La semaine dernière, certains internautes gabonais ont pointé du doigt ce qu’ils estimaient être une budgétisation exagérée par le gouvernement de cette mesure contenue dans le plan d’aide massif annoncé par le président Ali Bongo Ondimba début avril pour venir en aide aux plus fragiles en cette période de Covid-19. Si le ministère des Transports n’a pas officiellement communiqué à ce sujet, les explications sur le chiffrage nous ont été communiquées. L’occasion de faire (enfin) la lumière et faire se dégonfler la polémique.
Il aurait pu s’en passer. Il aurait fallu, pour cela, simplement communiquer et non rester mutique à ce sujet.
La semaine dernière, le ministre des Transports, Léon Armel Bounda Balonzi, a essuyé une polémique malvenue en cette période au sujet du chiffrage de la mesure de gratuité des transports publics à l’attention des Gabonais les plus vulnérables.
Alors que le chiffre d’affaires annuel du secteur s’est élevé en 2019 à 9 milliards de francs CFA, cette mesure – par définition temporaire – a été budgétée par le gouvernement à hauteur de… 6 milliards de francs CFA. Aucune explication n’ayant été fournie par le ministère des Transports, certains internautes gabonais y ont vu une intrigante disproportion pouvant laisser penser à une tentative de détournements de fonds.
Une semaine plus tard, les explications sur le chiffrage de cette mesure ont enfin été données – pas officiellement, on peut le regretter, mais officieusement – par le truchement d’un des membres du cabinet du ministre des Transports, plus prolixe que la moyenne.
Celui-ci commence par lancer une petite pique aux Cassandre. « Les analyses économiques, théoriques, fait en chambre, c’est bien. Mais prendre en compte la réalité dans le cadre de la conjoncture actuelle, c’est mieux », dit-il.
Et de développer son raisonnement : « Déjà, il y a de fausses prémisses à la base de ce raisonnement simpliste. Il n’a jamais été question d’une dépense certaine de 6 milliards de francs CFA pour une durée de deux semaines ou même d’un mois. Il s’agit d’une anticipation (c’est à dire d’une possibilité de dépense) jusqu’à potentiellement 6 milliards de francs CFA, à l’origine sur 4 mois. On se demande donc d’où sort la durée de deux semaines ou d’un mois », avance le haut-fonctionnaire, ingénieur de formation.
« Si on divise ce chiffre pour deux semaines, cela fait 750 millions. Un montant encore au-dessus de ce que l’on constaterait en période normale (par rapport au chiffre d’affaires annuel du secteur l’année dernière, NDLR). Mais c’est là où se glisse l’autre erreur fondamentale du raisonnement de ces internautes. Nous ne sommes pas en période normale. Nous sommes en période de Covid-19. Les coûts ne sont pas les mêmes. Ils sont majorés, quand bien même le nombre de passagers transportés est moindre. Par exemple, un bus qui l’année dernière prenait 80 personnes hier, aujourd’hui, du fait des mesures de distanciation sociale et des mesures barrières, ne prend plus que 20 personnes. Donc il faut 4 bus là où il en fallait un seul. Il faut donc multiplier le nombre de bus par 4. Mais aussi le nombre de personnels nécessaire, les frais d’entretien, de réparation, de nettoyage (dont le coût a explosé car il faut les désinfecter régulièrement), l’essence aussi. Au final, on a un coût potentiel majoré », éclaire ce membre du cabinet des Transports qui précise que « la baisse du nombre de passagers, confinement oblige, n’induit pas une baisse des rotations. Le nombre de celles-ci est resté le même », insiste-t-il.
Conséquence, selon lui : « faire une simple règle de trois en prenant le chiffre d’affaires du secteur de l’année dernière et en le rapportant sur deux semaines, puis en comparant avec le chiffrage de la mesure de gratuité des Transports est un raisonnement purement spécieux, totalement abscons », conclut-il.
Des explications limpides qui permettent de clore une polémique et dont on peut regretter qu’elles n’ont pas fait l’objet d’une communication par le ministère des Transports. Le cas n’est hélas pas isolé. Le ministère de l’Eau et de l’Energie a lui aussi eu droit il y a quelques jours, sur une mesure similaire (la gratuité de l’eau en période de Covid-19), a la même polémique. Lui aussi, à défaut d’avoir communiqué en temps voulu, à laisser s’instruire sur les réseaux sociaux un faux-procès, prenant ainsi le risque de décrédibiliser l’action publique en cette période critique. Il aura fallu attendre l’intervention hier sur Twitter du porte-parole de… la Présidence de la République pour y mettre un terme.