Porté récemment à la tête du mouvement “Tournons la page International”, dont il est un des représentants au Gabon, Marc Ona Essangui revient avec Gabonreview sur les raisons de la confiance placée en lui par ses collègues coordonnateurs et sur les chantiers qu’il entend poursuivre en vue de l’alternance démocratique en Afrique. Le Gabonais qui bénéficie de 2 ans pour imposer sa marque ne manque pas d’aborder la situation politique dans son pays qui, comme dans d’autres pays du continent, laisse craindre une escalade, surtout avec les ennuis de santé qu’a connus Ali Bongo.
Gabonreview : Vous venez d’être porté à la tête du mouvement “Tournons la page International” pour un mandat de deux ans. Qu’est-ce qui, selon vous, a fait que ce choix soit porté sur votre personne ?
Marc Ona Essangui : Le choix sur ma sur ma personne à l’unanimité par mes collègues coordonnateurs à l’issue de la réunion du comité de pilotage du 27 au 30 janvier 2020 à Bruxelles a été motivé par ma longue expérience dans la lutte pour le respect des valeurs démocratiques dans mon pays le Gabon et l’Afrique en général. Souvenez-vous quand nous lancions cette initiative à Paris en 2014, le slogan retenu était aussi simple que très évocateur : «Pas de démocratie sans alternance ». Tout un programme.
Nous sommes convaincus, au sein de notre organisation internationale que le mal de notre continent, du moins pour beaucoup de pays de la sphère francophone surtout, ce sont les modifications constitutionnelles et les projets de successions héréditaires. Ces projets constituent un mal profond pour les démocraties, pour les populations et pour le décollage économique de l’Afrique. Des situations qui accentuent la paupérisation accrue du continent le plus riche en tout point de vue de la planète. L’essentiel des conflits enregistrés en Afrique est lié aux projets de confiscation des pouvoirs politiques par une infime minorité, juste pour accaparer des richesses du pays pour son propre besoin, quand la masse populaire croupit dans la misère et l’ignorance, manquant du minimum vital.
Il fallait prendre des initiatives pour éveiller les consciences au niveau des opinions publiques africaines pour que le pouvoir revienne au peuple qui décide du choix de ses dirigeants. C’est la raison d’être de ce qui fut une campagne internationale jusqu’à la reforme que nous venons d’opérer pour en faire une Organisation internationale au même titre que les grandes organisations comme “Publiez ce que vous Payez”, Amnesty International, etc. C’est un tournant déterminant pour atteindre les objectifs que nous nous sommes fixés depuis le début.
Quelles actions comptez-vous mener à cours, moyen et long terme pendant ces deux années ?
Mon mandat de deux ans est marqué par la définition de notre stratégie de mobilisation des opinions publiques africaines et d’ailleurs, pour une prise de conscience que seuls les Africains eux-mêmes ont la solution de leur libération de l’emprise des dictateurs et des multinationales qui écument notre continent pour l’appauvrir davantage. Je vais prendre le risque de discuter avec tout le monde à travers le continent et le monde sans tabou. Tous les projets de confiscation des pouvoirs politiques par des individus et des groupes d’individus ne sont plus les bienvenus. Il nous faut changer de paradigmes pour une Afrique maîtresse de son destin. Et les filles et les fils d’Afrique en ont les moyens. Je ne ménagerai aucun effort pour aller rencontrer les groupes en conflit à travers le continent. J’ai pour mission de faire rayonner notre organisation non seulement en Afrique, mais aussi à travers le monde. Je mettrai mon modeste carnet d’adresses à profit pour ouvrir certaines portes.
Plusieurs pays vont connaître des processus électoraux en Afrique d’ici 2022. On peut citer quelques-uns : La Cote d’Ivoire, le Togo, la Guinée, par exemple. Mais des signaux que nous commençons à percevoir ne nous rassurent pas d’un processus apaisé. Nous devons agir maintenant avant qu’il ne soit trop tard. Nous savons que la gestion du chaos devient le mode opératoire de certains lobbies. Ayons l’intelligence de ne plus céder aux sons des sirènes de la mort.
Nous savons que le climat politique commence à se détériorer dans beaucoup de pays du continent à l’approche des élections. Ce qui se passe en ce moment en Guinée nous préoccupe. La Côte d’Ivoire ne présente pas non plus des signes qui rassurent avec l’épisode Guillaume Soro. Pourquoi faudrait-il à chaque fois que le sang coule en Afrique pour désigner nos dirigeants ? Nous devons arrêter ce cycle de violence lié aux choix des dirigeants dans nos pays africains. Notre organisation, avec les moyens non violents, se donne les moyens sous mon mandat pour amoindrir ce qui semble être une norme mortifère. Pendant ce temps ceux qui ne voient l’avenir de l’Afrique que sous le prisme des matières premières et de toutes ses richesses se frottent les mains. Il est temps que les Africains réalisent qu’à l’allure où les conflits sont allumés pour juste le pouvoir, sans prise de conscience de notre place dans le concert des Nations, ce continent aux énormes potentialités en ressources humaines risque de se retrouver complètement démuni.
Votre analyse sur la situation au Gabon…
Le Gabon, mon pays, ne présente pas non plus de signes qui rassurent, surtout depuis la maladie d’Ali Bongo Ondimba. Les manœuvres que les plus avisés redoutent au sommet de l’État et que le commun des Gabonais commence à apercevoir inquiètent la population. Après le drame postélectoral de 2016, nous devons dire : «Plus jamais ça !» et œuvrer dans tous les bords politiques, religieux, etc., pour que le Gabon ne se transforme plus en champ de bataille comme en 2016. Personne n’a intérêt à ce que nous revivions ces moments les plus sombres de notre vie politique. Les adeptes de la politique de la terre brûlée sont donc avertis. Cette fois-ci le peuple ne saura pardonner ceux-là qui sèment la mort sur le territoire.