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Jean Ping : «l’année 2019 s’achève dans le chaos»
Publié le mercredi 1 janvier 2020  |  Gabon Media Time
Jean
© Autre presse par DR
Jean Ping, le samedi 3 novembre 2018, à sa résidence des Charbonnages (Libreville).
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Comme à son habitude depuis décembre 2016, le leader de la Coalition pour la nouvelle République Jean Ping, s’est adressé à ses compatriotes à l’occasion de la Saint Sylvestre. Le candidat unique de l’opposition lors de la présidentielle d’août 2016, qui continue de revendiquer sa victoire face à Ali Bongo Ondimba a dépeint une année chaotique ponctuée par une « crise multidimensionnelle, commencée il y a trois ans », avant de présenter aux Gabonaises et aux Gabonais ses voeux dans la posture de « président élu ». Ci-dessous l’intégralité de son discours.

« Mes chers compatriotes

L’année 2019 s’achève, je sais qu’elle fut encore difficile, voire insupportable pour la majorité d’entre nous. La crise multidimensionnelle, commencée il y a trois ans, n’a pas fini de faire sentir ses effets et nombreux sont ceux qui ont perdu tout espoir de lendemains meilleurs, avec le sentiment que notre pays vient encore de perdre une année de trop. Ce qui n’a fait qu’exacerber l’impuissance ressentie par de nombreux Gabonais qui ne sont en rien responsables de cette crise.

Plus de trois ans en effet, après les débuts de notre lutte pour la vérité des urnes, l’alternance et la libération, l’année 2019 qui s’achève, laissera aux Gabonais le souvenir d’une épreuve collective plus destructrice, plus meurtrière que jamais.

Mes chers compatriotes,

Au fil de ces trois années écoulées, notre prise de conscience commune s’est raffermie, face à une dictature, plus isolée que jamais et aux abois. Au moment de ces vœux, la justesse de votre vision est confortée plus que vous ne le pensiez en décidant en 2016, d’engager le Gabon sur la voie de l’alternance et de la fin du régime monarchique BONGO- PDG.

Oui vous avez vu juste dans le vote que vous avez exprimé en 2016. Oui, au vu de la dégradation continue de l’État et de la déliquescence sans précédent de notre société, vous avez eu raison de penser que la rupture était devenue vitale pour notre pays.

Oui, au vu du durcissement et du cynisme sans limites de la dictature sanguinaire d’un usurpateur, vous avez eu raison de penser qu’il était temps d’en finir, avec ce régime fondé sur la répression. Oui, au vu de la misère grandissante et de la faillite généralisée de la gouvernance politique, économique et sociale, vous avez eu raison de faire le choix de sauver le Gabon.

Mes chers compatriotes,

Pour ma part, fort du mandat que vous m’avez confié à travers la force de l’adhésion de plus de 65% des électeurs, j’ai décidé de privilégier notre destin commun et l’intérêt supérieur de la Nation.

J’ai été élu par vous. J’ai été élu pour vous. J’ai été élu sur le serment, la promesse de vous servir. J’ai été élu pour traduire votre pressante et légitime attente de changement, sinon de rupture. Pour chacun d’entre vous une seule vérité demeure : j’ai été élu. Je suis le Président élu. Et le monde entier le sait.

Mes chers compatriotes,

Il est vrai que l’élite ou une certaine classe politique a pris, depuis plus de 20 ans, l’habitude de céder. J’ai clairement exprimé devant vous, ma ferme volonté de mettre un terme à cette fâcheuse attitude de la classe dirigeante, et de tenir les engagements vis-à-vis du peuple gabonais. Pendant plus de 20 ans, le peuple gabonais a voté. Après le vote, suivait la répression aveugle et les massacres, par ceux qui avaient perdu les élections.

Puis suivait, au mépris du vote du peuple gabonais, une phase de concertation de la classe politique qui se concluait par la distribution des postes. Et on recommençait sans fin le même spectacle. Mon engagement devant vous a été clair. J’ai décidé de mettre un terme à ce cercle vicieux. Le Gabon ne rentrera pas dans la modernité de ce 21ème siècle à reculons.

Mes chers compatriotes,

La vision que vous avez exprimée le 27 août 2016, est aussi la mienne : celui qui a remporté les élections doit gouverner. Celui qui a remporté les élections, doit gouverner. C’est dans cet esprit de rejet constant de ma part, des arrangements d’arrière- boutique, que je suis resté fidèle à la défense du choix exprimé par le peuple gabonais, à l’issue des élections du 27 août 2016. C’est pourquoi, je dis et redis que la noblesse d’avoir été élu par le peuple gabonais, à ce moment précis de l’histoire de notre pays, ne tient pas, chez moi, au désir d’accéder à un poste, mais plutôt de régler un problème lancinant.

Ce qui est noble dans ma vision, c’est qu’en me faisant élire en 2016, il m’incombe la lourde mission de résoudre ce problème majeur pour mon pays. Pour notre cher pays. Ce problème, c’est de voir le Gabon enfin dirigé dans le respect du choix fait par les Gabonaises et les Gabonais et sortir de la dictature. Je ne cherche pas de poste. Le Gabon est en quête d’une solution qui engage son avenir et le destin de tout un peuple.

Je suis un des fils du Gabon à qui son pays a tout donné. Et en tant que fils du Gabon, j’ai le devoir de rendre à ce beau pays ce qu’il m’a donné. Devant l’histoire, c’est mon honneur d’être partie prenante à la recherche de cette solution. Élu par le peuple gabonais le 27 août 2016, j’incarne le Gabon en quête de son destin. Il ne peut en être autrement, dans l’esprit de la Constitution de 1991, quand notre peuple élit un Président de la République. Hors de ce principe, que de temps perdu ! Que de temps perdu, notamment durant les trois dernières années !

Peuple Gabonais,

Ces trois dernières années, ce n’est pas une simple crise, ou une crise sectorielle, que le Gabon a affronté, comme cela a pu être le cas dans l’histoire de notre pays. Depuis le coup d’Etat militaro-électoral, il s’agit à la fois d’une crise économique, et d’une crise sociale. Il s’agit d’une crise financière et d’une crise de l’endettement. Il s’agit d’une crise des droits de l’Homme et d’une crise des valeurs. J’ai ici, parlant des droits de l’Homme et de la valeur attachée à la dignité humaine, une pensée qui m’habite, à l’endroit des prisonniers politiques.

Dans le prolongement de cette crise, le chaos qui frappe nos institutions, achève de montrer à quel point l’État gabonais est en péril, tant que ce régime usurpateur poursuivra son œuvre de simulacre et de folie destructrice. Ces trois dernières années resteront marquées par un processus de destruction accélérée de l’État. En 2019, nous avons franchi toutes les limites du théâtre et du sordide, de l’imposture et de la haute trahison. Le premier acte marquant la confusion, la succession des mises en scène et des règlements de compte est l’affaire de la curieuse tentative du coup d’état du 9 janvier 2019 du Lieutenant Kelly Ondo.

C’est un autre fait tout aussi sombre, le prétendu piratage qui a coûté la vie au jeune officier de la marine marchande, le commandant Aymard Mbina, qui clôture l’année 2019. Je salue ici sa mémoire et présente mes condoléances à sa famille. Entre ces deux dates, l’imposture s’est installée au sommet de l’État avec une succession d’apprentis-sorciers, profitant de l’incapacité avérée de M. Ali BONGO, et candidats pour occuper la place de l’usurpateur.

Dans ce contexte, montent les bruits de bottes indiquant des tiraillements dans les coulisses, au sein de certaines unités, ou entre des officiers supérieurs, de nos forces de sécurité. Ceux à qui profitent les crimes sont tapis dans l’ombre. En manipulant ainsi les institutions, ils mettent en péril l’État. Ils mettent en péril le Gabon, notre patrimoine commun. Est-ce utile de le rappeler ici ? Tout va à vau-l’eau. Nos routes, nos écoles, nos hôpitaux sont dans un délabrement qui reflète la situation d’un État en ruine et d’une société vidée de son âme et de ses ressources, appauvrie et abîmée.

L’année 2019 s’achève dans le chaos. Et comme la précédente, elle ne nous laissera que des souvenirs de tristesse, de souffrance, de honte et d’abandon. Nous n’avons pas d’autre solution que de poursuivre sans relâche, le combat pour sauver le Gabon et le faire aboutir à court terme.

Mes chers compatriotes,

Le Gabon est certes, par terre, mais le Gabon est loin d’être fini. En tant que peuple, nous sommes souillés de honte par le comportement d’un groupuscule, incompétent, irresponsable et cynique, mais nous restons habités par le sursaut de dignité et de patriotisme. Ceux qui pillent et assassinent, nous croient aveugles, mais l’ennemi sait que nous l’avons identifié et nommé. Sylvia BONGO VALENTIN, qui manipule plus que tout autre l’incapacité de M. Ali BONGO, sait, comme ceux qui restent à son service, que le peuple gabonais suit désormais son entreprise de monarchisation et de chosification de l’État. Ses faits et méfaits n’échappent plus à personne, en premier lieu aux femmes gabonaises qu’elle croit abuser, en se servant des deniers publics, de notre argent et de nos impôts. Pendant ce temps les mères gabonaises accouchent à même le sol.

Mes chers compatriotes,

Dans les conditions actuelles de notre chère patrie, il n’y a pas d’année qui passe ; il n’y a pas d’année nouvelle. Pour l’ensemble du peuple gabonais, en rupture avec le régime BONGO-PDG et exclu par cette mafia sanguinaire qui ne se concentre plus que sur le pillage et les massacres, le temps est suspendu. Le temps est suspendu aussi longtemps que ne s’ouvre pas pour le Gabon, une solution, non pas partielle, mais déterminante et globale. Une solution qui doit correspondre fondamentalement, à la fin de l’usurpation du pouvoir, au nom de la vérité des urnes.

L’incapacité de M. Ali BONGO, la fin de l’usurpation du pouvoir commandent la déclaration de la vacance de pouvoir, pour remettre l’État sur ses fondations. Une réponse globale de nature à garantir, au peuple gabonais, la prise en compte de l’état général de son dénuement et de ses besoins actuels. Une réponse globale qui garantit le rétablissement de la plénitude du fonctionnement de l’État et de ses administrations, au service des citoyens, du redressement du secteur productif et du retour de la société à une vie normale.

Chers compatriotes,

J’ai déjà dit en quoi consiste la solution attendue par le peuple gabonais. L’année 2020 ne répondra à nos espoirs que si nous mettons fin à l’imposture. C’est cette imposture qui est à l’origine des souffrances qu’endure depuis trois ans le peuple gabonais prisonnier d’une dictature et d’un univers impitoyable où seul compte, le jeu des intérêts. Je pense qu’il n’y a nul espoir ailleurs, que dans le combat que nous menons ensemble et dans la voie que j’ai choisie, d’être le leader déterminé d’un peuple qui se tient debout. Cette voie est celle d’un leadership assuré par un de vos enfants, moi Jean PING, fidèle au serment devant les vivants et les morts, de ne pas trahir les mânes de nos ancêtres et notre peuple.

Chers compatriotes,

Dans ce chemin que je suis avec vous, depuis plus de trois ans, les grands principes devenus sacrés, du Droit International, sont de notre côté, comme la communauté internationale à qui je m’adresse, par la langue diplomatique qui nous est commune. Je tiens à rappeler à cet instant, un principe sur lequel j’ai eu l’honneur de travailler quand j’étais en 2005 Président de l’Assemblée Générale des Nations-Unies, le principe de la Responsabilité de Protéger.

Je dis bien le Principe de la Responsabilité de protéger. En plus du rapport de force intelligent que le peuple gabonais assume depuis plus de trois ans, la gravité de la situation du moment m’amène à interpeler encore une fois la Communauté internationale, au nom de ce principe. La Communauté internationale ne doit plus se réfugier derrière la Souveraineté du Gabon pour laisser faire. Dois-je rappeler que le principe de la Responsabilité de Protéger est justement né pour battre en brèche le prétexte de la souveraineté nationale ?

Prétexte trop souvent évoqué par les Gouvernants pour massacrer à huis clos, à l’abri de la Communauté internationale, leurs propres populations impuissantes. J’en appelle donc à ce principe de droit international pour que nos partenaires à l’international n’attendent pas d’abord de voir le Gabon à feu et à sang. Quand la violence aveugle s’installe, quand la guerre civile éclate, elle n’épargne personne, ni les nationaux, ni les communautés étrangères qui trouvent au Gabon, un havre de paix.

Je voudrais rappeler pour mémoire que le principe de la Responsabilité de Protéger repose sur trois piliers :

1) la responsabilité de chaque État de protéger ses populations ;

2) la responsabilité de la communauté internationale d’aider les États à protéger leur population ;

3) la responsabilité de la communauté internationale de protéger lorsque, manifestement, un État n’assure pas la protection de sa population.

La violence aveugle que le coup d’Etat militaro-électoral a exercée à mon QG, les tueries dans la capitale Libreville et d’autres villes du pays, ont bien montré à quel point cette protection a été violée par le régime usurpateur. Le pouvoir usurpateur n’a pas hésité à retourner les forces de sécurité républicaines, contre des populations gabonaises désarmées. Cette fin d’année, que dis-je, cette fin de cycle, m’offre l’opportunité d’interpeller solennellement la communauté internationale.

La communauté internationale doit enfin comprendre l’impérieuse nécessité de prendre plus que jamais sa part de responsabilité. L’impérieuse nécessité de protéger le peuple gabonais des violences de ceux qui, à tort, pensent que le pouvoir leur appartient et qu’ils peuvent tout se permettre. Dans ce concert international, la France, partenaire assigné à un rôle clé, du fait de l’histoire, est incontournable.

Chers compatriotes,

Dans l’esprit de mes deux Déclarations du 12 octobre et du 10 décembre derniers, je n’ai pas d’urgence plus grande que celle de l’aboutissement de la patiente action que je mène, dans l’esprit du Plan que j’ai exposé dans ces Déclarations. Cette urgence c’est celle de la fin de l’usurpation et du respect de la vérité des urnes. Que celui qui a remporté les élections gouverne.

Chers compatriotes,

Habités comme vous l’êtes, par cette détermination, vous pouvez vous prêter, malgré la misère et la tristesse dans les cœurs, à la tradition de la fête de fin et de début d’année, parce qu’en vous, vit la flamme de la libération. Pour ma part, si je me dois de vous souhaiter des vœux, un seul compte, plus que d’autres, car il commande tout. C’est le vœu de la libération, au terme de cette lutte menée depuis plus de trois ans. Telle est la perspective la plus porteuse d’avenir, la perspective de la libération. Vous avez tout vécu des privations et des humiliations, sans jamais perdre l’objectif d’ouvrir les portes de l’alternance et de la libération. À la place qui est la mienne, je m’adresse à la fois aux plus déterminés de notre peuple, à ceux qui sont résignés et à ceux qui n’y croient plus du tout.

À tous, je tiens à dire que, après les trois ans qui viennent de s’écouler, nous restons dans le temps qui rappelle la durée de la gestation de la République, la 1ère République. La 1ère République, née en France, au bout de trois longues années, au cœur de la Révolution française, avant de servir de modèle à travers le monde. Avec l’avènement de la libération, nous aurons tenu, ni plus ni moins, le temps nécessaire à la naissance de la Nouvelle République.

Il est temps. Le temps est venu. Que celui qui a remporté les élections gouverne, assurant avec sa légitimité, l’adhésion aux sacrifices du redressement du Gabon ; la réconciliation et une nouvelle ère de prospérité. À l’abri du besoin. À l’abri de la peur. Fier de notre concorde dans la lutte, je partage avec vous la confiance dans l’avenir que nous construisons ensemble depuis 2016. Je veux vous adresser mes vœux, mes vœux de bonheur les plus sincères et les plus chaleureux pour cette année 2020, dans l’essor de la félicité. J’ai une pensée particulière pour ceux qui sont dans la peine et le désarroi, dans la solitude et la désolation ; pour les prisonniers politiques, les personnes endeuillées, les malades, les veuves et les orphelins.

Mes chers concitoyens, vive la République ! Et vive le Gabon !

Libreville, le 31 décembre 2019 ».

Jean Ping.
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