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Le Gabon à l’épreuve du Covid-19: Quelles stratégies de lutte efficace ? Quid du confinement ?
Publié le mardi 14 avril 2020  |  Gabon Media Time
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© Autre presse par DR
Plus de 50.000 décès à travers le monde en raison du nouveau coronavirus (université Johns Hopkins)
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Le monde vit au rythme de l’épidémie du Covid-19. Si l’existence de cette maladie s’est déclarée en Chine en fin décembre 2019, elle s’est, dès lors, propagée à travers le monde. A ce jour, cent quatre-vingt-cinq (185) pays sont touchés et la barre symbolique de cent mille morts a été franchie, emmenant ainsi l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) à classer « urgence sanitaire » l’épidémie du Covid-19. Après la Chine, l’Occident apparaît désormais comme l’épicentre de la maladie avec des décès qui se comptent par milliers. Selon les chiffres mis à jour ce lundi 13 avril, on dénombre 23068 personnes décédées aux Etats-Unis, 20465 personnes en Italie ou encore 14967 cas de décès en France.

Le Gabon n’est pas épargné et enregistre depuis le 12 mars, 75 personnes testées positives au Covid-19 pour un seul décès. Par ailleurs, à l’instar d’autres pays et du fait de la courbe exponentielle de nouveaux cas d’infections, les autorités gabonaises ont pris une série de mesures pour faire face à la propagation du virus. Parmi ces mesures on peut citer, entre autres, le confinement total du Grand Libreville depuis le 09 avril, le confinement partiel des autres provinces, la sensibilisation sur les mesures barrières appelées aussi « mesures de distanciation sociale », la mise en place d’un couvre-feu de19h30 à 6h du matin depuis le 22 mars, la suspension des activités académiques sur l’ensemble du territoire national, la fermeture des frontières.

Cependant, si on peut s’accorder sur le fait que les autorités en place ont pris, dès le début, à bras le corps cette menace épidémiologique, nous voulons, à travers cette analyse, arraisonner la stratégie de lutte mise en place afin d’en révéler la pertinence, mais aussi la nourrir. C’est pourquoi, il est fortement souhaité que cette analyse retienne une attention particulière des autorités gabonaises chargées de la gestion de cette crise sanitaire, mais aussi l’ensemble de nos concitoyens sans qui la bataille contre le Covid-19 ne pourra être gagnée. De fait, nous analyserons la question du confinement ainsi que les stratégies de gestion de l’épidémie post-confinement.

Pourquoi se confiner ?

Stratégie la plus utilisée dans la plupart des pays touchés par l’épidémie, le confinement a pour but de ralentir la propagation du virus afin d’éviter principalement un engorgement des structures hospitalières devant accueillir, prendre en charge et traiter les malades, notamment les cas les plus graves. Afin d’éviter une saturation trop rapide des hôpitaux et une flambée des cas présentant des symptômes graves, le confinement permet de réduire, au bout d’un certain temps, les admissions à l’hôpital pour une meilleure gestion des malades. De ce point de vue, le confinement est une méthode qui marche et le cas de la Chine constitue un bel exemple. Cependant, une stratégie de confinement, aussi eficace soit-elle, présente des risques majeurs si elle n’est pas pensée avec méthode, finesse et force intelligence.

Le confinement : quels risques ? Quels impacts ? Quelle stratégie post-confinement ?

S’il apparaît prématuré de dresser un bilan poussé sur les effets du confinement, il est tout de même possible d’en relever quelques éléments depuis sa mise en place par le gouvernement gabonais, d’abord sous la forme d’un confinement partiel sur toute l’étendue du territoire nationale dès le 16 mars. Il est vrai que cela a évité une flambée de l’épidémie, mais ces derniers jours, la courbe des contaminations au Covid-19 semble en croissance perpétuelle du fait d’un respect problématique du confinement par la population qui ne semble pas encore prendre toute la mesure et la gravité de la menace du Covid-19 et un certain laxisme des autorités qui peinent à maîtriser les sorties injustifiées ou jugées non-vitales. A cela s’ajoute l’absence de tests massifs qui permettraient, notamment à des cas positifs de type « porteurs sains » ou asymptomatiques de connaître leur statut afin d’éviter de propager inconsciemment le virus. C’est pourquoi, le gouvernement vient de prendre une série de mesures au nombre desquelles on relève la décision d’un confinement total et beaucoup plus strict du Grand Libreville pour une période de 15 jours, avec la possibilité de le renouveler.

Confinement et impact économique.

On le sait, un respect strict du confinement permet de freiner l’expansion du virus en cassant la chaîne de transmission. Cependant, cette stratégie ne saurait s’étendre, en l’état, sur une très longue durée car confiner la population occasionne également un ralentissement de l’activité économique avec le spectre d’une récession, voire d’un effondrement économique qui plane sur le pays. Dans le même ordre d’idée ; confiner la population sur une période très longue (plusieurs mois) rendrait catastrophique la situation des ménages du fait de nombreux licenciements ou la mise au chômage technique de plusieurs dizaines de milliers de travailleurs. Certes le président de la république a décidé de mesures urgentes de soutien aux entreprises et aux travailleurs avec un décaissement d’une enveloppe conséquente, ces dernières ne pourront cependant pas s’étendre sur toute la durée de la crise sanitaire dont on ne connaît pas la fin. De plus, ces mesures aussi salutaires soient-elles, n’englobent pas suffisamment les autoentrepreneurs, les commerçants ; les travailleurs temporaires, les intermittents ou saisonniers ainsi que tous les « débrouillards » au statut fragile. De ce fait, un confinement plus étiré pourrait ainsi faire beaucoup plus de mal que de bien tant pour la population avec une aggravation de la pauvreté que pour le pays avec un éventuel effondrement économique et effondrement des marchés. D’ailleurs, le gouvernement vient d’annoncer la préparation d’une loi de finance rectificative qui intègre la forte baisse attendue de la croissance en 2020. De fait, une stratégie efficace de lutte contre le Covid-19 qui prenne en compte les éléments évoqués dans les mesures gouvernementales tout en les affinant s’impose véritablement car le confinement seul ne saurait constituer une réponse efficace dans cette bataille.

Quelle stratégie pour une gestion efficace de l’épidémie du Covid-19 ?

Si l’épidémie semble prendre à court le monde entier avec des stratégies qui divergent d’un pays à un autre et avec des effets tout aussi différents, la gestion occidentale de la crise ne semble pas constituée un modèle de référence si l’on en croit la situation chaotique de plusieurs pays. Par ailleurs, un pays d’Asie, en l’occurrence la Corée du Sud doit pouvoir attirer notre attention du fait de sa stratégie de lutte contre l’épidémie qui visiblement porte des fruits. Cette stratégie est basée tout à la fois sur un refus du confinement total et une observation stricte des mesures de protection couplées au dépistage intensif et régulier. A cela s’ajoute une prise en charge systématique et précoce des malades sans attendre le développement de complications pouvant les conduire en réanimation. Avec à ce jour 10537 cas confirmés, 7447 personnes guéris et 217 décès, la Corée du Sud fait office de modèle dans la gestion de l’épidémie.Ainsi, la stratégie gabonaise pourrait se construire autour de quatre éléments essentiels : « TESTER – CONFINER –SOIGNER –TRAVAILLER ».

Tester : pourquoi ? Comment ?

La lutte contre le Covid-19 passe primordialement par la valorisation des tests massifs et réguliers qui permettent de suivre plus efficacement l’évolution de la courbe des infections et donc de confiner de façon intelligente. Aussi, l’idée du test massif que les autorités gabonaises ont décidé de mettre en avant doit pouvoir dépasser la simple vérification d’une contamination ou non au Covid-19. Les tests doivent pouvoir être réalisés suivant trois approches. La première approche consiste au prélèvement buccal (oropharyngé) ou nasal (nasopharyngé) afin d’identifier les personnes potentiellement contagieuses. La deuxième est de type pulmonaire qui permet d’éviter le cas des « faux négatifs » qui peuvent résulter du test de type nasal. La troisième approche valorise, quant à elle,le test par prélèvement sanguin et permet de vérifier à la fois si on a été ou pas en contact avec le virus et si on a développé des anticorps suffisants pour faire face à une nouvelle contamination.

Soigner et confiner.

Du fait d’un travail conséquent sur la généralisation des tests, le confinement deviendra dès lors, plus stratégique et plus intelligent car il ne concernera que les personnes testées positives. Par ailleurs, même s’il est admis que la grande partie des personnes infectées demeure soit asymptomatique soit ne développe que des symptômes bénins, il est primordial de prendre en charge les malades au début de l’infection pour un traitement efficace, sans attendre le développent de cas graves avant d’envisager une admission en structure hospitalière et le déclenchement d’un protocole thérapeutique. L’exemple de la Corée ou encore la stratégie thérapeutique contre le Covid-19 du Pr Didier Raoult montre qu’un traitement déclenché au début de l’infection donne des résultats très satisfaisants et permet de réduire le risque d’éventuelles complications et donc le risque de mortalité. En effet, au début de la maladie, la charge virale est encore très importante. Le déclenchement du protocole thérapeutique adopté par le comité scientifique gabonais contre le Covid-19, permettra de faire baisser considérablement la charge virale en évitant une migration du virus vers les poumons avec son cortège de complications et de risques. Le drame occidental, précisément d’un pays tel que la France, tient, entre autres, du fait qu’une personne doit rester confinée chez elle et n’appeler le service de veille qu’en cas de complications notamment respiratoires. C’est assurément une erreur à ne pas reproduire dans notre stratégie nationale de lutte contre le Covid-19.

Penser une stratégie post-confinement.

Le principe d’immunité de groupe. Pour les maladies contagieuses transmises d’individus à individus, on parle d’immunité collective (ou immunité de groupe) lorsque la chaîne des infections est progressivement rompue du fait de l’existence d’une proportion considérable, 66% de la population qui est immunisée en ayant développé les anticorps soit par la vaccination, soit en sortant de guérie d’une maladie virale. Plus la proportion de personnes immunisées augmente, moins une personne non immunisée court le risque de se faire contaminer. Ainsi, après un certain seuil, le virus cesse progressivement sa circulation. En partant de ce principe, il est intéressant d’interroger l’efficacité d’une stratégie post-confinement.

En effet, en décidant du confinement partiel après la déclaration du premier cas testé positif au Covid-19, le Gabon devrait sortir du confinement sans une immunité de groupe suffisante pour occasionner le déclin de la propagation et la circulation du virus et le risque d’un regain de l’épidémie demeurera constant. Dans le cas inverse, c’est-à-dire celui d’un refus de la stratégie de confinement, on serait certes arrivé à cette immunité collective rapidement en laissant circuler le virus, mais avec le risque d’une véritable catastrophe sanitaire avec un nombre hallucinant de morts et des hôpitaux débordés.

Les pays comme l’Angleterre ou encore les Pays-Bas qui ont fait ce choix l’ont très vite abandonné en raison de la catastrophe sanitaire qui en résulterait. A la lumière des orientations évoquées plus haut, le Gabon gagnerait à valoriser l’idée d’un confinement intelligent ou un confinement stratégique tout en poursuivant l’activité économique sur le principe suivant : tester confiner soigner travailler. En procédant ainsi, certes le virus circulera, mais sa circulation sera maîtrisée du fait des mesures barrières et de protection et parallèlement l’immunité de groupe se mettra progressivement en place.

Du port de masque obligatoire pour toute la population. L’usage dumasque apparaît primordial dans la lutte contre la propagation du virus. Il est à intégrer dans les gestes barrières dans la mesure où il permet de se protéger et de protéger les autres. C’est notamment ce principe qui est en vigueur dans les hôpitaux : le personnel soignant et les malades portent tous des masques pour une protection plus efficace. Il est donc urgent dans notre stratégie de lutte contre le Covid-19 d’investir très rapidement soit dans la fabrication locale et/ou dans l’importation de masques non seulement à destination du personnel hospitalier, mais également pour les malades et toute la population. Le port du masque doit pouvoir devenir obligatoire pour toute personne qui sortirait pour travailler, faire des courses, aller en pharmacie etc. Cette stratégie qui s’est avérée efficace en Asie, notamment en Corée du Sud, vient ainsi battre en brèche certaines considérations faussement répondues, particulièrement en France, sur la non-nécessité pour la population de porter des masques. D’ailleurs, la porte-parole du gouvernement a récemment affirmé qu’« il était totalement contre-productif pour la population de porter un masque ». En effet, pendant près de trois mois, le gouvernement français à véhiculé cet argument de façade, mais qui reposait, en réalité, sur une pénurie inavouée de masques en France. Cependant, l’Académie de médecine a épinglé, le 02 avril 2020, la stratégie des autorités françaises en précisant qu’ « il est établi que des personnes en période d’incubation ou en état de portage asymptomatique excrètent le virus et entretiennent la transmission de l’infection. En France, dans ce contexte, le port généralisé d’un masque par la population constituerait une addition logique aux mesures barrières actuellement en vigueur ». Cet avis qui vient s’ajouter à de nombreuses prises de position en faveur du port généralisé du masque doit pouvoir nous interpeler et renforcer notre stratégie nationale de veille et de lutte contre le Covid-19. D’ailleurs, le comité de veille vient d’annoncer par la voix de son porte-parole le Dr Guy-Patrick Obiang Ndong dans son point sur la situation, ce dimanche 12 avril, la recommandation du port généralisé du masque. Il reste cependant au gouvernement la mise à disposition suffisante, pour l’ensemble du pays, des masques. S’agissant précisément du masque à destination de la population, le gouvernement pourrait très bien, de façon stratégique, mettre l’accent sur un masque avec une durée de vie plus étirée car lavable et donc réutilisable pendant quelques jours. Ce type de masque présente un double avantage, à savoir qu’il protège tout en étant plus économique. Cette stratégie permettra de faire redémarrer l’activité économique. Le confinement dans son format actuel se révèlera, sur la durée, contre-productif et précipitera le pays dans une sévère récession économique. La population quant à elle sera de plus en plus exposée à une situation financière très critique, voire catastrophique, avec une montée en puissance de la pauvreté. La mise en confinement partiel ou total a donné lieu à la mise en arrêt de plusieurs entreprises, des auto-entrepreneurs dans bien de secteurs. Même si il faut noter et saluer les différentes mesures prises par le président et le gouvernement afin d’atténuer les effets de ce ralentissement de l’activité économique, cette situation ne peut être tenable plusieurs mois. C’est pourquoi, l’idée d’un confinement intelligent et ciblé apparaît beaucoup plus pratique car il donne la possibilité aux personnes non contaminées et celles ayant développé de reprendre de reprendre l’activité en respectant strictement les mesures barrières élargies au port obligatoire du masque. Dans cet ordre d’idée, le gouvernement veillera au respect dans les différents services, administrations de l’état et dans les entreprises et centres commerciaux, des mesures barrières avec entre autres, la présence obligatoire du gel hydroalcoolique à disposition des usagers et le port obligatoire du masque.

Pour ne pas conclure.

Cette analyse stratégique visait à interroger l’idée répandue du confinement et les différents éléments essentiels dans notre riposte nationale contre le Covid-19. S’agissant du confinement, tout en réaffirmant sa nécessité pour éviter une propagation à grande vitesse du virus, son étirement sur une longue période n’est pas à valoriser. Ainsi, sommes-nous favorable pour un confinement de deux mois pendant lesquels, le gouvernement travaillera à l’acquisition de tous les outils nécessaires pour un déconfinement et une reprise de l’activité, en même temps qu’une gestion en continue de l’épidémie. En clair, ces deux mois de confinement que nous souhaitons vivement nous permettra :

d’acquérir massivement les outils de diagnostic pour tester régulièrement la population à domicile et dans les centres dédiés au Covid-19.
d’acquérir plusieurs millions de masques en vue du port généralisé et obligatoire. La commande de cinq millions de masques telle qu’annoncée par le gouvernement ne saurait être une acquisition suffisante, mais devra inéluctablement être renouvelée.
d’acquérir suffisamment de matériels de désinfection chaque semaine des bureaux, administrations, entreprises super marchés et non plus simplement lorsqu’un cas a été testé positif au Covi-19 dans un service.
la prise systématique de la température frontale à l’entrée des centres commerciaux, des administrations, des hôpitaux, des entreprises etc.
La présente analyse relève d’un profond intérêt portée au Covid-19 dès sa déclaration officielle en Chine et d’une lecture attentive des différentes stratégies mises en œuvre ça et là dans le monde.Elle met aussi en lumière le patriotisme qui doit pouvoir animer les intellectuels gabonais dans l’apport de pistes, d’analyses pouvant nourrir la politique stratégique nationale de lutte contre le Covid-19, notre ennemi commun.

Jean Steiner Koumba

Docteur en Lettres
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