Tout au long de l’année finissante, la vie publique a été dominée par le débat sur l’état de santé d’Ali Bongo. En ce début d’année, la préoccupation essentielle des populations est d’ordre politique, juridique et institutionnel.
Dans quelques heures, nous entrerons dans l’année 2020. Au vu des difficultés rencontrées en 2019, chacun peut formuler des vœux. Tout au long de l’année finissante, la vie publique a été dominée par le débat sur l’état de santé du président de la République, victime d’un accident vasculaire-cérébral (AVC) le 24 octobre 2018 à Riyad en Arabie saoudite. En vain, l’opposition a exigé la constatation de la vacance du pouvoir. Le collectif Appel à agir a demandé une expertise médicale. Au sein de l’opinion, les hypothèses les plus farfelues ont circulé, d’aucuns en arrivant même à parler de l’existence d’un sosie. Dans ce contexte, les institutions ont rivalisé de couardise : n’ayant jamais pris attache avec les autorités saoudiennes, le gouvernement s’est laissé débordé par le cabinet présidentiel ; faisant mine de n’avoir aucune responsabilité dans la gestion de cette situation, le Parlement s’est enfermé dans un mutisme inquiétant ; jouant les supplétifs de l’exécutif, la justice s’est laissée entraîner dans une querelles de chiffonniers mettant en scène la Cour de cassation et la cour d’appel de Libreville.
Revenir à l’esprit de nos institutions
Pendant ce temps, l’ordonnancement institutionnel prévu par la Constitution a été mis de côté, la réalité du pouvoir exécutif se retrouvant entre les mains de personnalités non élues. Effectivement, dès après les événements de Riyad, nos confrères de la Lettre du continent ont parlé d’un triumvirat pour «assurer l’intérim.» Composé de la présidente de la Cour constitutionnelle, du directeur général des services spéciaux de la présidence de la République et du directeur de cabinet du président de la République, cette équipe comprenait une magistrate, un gendarme et un simple contractuel de l’Etat. Eloquent à souhait ! Entre intrigues de cour et luttes de clans, on a assisté à une prise en otage de l’appareil d’Etat par des personnalités inconnues de la loi fondamentale. Si le rôle et l’influence du directeur de cabinet ont nourri tant de fantasmes, d’aucuns ont parlé d’ombres chinoises. En leur entendement, Brice Laccruche-Alihanga agissait sous le regard bienveillant de l’épouse et du fils aîné d’Ali Bongo, présentés comme des «régents.» Avec la récente nomination de Noureddin Bongo Valentin au poste de coordonnateur général des Affaires présidentielles, cette thèse parait de plus en plus crédible.
Face aux incertitudes de l’avenir, aux craintes exprimées par les populations, les institutions doivent réaffirmer leurs rôles respectifs. Elles doivent garantir un fonctionnement régulier de l’appareil d’Etat. Après le théâtre de l’absurde symbolisé par la désormais décriée «tournée républicaine» de l’ancien directeur de cabinet du président de la République, les gouvernants doivent s’attacher à revenir à l’esprit de nos institutions. Si on peine encore à mesurer l’étendue des dégâts occasionnés par les initiatives de Brice Laccruche-Alihanga, il y a urgence à œuvrer pour cette «République laïque, démocratique et sociale» prévue par la Constitution. Mieux, il y a nécessité de parvenir à l’»égalité de tous les citoyens devant la loi.» Pour ce faire, le gouvernement doit refuser de se mettre à la remorque du cabinet présidentiel, le Parlement doit privilégier les intérêts des populations sur ceux des partis politiques, la justice doit défendre son indépendance et, la Cour constitutionnelle doit se soustraire des arrangements d’arrière-cour.
Expertise médicale
Malgré leurs imperfections, en dépit de leurs incohérences manifestes, les lois peuvent permettre d’avancer sur ce chemin. Sur le fondement des dispositions constitutionnelles, les institutions gagneraient à ne point s’arroger la souveraineté nationale. Elles doivent reconnaître au peuple l’exercice du contrôle citoyen de l’action publique. Plus précisément, elles doivent lui fournir les outils pour une meilleure appréciation de la situation politico-institutionnelle. Après tout, la loi organique sur la Cour constitutionnelle complète la Constitution. En militant pour une application de ses préconisations sur l’expertise médicale, les pouvoirs publics se donneraient les moyens de clore la polémique sur les capacités physiques et cognitives d’Ali Bongo. Si les choses sont faites dans la transparence, les Gabonais sont prêts à se soumettre au verdict d’une commission médicale indépendante.
En ce début d’année 2020, le principal défi pour le Gabon est d’un triple ordre : politique, juridique et institutionnel. Convaincus de la tendance des institutions à faire leur cour et non leur devoir, les citoyens expriment leur peur du lendemain. Pour notre part, nous ne nous déroberons pas de notre rôle de vigie. Nous continuerons à redire notre conviction : la transparence, la responsabilité et la tolérance sont au fondement d’une gouvernance moderne. Nous réaffirmerons notre certitude : l’accès aux services publics, aux biens de consommation et la redistribution de la richesse nationale sont porteurs de progrès social pour tous. Fidèle à sa ligne, Gabonreview aura à cœur de promouvoir toutes les initiatives allant dans ce sens. Pour la démocratie et l’Etat de droit. Pour l’équité et la justice sociale.