Samedi 21 mars, le chef de l’Etat gabonais, Ali Bongo Ondimba, à de nouveau pris la parole pour durcir les mesures barrières prises pour ralentir la circulation du coronavirus dans le pays. « À compter du dimanche 22 mars et jusqu’à nouvel ordre, tous les déplacements sur l’ensemble du territoire national entre 19H30 et 6h du matin sont désormais interdits, sauf indication contraire », a déclaré le numéro un gabonais, très actif dans la riposte face au Covid-19. La stratégie gabonaise, basée à la fois sur la réactivité, la progressivité et l’exhaustivité, est considérée comme exemplaire par les autorités sanitaires mondiales et pris en exemple ailleurs sur le continent. Elle a jusque-là permis de contenir la propagation de ce virus, parti de Chine en décembre dernier. En voici les fondamentaux.
Réactivité : agir aussitôt la survenue d’un élément nouveau
Contrairement à d’autres, les autorités gabonaises n’ont pas tergiversé. Déjà, la riposte face au Covid-19 a été préparée dès le mois de janvier, soit près de deux mois avant l’apparition du premier cas testé Covid-positif dans le pays, avec des réunions régulières des autorités sanitaires qui ont mis en place un dispositif de veille.
Ce temps-là, les autorités gabonaises l’ont mis à profit pour renforcer les capacités hospitalières du pays, accélérer la formation des personnels soignants et affiner la stratégie de riposte à déployer le moment venu, en particulier les fameuses mesures barrières.
Enfin, dès qu’elles ont été confrontées au virus, les autorités gabonaises ont aussitôt réagi. Au lendemain de l’apparition du premier cas testé positif au Covid-19 dans la sous-région (au Cameroun en l’occurrence), la frontière a été fermée. Le jour de l’apparition du premier cas dans le pays, les mesures barrières ont été durcies et l’ont été davantage au fur et à mesure de la diffusion de l’épidémie. Hier, samedi, suite à la détection d’un cinquième cas, le chef de l’Etat gabonais, Ali Bongo Ondimba, a décidé de confiner partiellement le pays.
En outre, à chaque détection d’un cas testé positif, les autorités gabonaises ont suivi un protocole strict : mise en place d’un numéro vert (le 1410) pour signaler les cas, ce qui évite de se rendre à l’hôpital et prévient ainsi le risque d’une contamination intra-hospitalière à très large échelle (le danger majeur) ; prise en charge des cas suspects par les autorités avec analyse par le CIRMF (l’un des rares laboratoires de type P4 en Afrique) et prise en charge, si ceux-ci sont positifs, par l’Hôpital d’instruction des armées Omar Bongo Ondimba à Akanda. Par surcroît, les personnes avec lesquelles ces cas positifs ont été en contact sont aussitôt tracées, identifiées et confinées dans des espaces dédiés et sécurisés. Un hôtel (le Ré-Ndama) a même été réquisitionné à cette fin.
Progressivité : adapter les mesures barrières à la menace
Face au Covid-19, les épidémiologistes sont catégoriques. S’il faut frapper vite et fort, il faut également agir de manière progressive, c’est à dire en fonction de l’état de la menace. « Agir de manière trop anticipée ne servirait à rien car cela n’aurait aucun effet sur le plan sanitaire et risquerait en revanche de déstabiliser très fortement l’économie. On épuiserait pour rien les munitions et au moment où la crise surviendrait véritablement, on serait totalement démuni, sans armes », explique un scientifique chinois dans la revue médicale de référence The Lancet.
C’est exactement la stratégie suivie par les autorités gabonaises qui ont durci progressivement, on l’a dit, les mesures barrières, au fur et à mesure de l’avancée du virus : prise de température par thermoflash à l’aéroport, fermeture de la frontière avec le Cameroun, puis de l’ensemble des frontières terrestres, mise en quarantaine des bateaux en provenance des pays touchés, fermeture des écoles, des établissements de type bar, boîte de nuit, etc. jusqu’au confinement partiel annoncé hier… toutes ces mesures ont été prises de manière graduée et sont justifiées par la situation sanitaire à l’instant T.
Exhaustivité : veiller à la sécurité sanitaire, mais aussi alimentaire et économique
Afin d’éviter d’ajouter de la crise à la crise, les autorités gabonaises ont, très tôt, pris des dispositions afin de sécuriser l’approvisionnement en denrées alimentaires dans le pays. Les commerces et les marchés sont régulièrement fournis comme en temps normal. « Il n’y aura aucune pénurie », assure-t-on du côté des autorités (lire notre article).
Dans le même esprit, celles-ci réfléchissent à des mesures stabilisatrices pour compenser les effets de cette crise sanitaire sur l’économie. D’autant qu’à l’impact provoqué par le Covid-19 au niveau mondial, c’est ajouté une crise pétrolière sous fond de guerre entre la Russie, l’Arabie Saoudite et les Etats-Unis. Trois acteurs majeurs qui semblent toutefois résolus à régler leurs différends, ce qui devrait entraîner dans les prochains jours et les prochaines semaines un relèvement du prix du baril (lire notre article).
Enfin, les autorités gabonaises ont cette semaine ajouté une riposte industrielle face à ce qui est considéré comme une pandémie au niveau mondial. Désormais, le Gabon produira sur son sol du gel hydro-alcoolique, l’un des moyens les plus efficaces pour ralentir la circulation du virus (lire notre article).
Transparence : communiquer quotidiennement pour lutter contre les fausses informations
Ces fameuses fake news qui se propagent sur les réseaux sociaux et finissent par créer la psychose. Afin d’y parer, les autorités sanitaires gabonaises ont instauré un point d’information quotidien, complet, précis et actualisé sur l’évolution de la présence de coronavirus (Covid-19). Celui-ci est fait chaque jour en fin d’après-midi par le Dr Guy-Patrick Obiang Ndong, secrétaire général du ministère de la Santé, à la tête du Comité de pilotage du plan de veille et de riposte contre l’épidémie à Coronavirus au Gabon. Un exercice de transparence, rare en Afrique, qui permet de dissiper les fausses informations et faire pièce des commentaires malveillants et irresponsables qui pullulent sur les réseaux sociaux.
Preuve de leur réactivité et de leur volonté de transparence, ce vendredi, deux heures seulement après la constatation clinique du premier décès en lien avec le Covid-19, le Dr Guy-Patrick Obiang Ndong a tenu un point de presse expliquant avec force détails les causes de celui-ci (lire notre article).
Un pilotage au plus haut niveau : Ali Bongo Ondimba aux premières loges
Depuis l’anticipation il y a deux mois d’une arrivée probable du Covid-19 dans le pays, le chef de l’Etat a pris la tête de la riposte, multipliant les réunions sur le sujet (conseils présidentiels, conseils des ministres, réunions informelles physiques ou téléphoniques), arbitrant le choix des mesures barrières à mettre en oeuvre et à durcir et prenant abondamment la parole pour s’adresser directement à ses concitoyens, sur les réseaux sociaux mais surtout à la télévision (il l’a fait à deux reprises cette semaine). Avec, à l’esprit, toujours la même ligne directrice : ni dramatiser, ni minimiser.
Résultat, si le Gabon regarde aujourd’hui vers l’Asie pour perfectionner sa stratégie de riposte face au Covid-19, l’Afrique a désormais le regard tourné vers le Gabon, considéré en la matière comme un modèle à suivre.