir l’assiette de la TVA, de mieux lutter contre le blanchiment de capitaux et l’évasion fiscale. Analyse.
La crise du COVID-19 a renforcé la prise de conscience de la nécessité d’accélérer la transition de l’usage de billets et pièces métalliques – l’agent physique – au mobile money et autres formes de paiements digitaux (carte bancaire, virements). En effet, les billets de banque et les pièces peuvent se révéler des vecteurs de propagation de maladie, comme la Covid-19. Au-delà de ce risque sanitaire, il facilite l’activité économique informelle, l’évasion fiscale et le blanchiment d’argent, autant de freins au développement.
C’est à cette aune qu’il faut analyser d’abord l’invitation faite par le gouvernement aux opérateurs de mobile money de mettre en place l’interopérabilité complète de leurs systèmes de paiement respectifs dans les cinq mois à venir ; ensuite, la négociation sur l’encadrement des commissions des banques sur les transactions digitales (virement, retrait d’argent), et enfin, la prise de plusieurs mesures intégrées à la loi de Finances rectificatives (LFR) de 2020 validée par le conseil des ministres du 12 juin dernier.
L’article 55 de la LFR dispose qu’« en République gabonaise, toute transaction d’un montant supérieur à 5 millions de FCFA ne peut s’effectuer en espèces. A ce titre, toute transaction d’un montant supérieur à 5 millions de FCFA est effectué par tout autre moyen de paiement notamment par virement bancaire, par chèque de banque ou porte-monnaie électronique. »
Cette disposition devrait avoir un impact fort sur l’élargissement de l’assiette des opérations soumises à la TVA, mais également une meilleure traçabilité des transactions économiques, pour lutter contre le blanchiment d’argent.
La LFR introduit également, dans son article P-917 nouveau, l’obligation que tout paiement d’impôts, droits et taxes d’un contribuable à l’Etat, d’un montant supérieur à 2 millions de FCFA, soit obligatoirement effectué par virement, chèque de banque ou porte-monnaie électronique, sous peine de nullité. Cette mesure vise à améliorer la traçabilité des paiements effectués au Trésor et à contraindre les pratiques de corruption.
Enfin, les articles 5 à 7 de la PLFR introduisent une nouvelle taxe, dite taxe sur les retraits. Cette taxe de 2 % s’applique à partir de tout retrait en espèces de plus d’un million de FCFA par mois par un individu ou une entreprise. Contrairement à ce que certains ont pu affirmer, cette taxe ne vise pas à ponctionner l’épargne des Gabonais, elle vise à contraindre le recours à la monnaie en espèces physiques pour privilégier les paiements électroniques.
Ces mesures sont accompagnées d’un renforcement de la régulation des opérateurs bancaires, pour notamment baisser les commissions qu’ils pratiquent sur certaines transactions ou prestations (virements, retrait d’argent, impressions de relevés de compte, ouvertures de comptes). Des négociations sont engagées par le ministère de l’Economie et des Finances avec l’Association Professionnelle des Etablissements de Crédit à ce sujet.
Elles seront également accompagnées par un renforcement de l’interopérabilité, non seulement entre les opérateurs de mobile money, mais également entre les opérateurs de mobile money et les banques, pour augmenter considérablement le champ des transactions possibles depuis son porte-monnaie électronique et permettre les transactions de porte monnaie-électronique à un autre porte-monnaie électronique. Il sera ainsi possible de payer sa course de taxi directement depuis son téléphone.