Une formule, populaire à Libreville, résume bien le sentiment ambivalent, pour ne pas dire franchement contradictoire, des opposants gabonais vis-à-vis de l’ancienne puissance coloniale : quand ça va mal, c’est la France ; quand on appelle à l’aide, c’est la France !
Schizophrène l’opposition gabonaise ? A observer son attitude vis-à-vis de la France, on serait porté à le croire. En l’espace de quelques jours, l’actualité vient d’en offrir un florilège.
Ce fut d’abord au tour de Jean Ping d’ouvrir le bal. Dans son discours du octobre dernier, le leader de la CNR s’en est pris violemment à l’ex-puissance coloniale avant de… l’appeler au secours afin qu’il soit reconnu comme le seul président légitime, élu comme il le revendique, du Gabon.
Puis, ce fut au tour d’un de ses proches, Ngomo Privat, incarcéré depuis août dernier à Sans famille à Libreville, après avoir manifesté sans autorisation devant l’ambassade de France pour dénoncer la position des autorités françaises vis-à-vis du Gabon. Aujourd’hui, ses proches appellent… la France pour intercéder en sa faveur et obtenir sa libération.
Ensuite, ce fut à Marc Ona Essangui, un activiste proche de Jean Ping, qui a lui aussi vertement reproché à la France son attitude lors de la présidentielle de 2016, de s’illustrer. Peinant à récupérer son passeport suite à une demande de renouvellement, le fondateur de l’ONG Brainforest s’est tourné vers… la France. Son avocat, Me Eric Moutet, vient en effet d’écrire au ministre français des Affaires étrangères français, Jean-Yves Le Drian, pour lui demander d’intervenir, directement ou indirectement, auprès des autorités gabonaises. Autrement dit, de faire pression sur elles.
« Que Mme Ndong aille manifester sur la Place rouge et en lieu et place du Trocadéro »
Enfin, la palme revient sans doute à une autre activiste, Laurence Ndong. Invitée tous frais payés au Sommet Russie – Afrique de Sotchi, celle qui se pique à longueur de messages sur les réseaux sociaux de défendre les droits de l’Homme sur le continent africain, a fait polémique la semaine dernière en dressant des louanges à la Russie de Poutine dont le bilan en matière de défense des Droits de l’Homme est peu reluisant.
Surtout, l’activiste gabonaise s’est vue reprocher son ingratitude vis-à-vis de la France. Alors qu’il s’agit ni plus ni moins que de son pays d’accueil, elle n’a pas hésité depuis la Russie à se lancer dans une violente diatribe contre la France sur les ondes de la radio allemande Deutsche Welle, alors que celle-ci l’a accueillie, qu’elle y vit, y fait des études payées par la collectivité et qu’elles y touchent un certain nombre de prestations.
« Que Laurence Ndong nous rappelle la position des autorités russes sur le Gabon, aujourd’hui comme lors de la présidentielle de 2016. Il serait intéressant d’avoir son analyse sur le sujet », raille un diplomate du Quai d’Orsay, le ministère français des Affaires étrangères qui fait remarquer que ce que permet Laurence Ndong en France ne serait pas autorisé en Russie. « Qu’elle aille manifester sur la Place rouge en lieu et place du Trocadéro et on verra », lance-t-il, bravache.