S’étant écarté quelques instants de sa revue de presse décalée proposée quotidiennement sur sa page Facebook, Uriel Abaga livre dans cette tribune exclusive son point de vue sur la situation économique du Gabon et le train de vie dispendieux de l’État dont il juge nécessaire la réduction. Prenant exemple sur le Bénin qui a décidé de limiter ses représentations à l’extérieur, le jeune journaliste indépendant gabonais revient sur un débat national déjà lancé par l’actuel ministre des Affaires étrangères : la redéfinition, voire la réduction de la voilure diplomatique du Gabon. L’objectif étant, selon lui, est de faire des économies et d’être plus efficace.
Le Bénin, pays ami du Gabon, a pris la décision de redéfinir sa carte diplomatique, et donc de fermer plusieurs de ses représentations dans les pays étrangers. Le consulat général de la République du Bénin à Libreville est dans le lot, ainsi que 16 autres missions béninoises. Le but de la manœuvre est de rationaliser les recettes de ce pays de l’Afrique de l’Ouest, qui ne rompt nullement ses relations avec les pays dans lesquels ses ambassades et consulats fermeront les portes à partir du 31 juillet prochain.
«Nous serons présents sur tous les continents. Nous aurons des ambassadeurs non-résidents qui, à partir de Cotonou, avec les moyens, opéreront et seront accrédités auprès de certains pays. C’est une modernisation de l’outil. On ne peut pas baser notre diplomatie sur des dogmes qui sont dépassés et sur des modes de représentation qui ne sont plus efficaces», explique Aurélien Agbenonci, le ministre béninois des Affaires étrangères et de la Coopération, dans un courrier envoyé aux diplomates, il y a quelques semaines.
Un exemple à suivre pour le Gabon
Le débat sur la redéfinition de la carte diplomatique gabonaise n’est pas inexistant. L’actuel ministre des Affaires étrangères, Alain-Claude Bilie-By-Nze, l’a évoquée en début d’année, mais depuis, il n’y a pas eu de véritable suite. Serait-ce en raison de la survenue du coronavirus au Gabon et de sa propagation dans le pays ? L’argument pourrait tenir la route, car les efforts du gouvernement sont visiblement axés sur la gestion de l’épidémie. Mais lorsque tout cela aura pris fin et qu’on pourra parler d’autre chose, il faut nécessairement remettre la question des représentations diplomatiques inutiles au goût du jour. Sur le plan financier, c’est même une épargne très importante que l’État ferait.
Aujourd’hui, le Gabon a une ambassade à Paris, à Bruxelles, à Rome, au Vatican, à Madrid, à Berlin, à Genève et à Londres. Pourtant, dans la pratique, l’ambassade de Paris peut bien avoir juridiction sur Bruxelles et Madrid ; celle de Rome sur le Vatican. Ça réduirait ainsi le nombre de personnes affectées, et donc prises en charge par l’État, ainsi que les membres de leurs familles, pour lesquels Libreville paie loyers et scolarités. En Asie, il y a une représentation diplomatique du Gabon à Pékin, Tokyo, Séoul et New Delhi. Il est facile de comprendre que le temps est venu de suivre l’exemple béninois et d’éviter ces «modes de représentation qui ne sont plus efficaces», pour reprendre les propos d’Aurélien Agbenoncin.
La nécessité d’une diplomatie efficace
Au-delà de la réduction du train de vie de l’État dont la redéfinition de la carte diplomatique est une action à mener, il y a aussi l’image du Gabon à l’international. Nous devons adapter notre diplomatie à notre besoin de développement et de relations conséquentes. «Il n’y a pas beaucoup de Gabonais à Cuba, c’est vrai. Mais la coopération cubaine dans le domaine de la santé nous apporte des médecins qui acceptent d’aller travailler en brousse, parfois dans des zones où même les médecins gabonais refusent d’aller. Tandis que l’apport du Brésil peut facilement être remis en cause», affirme un ancien ambassadeur du Gabon sous couvert de l’anonymat. Une nouvelle carte diplomatique est plus qu’une nécessité. Il faut penser efficacité et bénéfice.