Pour le gouvernement, l’adhésion à Cafi et au mécanisme REDD+ a tout d’un renoncement.
Pour la deuxième fois en un peu plus de deux (2) ans, le Gabon bénéficie d’un financement norvégien. A travers l’Initiative pour les forêts d’Afrique centrale (Central Africa forest Initiative- Cafi), un accord d’un montant de 18 millions de dollars fut signé à Paris en France, le 27 juin 2017. Un peu plus de deux (2) ans plus tard, c’est la bouteille à l’encre : la mise en œuvre du projet se heurte aux «procédures administratives». Malgré les assurances de l’Agence française développement (AFD), du Conseil climat, ou des gouvernements du Gabon et de Norvège, l’euphorie d’hier laisse progressivement la place au doute. Pourtant, avec le même enthousiasme, un nouvel accord a été signé avant-hier à New-York. D’un montant de 150 millions de dollars sur 10 ans, il est censé récompenser les efforts du Gabon en matière de gestion durable des forêts. Rien de moins…
Virage à 180 degrés
Même s’ils pavoisent, les autorités gabonaises le savent : la signature de ce nouvel accord a quelque de pittoresque. Jamais un projet n’est passé à la phase 2 avant même le démarrage de la phase 1. Pis, avant son adhésion à Cafi, le Gabon a toujours clamé son intention de développer une stratégie propre, censée être consignée dans le Plan climat. Chacun se souvient des déclarations enflammées suite à la présentation de la Contribution prévue et déterminée au niveau national (Intended nationally determined contribution – INDC) lors de la Cop21 de Paris. Dans ce document, le Gabon s’engageait à réduire ses émissions de gaz à effet de serre (GES) d’au moins 50% sur la période 2010-2025, hors stockage de carbone par la biomasse. Il se prononçait aussi pour l’interdiction du torchage de gaz et une participation à l’initiative «Zéro torchage de routine d’ici 2030» lancée par Global gas flaring reduction (GGFR). Affirmant une volonté de mettre en œuvre sa stratégie d’adaptation du littoral aux effets des changements climatiques, il indiquait devoir mettre un accent particulier sur le traitement des déchets et eaux usées. Pour financer ces engagements, il prévoyait de créer un Fonds national de développement durable.
Pour le Gabon, le recours aux financements Cafi a tout d’un constat d’échec. Peu importent les arguments avancés, il admet ne pas avoir été en mesure de concevoir des mécanismes endogènes de financement et de mise en œuvre de sa stratégie. Au-delà, il va devoir revoir ses ambitions en matière de développement durable. Au plan opérationnel, une autre mouture de la Contribution prévue et déterminée au niveau national devra être formulée. Ainsi, plus personne ne parlera de torchage zéro, de gestion intégrée de la zone côtière ou de recyclage des déchets et eaux usées. Désormais, il sera question de définir le niveau d’émissions de référence pour les forêts ou de fournir des informations sur la meilleure manière de répondre aux exigences du REDD+. C’est dire si le Gabon vient d’opérer un virage à 180 degrés.
Scénario tendanciel dénoncé à la Cop21
Depuis le lancement du processus REDD+ (Reducing emissions from deforestation and forest degradation – Réduction des émissions liées à la déforestation et à la dégradation des forêts), le Gabon a toujours marqué sinon son mépris, du moins son peu d’intérêt pour cette initiative. Malgré le plaidoyer des partenaires au développement et de la société civile nationale ou internationale, il a invariablement proclamé son refus de «limiter sa politique climat à la simple conservation des forêts, à l’aide de mécanismes de financement internationaux». Disant ne pas vouloir «obérer son développement économique et social en l’asservissant à des mécanismes extérieurs, sans lien avec l’économie réelle», il s’est systématiquement opposé à «une réduction en valeur absolue de ses émissions», militant plutôt pour «une maîtrise de celles-ci dans le cadre de son développement». Son adhésion à Cafi est, de ce fait, un renoncement. En acceptant ces financements, il intègre le marché du carbone. D’une certaine manière, il adhère à cette monétarisation de la nature induite par ce «scénario tendanciel» dénoncé dans l’INDC présentée à la Cop21.
Au début du mois en cours, le ministre de la Forêt faisait part de la nécessité de revenir, dès l’année prochaine, sur la mesure d’interdiction d’exploitation du kevazingo. Il y a quelques jours, il paraphait un accord de financement REDD+. Dans l’un ou l’autre des cas, Lee White avouait l’incapacité du gouvernement à tenir ses engagements. Comme si les politiques publiques n’étaient ni pensées ni réfléchies. Comme si les annonces étaient toujours faites à l’emporte-pièce, sans évaluation du contexte national. Comment, dans ces conditions, s’étonner du discrédit de ce gouvernement et de cette défiance populaire, toujours un peu plus forte ? A la Norvège d’y répondre…