Les avocats du Barreau du Gabon se sont prononcés, le 12 février, sur la sortie du procureur de la République du 7 février, mettant «fermement en garde toutes les personnes, y compris les avocats des personnes incarcérées, quant aux dérives actuellement observées et à la diffusion d’informations mensongères dans le but de créer l’émoi au sein de la population et de ternir l’image de la Justice et des services pénitentiaires». Ils menacent de ne plus participer aux sessions criminelles.
Depuis la dernière sortie du procureur de la République rendant public un communiqué du ministre de la Justice, le climat est tendu entre le parquet et les avocats. Le Barreau du Gabon a menacé, le 12 février, par la voix du président de l’ordre des avocats, Me Lubin Ntoutoume, de suspendre ses activités pour les prochaines sessions criminelles si le parquet n’ouvre pas une enquête complémentaire relative aux agressions à la prison centrale de Libreville.
En effet, les avocats respectifs de l’ex-administrateur directeur général de Gabon Oil Compagnie (GOC), Christian Patrichi Tanasa, et de l’ex-ministre des Transports, Justin Ndoundangoye, placés fin novembre et mi-décembre sous mandat de dépôt à la prison centrale de Libreville, avaient dénoncé des actes de torture dont auraient été victimes leurs clients.
En réaction, le ministère de la Justice, par la voix du procureur, a démenti ces accusations en mettant en garde tout le monde, y compris les avocats contre «la diffusion d’informations mensongères». Il n’en fallait pas plus pour provoquer le courroux de ces derniers, d’autant plus que cette déclaration a été perçue comme une menace du ministère de la Justice à leur égard.
En réponse, Me Lubin Ntoutoume a déclaré que «le Barreau du Gabon a été particulièrement choqué par de tels propos». Si le Barreau du Gabon a félicité le ministère de la Justice pour son engagement ferme «à veiller à la sécurité et à l’intégrité physique de tous les détenus», il n’en demeure pas moins que ce sont «des propos tendant à qualifier publiquement de mensongères des procédures régulièrement engagées par des avocats sont purement et simplement inacceptables, et que l’avocat ne saurait être assimilé ou confondu à la cause qu’il défend».
Par ailleurs, les avocats se demandent en quoi la saisine du ministre de la Justice par des avocats en vue de clarifier des faits portés à leur connaissance par leurs clients peut-elle être assimilée à «la diffusion d’informations mensongères et à la volonté de ternir l’image de la justice». Ils affirment haut et fort qu’ «aucune menace ni aucune pression ne seront suffisantes pour [les] censurer ou [les] neutraliser».
Le Conseil de l’Ordre relève également que «les mesures qui ont été diligentées par le ministère public pour traiter des plaintes en dénonciation de tortures à savoir : examens médicaux, enquêtes au sein de la détention, audition des détenus concernés, rapport au ministre de la Justice, n’ont pas été menées en présence de la défense». Ce qui leur fait dire qu’«elles n’auront pas été conduites conformément au principe du contradictoire ; principe pourtant fondamental à même de garantir l’objectivité des conclusions auxquelles semble être parvenu le Ministère public en un temps exceptionnellement court».
En réaffirmant son attachement à la lutte pour la protection des droits de la défense, le Barreau du Gabon a indiqué qu’il «ne gardera jamais le silence ni ne se rendra complice de toute manœuvre contraire à la loi». «Au regard de tout ce qui précède, et compte tenu de la gravité et de la recrudescence des actes dénoncés, contraires à la Déclaration universelle des Droits de l’Homme, consacrée par la Constitution de la République gabonaise, le Barreau du Gabon demande l’ouverture d’une enquête complémentaire. À défaut, il envisagerait de suspendre la participation des avocats aux sessions criminelles à venir». Une menace qui tombe sous le sens, assurent les avocats gabonais.