En septembre dernier, un ancien conseiller clientèle BGFI a été désigné directeur général de la Comptabilité publique et du Trésor – un des gros fromages de la haute administration publique. Auparavant il y avait eu des nominations ; notamment à la SGEPP ou à la CDC, toujours piochées dans l’écurie BGFIBank, structure amie de l’Ajev et principale pourvoyeuse aux postes de patron dans les entreprises publiques et parapubliques et aux gros fromages de la haute administration. Très peu partageuse, l’AJEV prend tout, tout, tout…
«L’AJEV prend le pouvoir», écrivions-nous en mars 2018… Aujourd’hui, elle a non seulement pris le pouvoir politique, puisqu’un grand nombre de ses membres d’honneur et membres actifs ont été parachutés à des postes ministériels de premier plan, sur des sièges de député, des mandats de maires et même été désignés au Comité permanent du Bureau politique du PDG. Se déguisant en se drapant de nouvelles étiquettes – SDG (Sociaux-Démocrates Gabonais) ou RV (abréviation de Rassemblement pour la restauration des valeurs), l’organisation de Brice Laccruche a également pris le pouvoir économique dans la haute administration : Trésor, Impôts, Finances, Pétrole, Mines, Assurance-maladie, Ports et Aéroports, etc.
Tout l’argent dans son escarcelle
En effet, grâce à l’appui de BGFIBank, son principal réservoir en ressources humaines pour les postes de directeur général, directeur général adjoint ou directeur financier, l’Association des Jeunes émergents volontaires (Ajev) a fait tomber dans son escarcelle, à tour de rôle, la direction générale de la Caisse des dépôts et consignations (CDC), la direction générale de la Comptabilité publique et du Trésor (DGCPT), la direction générale de la Société gabonaise d’entreposage des produits pétroliers (SGEPP), notamment. En plus de quoi, l’univers ajévien contrôle la direction générale des Impôts, la direction générale de l’ANPI-Gabon et, d’une certaine manière, la direction générale de la Caisse de stabilisation et de péréquation (Caistab), ainsi que des secteurs aussi fondamentaux que le pétrole et les mines, avec la Gabon Oil Company (GOC), la Société équatoriale des mines (SEM). Outre ces domaines, la pieuvre ajévienne contrôle aussi bien le secteur de l’assurance, avec la Caisse nationale d’Assurance-maladie et de garantie sociale (CNAMGS) et la Caisse nationale de sécurité sociale (CNSS) que le secteur des ports et aéroports avec l’Office des Ports et Rades du Gabon (Oprag) et l’Agence nationale de l’aviation civile (Anac).
Au-delà de la prise de pouvoir, l’Ajev a renforcé ses positions. On pourrait citer l’exemple de la SGEPP. Jusqu’au 18 juillet dernier, c’est le Pr. Michel Mboussou, dernier Mohican parmi les proches d’Ali Bongo dirigeant des entreprises, qui était aux commandes de cette structure. Aujourd’hui, l’Ajev y a fait nommer une ancienne patronne de la filiale gabonaise de BGFIBank.
Aujourd’hui, le Parti démocratique gabonais (PDG) se réduit comme peau de chagrin, «marabouté» par une association prétendument alliée et ayant refusé de disparaître en même temps que le Mouvement gabonais pour Ali Bongo Ondimba (Mogabo). L’opinion, ahurie, constate tout simplement la razzia de l’Ajev et ses structures avatars ainsi que son étonnante percée dans les hautes instances du parti politique censé être au pouvoir.
Appétit grotesque et infini pour le pouvoir, dérive hégémonique, absence d’amour pour le Gabon
Deux ans après l’arrivée de son chef au cabinet du président de la République, l’Ajev s’est transformée en pieuvre. Elle se retrouve partout et n’entend pas céder un bout de terrain. Des PDGistes d’un certain âge sont remerciés de leur position, et leurs proches sont jetés au rebut. Sans pitié, sans regret. Parce que l’objectif de l’Ajev est de massifier «l’or jeune», elle estime qu’à un certain âge – généralement au-delà de 55 ans – même si on est membre du PDG, on n’a plus le droit de prétendre à une nomination à un éminent poste de responsabilité. Ces derniers temps, une nouvelle petite musique se fait entendre : «vous pouvez servir le pays sans avoir une nomination», répond-on à des responsables politiques encartés PDG. Le tout récent remplacement du jeune Arnaud Engandji par Mathias Otounga Ossibadjouo (59 ans) a visiblement été dicté par l’urgence et le dosage ethnique.
L’Ajev, mouvement sectaire par définition, mène son bout de chemin, avec pour objectif d’atteindre les cimes du pouvoir, parce que le PDG d’abord, mais aussi la société tout entière, regardent sans mot dire. Le chemin est balisé. L’Ajev ne veut pas que l’histoire du Gabon s’écrive sans elle, sans «l’or jeune». L’association n’a plus fait de sortie en son nom depuis quelques mois, laissant le terrain et l’exhibitionnisme à ses avatars de Sociaux-Démocrates Gabonais (SDG) et à son Rassemblement pour la restauration des valeurs (RV). On l’a vu 5 octobre 2019, au stade de Nzeng-Ayong à Libreville : plus de casquettes et t-shirts blancs du PDG, supposée première force politique du pays ; rien que du bleu et du mauve, le bleu de RV et le violet de SDG.
Question d’un observateur de la vie publique gabonaise : «Est-ce avec cet appétit vorace, grotesque et infini, cette dérive hégémonique, cette absence d’amour pour le Gabon, qu’elle veut y arriver ?». S’il se susurre que Laccruche travaille, sous la houlette de la Première dame, à faire le lit de Noureddine Bongo, le fils aîné d’Ali Bongo, on peut déjà entrevoir quelle république ils préparent : celle des imberbes et de l’exclusion. De toute façon, « celui qui boude, il bouge ! ». Pensée unique, inacceptation de la contradiction. Le totalitarisme, 75 ans après les nazis.