Alors que le pays fait face à une crise sanitaire et économique sans précédent qui appelle chacun à la responsabilité et à la mesure, la Cosyref réclame à l’État le paiement d’une prime non-obligatoire liée à la performance, dont l’enveloppe se chiffre à 5 milliards de francs CFA. C’est ce qu’a indiqué sur sa page Facebook le président de cette organisation, Erisco Wilfried Mvou Ossialas. Une attitude jugée irresponsable et déplacée jusqu’au sein du monde syndical. Explication.
La requête a de quoi surprenante, pire déconcertée, en cette période où les autorités où la priorité est donnée aux secteurs sociaux et sanitaires.
« Nous, les leaders et agents des régies financières et les administrations assimilées appelons le ministre de l’économie, le Directeur général de la comptabilité publique et du Trésor à payer nos primes spécifiques afin que nous puissions apporter nos contributions à l’appel du Chef de l’État », a écrit ce vendredi sur sa page Facebook le président de la Confédération des régies financières et administrations assimilées, Erisco Wilfried Mvou Ossialas.
Une requête qui semble aux yeux de beaucoup déplacée, pour ne pas dire irresponsable en cette période où la mobilisation de tous est de rigueur pour surmonter la crise liée au Covid-19.
Celle-ci a en effet entraîné une baisse significative de l’activité économique du Gabon. Cette année, le Trésor public pourrait enregistrer des pertes en recettes estimées entre 230 et 645 milliards de francs CFA, selon le gouvernement qui a été contraint de réduire la voilure et préparer une Loi de Finances rectificative. Dans le même temps, les dépenses ont sensiblement augmenté. Le président de la République a en effet annoncé un plan d’aide massif de 250 milliards de francs CFA pour soutenir les populations et les entreprises.
« Si versement d’une prime il doit y avoir, ce devrait être en faveur des personnels de santé »
Le chef de l’Etat qui a, par ailleurs, indiqué hier qu’il allait déboursé sur ses deniers personnels la somme de 2,1 milliards de francs CFA pour créer un fonds dédié à la prise en charge des frais de santé non remboursés par la CNAMGS pour les Gabonais les plus vulnérables. Une initiative qui fait suite à la contribution spéciale de 150 millions de francs CFA (correspondant à 10 % de leur traitement) versée par les membres du gouvernement au Fonds de solidarité ou encore aux dons de nombreuses entreprises faits à la Banque alimentaire récemment créée.
« Réclamer le paiement d’une prime de 5 milliards en pareilles circonstances est aberrant. Ça l’est d’autant plus que cette prime est adossée à la performance. Or, l’année dernière, on ne peut pas dire que la performance des régies financières a été exceptionnelle », explique un économiste de la place qui précise qu’ « en cette période, l’Etat a bien d’autres priorités ». « Si versement d’une prime il doit y avoir, ce devrait être en faveur des personnels de santé », plaide-t-il.
Sécurité de l’emploi et garantie de salaire
Ce haut-fonctionnaire du Trésor public ne dit pas autre chose. « Nous, fonctionnaires, sommes dans une position privilégiée. Nous avons la sécurité de l’emploi, nous avons la garantie des salaires. Ça n’est ni le cas des salariés du secteur privé et, encore moins, de ceux, très nombreux, qui sont dans le secteur informel. Il y a vraiment quelque chose d’indécent à faire à ce moment-là ce genre de revendications », déplore cet agent de l’Etat.
Un point de vue largement partagé au Gabon tant dans la classe politique, majorité et opposition, qu’au sein de la population mais aussi dans le monde syndical. En effet, en février dernier les agents du ministère de la Santé étaient en grève, lors du déclenchement de la pandémie au mois de janvier dernier. Face à la menace du virus, ils ont suspendu leur mouvement pour reprendre aussitôt le travail.
La confédération Dynamique Unitaire de Jean Rémy Yama, pourtant réputée pour son opposition virulente, a fait de même, appelant à une trêve syndicale durant la crise du Covid-19. Idem dans le secteur de l’éducation, avec notamment la Conasysed, connue elle aussi pour sa violente opposition au pouvoir.
Une attitude responsable qui tranche radicalement avec celle de la Cosyref, totalement inconséquente et indécente.