Cet après-midi, à l’occasion de son premier point presse, le nouveau directeur de la communication et porte-parole de la présidence Jessye Ella Ekogha a répondu de bute en blanc aux critiques de l’opposition sur la nomination du fils du président Ali Bongo Ondimba au poste de coordinateur général des affaires présidentielles.
Il était un peu plus de 14h00 quand Jessye Ella Ekogha est apparu devant les journalistes. Cet ancien rugbyman, à la carrure impressionnante (1m85 et 110 kilos de poids de forme), n’a, du haut de ses 31 ans, pas failli pour sa première prestation comme porte-parole de la présidence de la République.
Nommé conseiller à la Présidence de la République lors du conseil des ministres du 7 novembre dernier, il avait, ces deux dernières semaines, remplacé au pied levé Ike Ngouoni pris il y a deux semaines dans les filets de l’opération anti-corruption. Hier, suite à un autre conseil des ministres, Jessy Ella Ekogha a été, sans surprise, nommé au poste très exposé de porte-parole de la Présidence de la République, une institution dont il assure également désormais les fonctions de directeur de la communication.
Pas de quoi pour autant impressionner ce jeune trentenaire qui, en dix ans d’expérience, a cumulé les responsabilités dans le secteur de la communication et du digital. Diplômé de Saint-Cyr Coëtquidan, la prestigieuse école militaire française, ce fils du général Jean-Claude Ella Ekogha, l’ancien chef d’Etat major des forces armées gabonaises, a été recruté en 2015 par la filiale gabonaise du leader mondial de la communication, l’agence WWP. A peine le temps pour lui d’officier sur la campagne présidentielle de 2016, puis sur la CAN de 2017, dont il pilote l’intégralité de la stratégie digitale, qu’il est recruté en février 2018 par la Fondation Sylvia Bongo Ondimba dont il devient quelques mois plus tard le directeur de la communication.
« Ouvert à la discussion »
« Jessye (Ella Ekogha), c’est une main de fer dans un gant de velours. Il ne transige pas sur ses convictions, mais il est toujours ouvert à la discussion », dit de lui un ex-responsable de WWP qui l’a côtoyé il y a quelques années et qui assure qu’ « il est l’un des meilleurs professionnels dans son secteur au Gabon, à l’aise tant avec les médias traditionnels que sur le digital ».
Rompu aux joutes politiques et à l’échange avec les journalistes, « celui qui répond quand on l’appelle », une qualité rare à ce niveau à la plus grande satisfaction de la profession, était donc cet après-midi en terra cognita pour son premier point-presse.
Un point-presse dont le moment le plus attendu était sans conteste celui lors duquel a été abordée la nomination, très commentée depuis hier soir, de Nourredin Bongo Valentin, le fils du président Ali Bongo Ondimba, au poste de coordinateur des affaires présidentielles.
Manifestement peu enclin à se défiler ou reculer devant l’obstacle, Jessye Ella Ekogha, à la surprise de certains confrères présents dans la salle, davantage habitués à l’esquive en pareille circonstance, a préféré prendre les devants.
« Hier, un conseil des ministres, le dixième cette année, a eu lieu. Il a été marqué par une réorganisation des services de la Présidence. Comme je sais que le sujet vous brûle les lèvres, je vais sans tarder l’évoquer. M. Noureddin Bongo Valentin a été nommé au poste de Coordinateur général des affaires présidentielles. Pour rappel, le Coordinateur Général des Affaires Présidentielles assiste le Président de la République dans la conduite de toutes les affaires de l’Etat et veille à la stricte application de ses décisions. Il dispose à cette fin d’un Cabinet », a commencé par déclaré le nouveau porte-parole de la Présidence.
Ivanka Trump
A l’offensive, celui-ci a alors déroulé son argumentaire. « Là aussi, j’anticipe vos observations. Pourquoi M. Noureddin Bongo Valentin a-t-il été nommé à un tel poste ? Pour deux raisons. Un, il a toutes les compétences requises. Je vous rappelle qu’il est diplômé de deux des établissements les plus prestigieux au monde, l’Eton College, l’Institut d’études orientales et africaines, la London School of Economics notamment. Et qu’il dispose d’une solide expérience professionnelle – il a été DGA d’Olam Gabon, la plus grande entreprise privée du pays – et d’une parfaite connaissance de la chose publique et du fonctionnement de l’Etat. Deuxième raison, M. Noureddin Bongo Valentin dispose de la confiance absolue du chef de l’Etat qui est libre de choisir, sans exclusive, les personnes avec lesquelles il souhaite travailler », a avancé Jessye Ella Ekogha, manifestement très à l’aise dans l’art de la rhétorique.
« Maintenant, je pose deux questions », dit-il en prenant à témoin la salle. « La première : est-ce si extraordinaire que cela pour un Président de la République de s’entourer, dans le cadre de son travail, d’un membre de sa famille ? D’abord, au Gabon, par le passé, on a déjà connu une telle situation. Ensuite, si on regarde ailleurs dans le monde, on constate que c’est une chose courante. Un exemple ? Allez, je vous en donne deux. Le président de la première puissance mondiale, les Etats-Unis, M. Donald Trump a pour principaux collaborateurs sa fille, Ivanka Trump, et son neveu, Jared Kurchner, tous deux occupant des fonctions officielles importantes à la Maison Blanche. »
Un poste déjà créé en… 2003
Et le porte-parole de la Présidence d’enchaîner avec une « deuxième question : est-ce le poste de Coordinateur général des affaires présidentielles a été spécifiquement créé à cette occasion ? Non. Ce poste a été initialement créé le 10 mars 2003 sous la Présidence d’Omar Bongo Ondimba qui avait pour premier ministre à l’époque Jean-François Ntoutoume Emane. Ça n’est donc, vous le constaterez, pas nouveau. »
Des arguments qui, à en juger par les réactions dans la salle de certains journalistes, même s’ils n’ont pas le pouvoir de convaincre ceux qui ne veulent pas l’être, ont au moins eu le mérite de les faire vaciller dans leurs certitudes.