Van N’na Mboma et Prince Roluc Bayonne, respectivement banquier et directeur général de 2BN International Audit et Expertise comptable, présentent, dans cette libre tribune (extrait d’une analyse plus enrichie disponible ici : https://bit.ly/3eDqQsF ) les limites des réponses apportées par la Banque des Etats de l’Afrique centrale (BEAC) à la problématique de l’accès aux financements au sein de la zone de Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale en période de crise sanitaire liée au Covid-19.
La crise sanitaire liée au COVID-19 a remis en cause les perspectives 2020 de croissance de l’économie mondiale et précipité la chute du prix des hydrocarbures. En raison de la dépendance des économies des pays de la CEMAC aux fluctuations du cours des hydrocarbures, le 27/03/2020 le Comité de Politique Monétaire (CPM) de la BEAC a analysé l’impact des effets pervers du COVID-19 sur la Zone CEMAC, ainsi que ses perspectives à court terme. Cet exposé est une contribution face aux limites des mesures du CPM de la BEAC.
I Les réponses des Etats face au COVID19 et les mesures de la BEAC pour soutenir les économies et relancer la croissance en zone CEMAC
Les Etats de la CEMAC ont adopté des mesures (état d’urgence, confinement…) pour lutter contre les effets du COVID-19, avec des conséquences extrêmement dramatiques sur leurs économies (baisse ou arrêt des activités).
La BEAC pour sa part, après avoir pris acte de la décision de suspension des mesures d’absorption des liquidités, a édicté des mesures d’accompagnement telles que : la baisse du taux d’intérêts d’appels d’offres (TIAO) de 3,5% à 3,25% ainsi que celle du taux de facilité de prêt marginal de 6% à 5% ; l’injection de liquidités de 240 milliards XAF à 500 milliards XAF (avec l’option de revoir ce plafond à la hausse en cas de besoins).
II- Analyse critique des solutions de la BEAC pour relancer l’économie de la CEMAC
Nos réserves sur l’efficacité des mesures de la BEAC reposent sur le fait que ce dispositif souffre de la trop grande faiblesse de l’inclusion financière en Zone CEMAC ; inclusion financière dont les deux piliers essentiels sont le niveau de bancarisation et le dynamisme du secteur informel. Des études récentes sur l’inclusion financière en Afrique subsaharienne démontrent que le niveau de croissance tributaire du secteur informel représente près de 55% du PIB et que le taux de bancarisation en Zone CEMAC oscille autour de 13%. C’est ce que corroborent deux autres études réalisées en 2019 sur «les effets de l’inclusion financière sur la croissance économique en zone CEMAC » et sur « les effets de la bancarisation sur la croissance en Zone CEMAC» , où il est établi que si le volume de crédits des Etablissements de Microfinance (EMF) croît de 1%, alors le PIB croît de 0.95%.
Plaidoyer pour un accès des EMF aux financements de la BEAC dans cette période exceptionnelle du COVID-19
Il ressort malheureusement que les mesures du CPM de la BEAC du 27 mars 2020 demeurent focalisées sur le refinancement classique des Banques. Il s’en suit que l’exclusion des EMF dans l’accès aux financements de la BEAC, a pour effet immédiat le rationnement des crédits au secteur informel- même à de nombreux emprunteurs du secteur formel exclus par la rigidité des Banques – et donc aux PME, TPE et ménages les plus fragiles dont les activités concourent pourtant à 55% du PIB en Zone CEMAC.
C’est pourquoi, il nous paraît judicieux en cette période exceptionnelle en rapport avec le COVID-19, de revisiter les mécanismes classiques de l’accès aux financements de la BEAC, par une meilleure prise en compte de « l’inclusion financière », à l’effet d’orienter plus efficacement les capitaux vers tous les demandeurs (secteur informel compris) selon une approche duale : « Banques classiques – Etablissements de microfinance (EMF) ».
III- Nos propositions pour des réformes conjoncturelles et structurelles du marché monétaire en Zone CEMAC
Après une analyse comparée du cadre réglementaire Banque/EMF où il ressort de nombreuses similitudes, notre contribution repose sur les propositions suivantes :
Au titre des solutions conjoncturelles
L’injonction de la BEAC aux Banques de prêter aux EMF à un taux bonifié et encadré par elle ; l’assouplissement des conditions d’octroi des financements de la Banque de développement des Etats de l’Afrique centrale (BDEAC) à l’endroit des EMF et/ou directement des PME à des taux bonifiés dont le plafond serait fixé par l’Autorité monétaire ; l’octroi exceptionnel d’une ligne de refinancement aux EMF par la BEAC dans le cadre des mesures arrêtées le 27 mars 2020 ; l’accès aux EMF à la compensation des valeurs bancaires pour mobiliser plus rapidement la liquidité des chèques tirés par les clients.
Au titre des solutions structurelles
Permettre aux EMF d’être demandeurs de ressources en ayant accès au guichet B à un taux défini par l’Autorité monétaire ;
Exiger aux EMF d’émettre des valeurs aux normes de la BEAC afin de participer à la compensation électronique (ce qui garantirait le contrôle des incidents de paiements bancaires et la lutte contre le blanchiment des capitaux ; créer au sein de la BEAC une « Direction de l’inclusion financière » comme interlocuteur privilégié des EMF.
(L’analyse complète est disposnible ici : https://bit.ly/3eyIqhm )
Yvan N’na Mboma (banquier) et Prince Roluc Bayonne (directeur général de 2BN International – audit et expertise comptable)