Comme dans un des vers du poète gabonais Ndouna Dépenaud "Un an s’en va,un an s’en vient"ainsi va le changement à la tête de la première chaine publique gabonaise. En parcourant les réseaux sociaux, notre rédaction est tombée sur une publication de Pablo Moussodji Ngoma intitulée :« Le turn over de Gabon télévision : les stigmates d’une maison à repenser ». Trouvant un intérêt général à cette chronique,Gabonews la publie intégralement .
Au lendemain des changements intervenus à la tête de la télévision nationale, il me plaît de m’acquitter d’abord du devoir de féliciter Sylvain Abessolo, un professionnel de la maison dont la dernière sortie à travers DEBAT DE PRESSE nous a tous mis d’accord. Bienvenue ou bon retour chez toi, mon frère et bonne chance pour cet exaltant challenge, synonyme sans doute de consécration d’une carrière aboutie. Pour le reste, je souhaite que ma réflexion garde son caractère pédagogique en transcendant les approches partisanes qui semblent plomber la maison.
Au-delà de l’arrivée d’un autre journaliste à la tête de la chaîne, il faut rappeler les chiffres. Après le départ de David Ella Mintsa qui a légitimement battu le record de longévité avec plus de 8 ans dans le paysage démocratique, à la manœuvre des mutations de la RTG1 à Gabon TV dans un climat apaisé, la maison Georges Rawiri a connu, ces dernières années, un véritable ballet des dirigeants.
Je vais expressément attribuer une année de règne à chacun, sachant que certains n’ont pas bouclé l’année. On a vu défiler Imunga (2015-2016) Mathieu Koumba (2016-2017) Jean Lié Massala (2017-2018) Sébastien Ntoutoume (2018-2019) et aujourd’hui Sylvain Abessolo. 5 Directeurs Généraux en 4 ans, soit une moyenne de moins d’un an à chacun.Cette instabilité nous fait dire, au regard des faits, que Gabon TV est désormais une maison à palabre.
LA PEUR DE PARTIR ET L’ENVIE DE SE SERVIR !
Sans vouloir rentrer dans les bilans des uns et des autres qui restent perfectibles, il y a lieu de s’interroger sur les raisons de ce turn over qui peut installer un climat de doute chez les occupants du fauteuil du 4ème étage. Avec une question intérieure : À quand mon tour ? Cette instabilité psychologique peut déboucher sur une forte envie de se servir, ne sachant pas de quoi sera fait demain. Si l’on ajoute la mauvaise exposition médiatique d’une entreprise appelée à vivre en grande partie de ses entrées publicitaires, on peut imaginer l’agacement des opérateurs économiques devant ce turn over qui affecte indubitablement l’image de la boîte. Des partenaires qui doivent visiblement recréer des relations avec une nouvelle tête chaque année.
Les raisons sont sans doute nombreuses. Mais tout tourne autour de la gestion financière. Pour l’intérêt collectif, les attentes des revendications syndicales n’ont pas du tout évolué, réduisant les agents de cette chaine à la mendicité, quand la minorité émarge au nom de la nouvelle entité. La redevance audiovisuelle, la panacée aux problèmes des ressources financières qui est le point de discorde, peine à répondre aux attentes de la base. On crie à l’opacité autour de sa gestion. Conséquence, la production se fait en bon, à en juger par les mois d’arriérés qui n’incombent pas seulement, au nom de la vérité, à l’équipe sortante.Dans ce contexte, l’offre télévisuelle ne peut point répondre aux exigences d’une population qui connait désormais, du fait de l’ouverture extérieure occasionnée par la prolifération des bouquets, une autre façon de faire la télévision.
Devant cette pression, entre les revendications syndicales et les intérêts d’une hiérarchie guidée parfois par une gestion émotionnelle et l’instrumentalisation de certains syndicalistes véreux, un environnement malsain s’est installé. Le management des hommes ? Les appétits financiers ? Bref, Chaque DG choisit son syndicat pour faire le sale boulot, ce qui explique le bicéphalisme en la matière. Les grèves se sont succédé sans issue certaine. Les managers les moins illuminés ont choisi d’entretenir les clans en divisant pour mieux régner et reléguer au second plan, le critère de compétence qui doit pourtant guider tout vrai gestionnaire d’une maison qui se veut élitiste. Les réunions ethniques pour asseoir les stratégies sont désormais courantes et les frustrations ont divisé les agents. Un environnement pas du tout reluisant qui place la tutelle en arbitre.
Mais, tel un entraîneur soumis à la dictature des résultats, le Dg est le seul fusible. Sauf qu’on est incapable de s’accorder sur le cahier des charges, sa mission et les critères de sa nomination n’étant pas du tout officiels. Il reste donc sur un siège éjectable avec un avenir qui dépend à la fois des caprices des syndicalistes ou aux humeurs de son mentor. À l’épreuve des faits, personne n’est intouchable même ceux qui prétendent une forte proximité avec les grandes sphères décisionnelles ont fini par laisser les plumes. On peut légitimement se demander si les départs des DG est la seule solution pour résoudre les problèmes de Gabon TV ? Ou faut-il désormais élire les dirigeants de ces chaînes publiques pour un mandat bien déterminé ? Une seule chose est certaine, les DG doivent désormais comprendre à leur dépend, qu’un chef est toujours un homme seul et sa longévité est tributaire des vrais choix opérés sur la base de l’expertise pour un rendu à la hauteur des enjeux. Mais la liste des courtisans reste la même à l’arrivée de chaque nouveau chef, juste le temps de changer de veste sans aucun rendement productif. Ils font et défont les Dg soit inconsciemment ou ils exploitent les velléités revanchardes de ces derniers.
L’EXIGENCE DE L’HUMILITÉ DES CHEFS
Au lieu de se livrer à une opération de défiance qui n’apporte rien de qualitatif, il est temps de mener une réflexion approfondie en interne, pour résoudre définitivement les problèmes de la maison. Ce turn over qui ne donne plus l’occasion au manager d’asseoir sa politique est certainement un frein à l’épanouissement des professionnels, voire de la structure toute entière. Car, on peut avoir toutes les qualités du monde, mais on ne peut pas faire des grandes réalisations en un an. Cela passe aussi par l’humilité des hommes qui composent la supra structure qui doivent comprendre que rien n’est éternel sauf le changement. C’est pourquoi, dans les attitudes, on doit accorder beaucoup de respect au moindre collaborateur dans cette chaîne où on n’est rien sans l’autre. Mais il est difficile de traduire tout cela dans les faits, quand certains responsables ne rêvaient pas un seul jour diriger les autres. Pourtant, la légitimité professionnelle reste la seule réponse à cette imposture qui a fragilisé la maison dans un rapport de force inutile.
On aura compris qu’au-delà des divergences causées en grande partie par la mauvaise répartition des ressources financières, il faut mettre l’humain au centre du projet. Tout le monde doit d’abord adhérer à l’ambition de l’entreprise, pour éviter finalement trop des contestations qui débouchent sur ce turn over improductif. La nouvelle direction doit se donner les moyens de repenser une maison en quête de stabilité.