Youmou Potta: «c’est une moquerie de parler d’enseignement à distance égalitaire»

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Publié le mardi 31 mars 2020 | GabonMediaTime.com

© AFP par STEVE JORDAN
Une salle de classe vide à Libreville, Gabon

La communication du ministre de l’Education nationale Patrick Mouguiama Daouda le dimanche 29 mars dernier annonçant la volonté du gouvernement de mettre en place un système d’enseignement à distance égalitaire, utilisant différents canaux de diffusion moderne n’aura pas été du goût de tout le monde. Dans une tribune rendu public ce lundi 30 mars 2020 un citoyen gabonais interpelle le membre du gouvernement sur ce qu’il qualifie de « plaisanteries ». In extenso ledit libre propos.

« Épître au Ministre de l’Education nationale

Objet: Demande de l’arrêt de certaines plaisanteries.

Monsieur le Ministre,

J’ai l’honneur de venir très respectueusement auprès de votre clémence vous implorer d’arrêter de faire certaines plaisanteries qui pourraient accentuer la colère coronaire sur notre pays.

En effet, Monsieur le Ministre, dans votre communication du Dimanche 29 Mars 2020 sur les antennes de la première chaîne télévisée du grand parti de la main, vous avez déclaré, je cite: C’est dans cette optique que l’UNESCO et l’OIF avec ses structures spécialisées nous accompagneront pour garantir un système d’enseignement à distance égalitaire, utilisant différents canaux de diffusion. Car nous voulons prendre en compte TOUS LES ÉLÈVES QUEL QUE SOIT LEUR LIEU DE RÉSIDENCE SUR L’ENSEMBLE DU TERRITOIRE. C’est donc suite à cette déclaration métahumaine qu’avec tout le respect dû à votre éminence, je vous loue d’éviter cette sorte de balourdise qui pourrait horripiler de plus en plus le Covid-19.

Excellence Monsieur le Ministre, je suis convaincu que votre méconnaissance de la carte scolaire et du vrai graphique du développement du Gabon n’a d’égale que l’inefficacité et l’inutilité de l’UNESCO et de l’OIF dans l’amélioration du système éducatif gabonais.

C’est une moquerie de parler d’enseignement à distance égalitaire à des apprenants qui n’ont jamais connu l’électricité et ne peuvent pas se représenter la forme réelle d’un bâtiment scolaire. Organiser une visite à Cocomacala et à Thol et nous vous mettrons en prière pour que la providence vous mette sur la bonne route.

C’est plus qu’un crime de parler d’enseignement à distance égalitaire quand la craie est une denrée rare dans de milliers d’écoles. Il me sera d’aucun intérêt de vous demander si seulement vous savez dans quel purgatoire apprennent les bambins de Dibotinefata et Lebaladouba.

C’est une insulte républicaine de parler d’enseignement à distance égalitaire à des enfants qui n’ont jamais touché un livre étant établi que les bibliothèques scolaires n’existent que dans l’imaginaire fantasmagorique des génies de la Task-Force sur l’éducation.

Sans contredit, cela plaît à la modernité quand on parle d’enseignement à distance égalitaire, mais je vous invite à interroger les statistiques sur le nombre de familles gabonaises possédant une tablette électronique ou un ordinateur et une connexion internet via wifi, vous réaliserez que votre confession est capable de faire toussoter un cadavre. En ces temps de confinement antiviral, je me demande toujours comment votre Excellence fera-t-il pour connecter les élèves dans les lacs du Moyen-Ogooué.

Monsieur le Ministre, sans être un prophète du pessimisme, je sais que votre proposition avant-gardiste est réalisable dans un futur kafkaïen, mais, pour l’urgence et la vérité, le système éducatif gabonais a besoin des bases simples mais solides: des enseignants en quantité suffisante et de meilleure qualité et surtout bien rémunérés, des infrastructures modernes complets et du matériel pédagogique et didactique adéquat. Car il est amusant de vouloir dispenser des enseignements virtuels égalitaires alors que les enseignements classiques de base sont vilainement inéquitables voire inexistants.

Dans l’attente de la réalisation de votre projet, je vous prie, Monsieur le Ministre, de bien vouloir agréer l’expression de ma profonde gratitude.

Youmou Potta. »

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