ÉconomieAnalyse / Appel d’Emmanuel Macron à annuler la dette des pays africains : Les précisions du directeur général de l’AFD et les possibles implications pour le Gabon
Publié le mercredi 15 avril 2020 | LaLibreville.com
La France et l’Europe vont devoir aider l’Afrique à lutter contre le coronavirus en « annulant massivement sa dette », a déclaré lundi 13 avril le président français Emmanuel Macron.
En dix ans, la dette publique africaine a doublé pour atteindre aujourd’hui 365 milliards de dollars dont 145 sont dus à la Chine. Emmanuel Macron souhaite que la France et l’Europe annulent les dettes qu’elles ont sur l’Afrique. Il l’a dit hier lundi dans une allocution télévisée.
Dans une interview donnée au journal La Croix dimanche 12 avril, le directeur général de l’Agence française de développement (AFD) a fourni plus de détails à ce sujet sur ce à quoi pourrait ressembler une telle « annulation ».
« (L’annulation de la dette des pays africains) est une des façons possibles de libérer rapidement des ressources. À la demande des gouvernements africains, une solution s’esquisse sur ce sujet et la France est à la manœuvre. Mais attention aux signaux négatifs. De nombreux pays en développement ont retrouvé depuis vingt ans un fort crédit auprès des créanciers, publics et privés. Il ne faudrait surtout pas qu’une telle décision soit interprétée comme un défaut de paiement, ce qui les priverait, en pleine crise, de nouveaux financements. Une solution pourrait être de suspendre le paiement de certaines dettes durant un an ou deux. Je ne crois pas à une solution unique mais à un ensemble d’instruments », a expliqué le patron de l’AFD, africaniste reconnu, en faisant référence à la dette privée qui représente une part de plus en plus importante du total de l’endettement des pays africains (ceux-ci ayant levé ces dernières années des fonds sous forme d’eurobonds, par exemple, NDLR).
Dans une interview accordée à La Libreville la semaine dernière, le banquier Lionel Zinsou ne disait pas autres choses. « Je crois qu il ne faut pas détruire la confiance dans notre signature africaine, qui s’est imposée en vingt ans d’efforts. Le marché financier de dettes privées, en devises et en CFA, doit nous rester ouvert », a-t-il plaidé (lire son interview).
« De fait, la crise ne durera qu’un temps. Il faudra bien relancer la machine et, à ce moment-là, recourir au marché. Ceux qui se seront mal comportés pendant la crise ou qui auront une attitude opportuniste (ne pas payer certaines dettes en prétextant de la conjoncture) en feront les frais », prévient un économiste du FMI. D’autant que « les pays africains vont être massivement aidés, via différents mécanismes, pour faire face au surcroît de dépenses publiques dû à la crise liée au Covid-19, ainsi qu’au blocage de l’économie », précise celui-ci.
« Le Gabon tiendra ses engagements »
Du côté du ministère gabonais des Finances, malgré un contexte compliqué, on assure que les engagements de remboursement du Gabon, en particulier vis-à-vis du secteur privé, domestique comme international, seront tenus. « Il nous faut gérer le court terme, mais sans préjudicier au long terme. Nous savons que nous jouons dans cette phase notre crédibilité sur la longue durée », souffle l’un des proches collaborateurs du ministre gabonais des Finances, Jean Marie Ogandaga.
Pour rappel, en fin d’année dernière, l’endettement du Gabon (tout confondu) s’élevait à 60 % du PIB (dont 73 % de dette extérieure et 27 % de dette intérieure). S’agissant de la dette bilatérale du Gabon, celle-ci se chiffrait en 2019 à environ 800 milliards, due principalement à la Chine et à la France.