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Interview : «Nous n’allons pas passer toute notre vie à dépenser autant d’argent pour les concertations politiques» (Jean Pierre Rougou)
Publié le mardi 27 aout 2019  |  Agence Gabonaise de Presse
Jean-Pierre
© Autre presse par DR
Jean-Pierre Rougou, membre influant de l’Union Nationale.
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Dans une interview accordée à l’Agence gabonaise de presse, l’acteur politique, Jean Pierre Rougou, a donné son avis sur le débat qui alimente la classe politique autour de la tenue d’une énième concertation politique et préconise la réactivation du comité de suivi des accords d’Angondjé qui prennent en compte toutes les préoccupations des gabonais pour nécessité de restriction budgétaire plutôt que de passer du temps dans les concertations politiques.

Agence Gabonaise de Presse: Le dialogue politique d’Angondjé est à nouveau l’objet de débat au sein de la classe politique nationale. Que répondez-vous à ceux qui pensent que les résolutions de ces assises sont caduques et qu’il faut la tenue d’un nouveau dialogue qui verra la présence de tous les acteurs politiques sans exclusive de la Majorité et de l’Opposition ?

Jean Pierre Rougou : «Permettez-moi d’abord de vous remercier de me donner l’opportunité de m’exprimer sur un sujet aussi important qu’est le dialogue. Mais, il n’y a pas que le dialogue vu que l’actualité nationale est également dominée par la réconciliation qui est menée par les facilitateurs du dialogue notamment les hommes de Dieu. En ma qualité d’acteur politique ayant pris part au dialogue, tout ce qui porte sur le renforcement de la paix, la cohésion nationale est au cœur de notre préoccupation. C’est à ce titre que j’ai accepté votre invitation. S’agissant donc du dialogue ou de la réconciliation nationale, il faut savoir qu’en ma qualité d’acteur politique, je ne peux pas me renier. D’autant plus que j’ai accepté de prendre part au dialogue d’Angondjé qui était un moment important de l’histoire de notre pays. Il fallait avoir du courage à cette période. J’ai perdu beaucoup d’amis et des relations parce que j’ai pris le risque sur moi d’accepter la main tendue du chef de l’Etat qui portait sur le souci de préserver la paix et la réconciliation nationale. C’était un moment important de notre histoire qui a regroupé des milliers d’associations, la société civile, la Diaspora, des hommes de Dieu et les partis politiques et les personnalités politiques. Au terme de ce dialogue, les résolutions importantes ont été prises notamment sur la gouvernance politique, économique, environnementale, lesquelles résolutions devaient être appliquées intégralement. Le chef de l’Etat s’était engagé à le faire. Or, quel est le constat fait quelques années après ? Le constat est que quelques reformes, notamment celles qui portaient sur les institutions, sont effectives. Je peux citer la mise en place du Centre gabonais des élections (CGE), de la Haute autorité de la communication (HAC), du Conseil économique, sociale et environnementale (CESE) et bien d’autres, en l’occurrence les plus importantes qui portaient sur la paix, l’apaisement social, la réconciliation nationale. Je pense que c’était des éléments importants du travail qui avait été fait à Angondjé. Sur ce plan, beaucoup de choses ne sont pas faites et je souhaite que les gouvernants s’attèlent à le faire. Personnellement, je ne pense pas qu’il faille un nouveau dialogue ou une nouvelle concertation de la société civile. Je ne suis pas pour cette inflation de concertations politiques. Je suis un homme d’actions et ma qualité d’homme d’action m’impose d’abord de faire de bilan de ce qui a été fait. Qu’est-ce que nous avons fait ? Qu’est-ce qui reste à faire ? Cela est important. Nous n’allons pas passer toute notre vie à dépenser autant d’argent à convoquer les hommes politiques et pour ne pas, au finish, mettre en application ce que nous avons convenu de faire ensemble. Je pense personnellement que le dialogue d’Angondjé a prévu, dans le protocole d’accord, la possibilité d’intégrer ceux qui n’étaient pas à ces assises. Je pense qu’il faut réhabiliter le comité de suivi issu dudit dialogue et nommé en conseil des ministres. Cette structure n’a pas du tout fonctionné. Il faut donc la réhabiliter et y intégrer ceux des acteurs politiques qui n’ont pris part au dialogue d’Angondjé et qui veulent se joindre à nous pour faire le point de ce que nous avons fait ensemble, pour amender voire, pour faire de nouvelles propositions. La politique n’est pas figée, elle est dynamique. Il y a forcément aujourd’hui d’autres attentes des populations qui peuvent être intégrées dans ce que nous avons fait en 2017 lors du dialogue d’Angondjé».

Le clergé est allé rencontrer le Premier ministre lundi dernier. Il est allé lui demander de mettre tout en œuvre pour l’effectivité des résolutions du Dialogue d’Angondjé et la réconciliation nationale. Mais cette action est contestée par certains. Comment appréciez-vous la démarche de ces hommes de Dieu ?

«Je ne conteste pas la démarche du clergé en ce sens qu’elle est complémentaire. Mais, j’ai quelques doutes sur la pertinence de cette démarche. Tout simplement parce que par souci de bon sens, ce clergé est facilitateur du dialogue et il existe un comité de suivi nommé en conseil des ministres. Permettez-moi de vous rappeler qu’au lendemain de la nomination dudit comité de suivi, les commissaires se sont immédiatement mis au travail et nous avons présenté au Clergé un mémorandum conçu par l’Opposition, la Majorité et la Société civile. Le Clergé n’est jamais revenu vers les commissaires, le Clergé n’a plus jamais organisé des réunions. Nous observons deux ans après, que le Clergé vienne parler de réconciliation nationale. Moi, je pense que la bonne démarche aurait été de revenir vers le comité de suivi, de faire le point de ce qui a été jusqu’à présent, et de redemander aux gouvernants, comme ils l’ont fait, de remettre ce comité en place pour l’application de ce qui a été décidé à Angondjé. Parce que les mesures relatives à la réconciliation nationale, à l’apaisement, figurent toutes dans tout le travail qui avait été fait au Dialogue d’Angondjé. Aucune partie ne propose rien de nouveau. Nous avons tout conçu. Nous avons mis à plat tous les pans de la société gabonaise lors des assises d’Angondjé. Rien n’a été oublié. Le seul problème réside au niveau de la mise en œuvre. Il suffit de les mettre en application et la paix tant souhaitée sera effective dans notre pays».

Vous dites qu’il suffit de mettre en application les résolutions du dialogue politique d’Angondjé pour garantir et préserver la paix dans notre pays. Mais, d’autres estiment que l’apaisement du climat sociopolitique passe obligatoirement par la tenue d’un troisième dialogue. Qu’en pensez-vous ?

«Je ne sais pas ce que l’on veut. Ce n’est pas le dialogue qui est important. Ce qui importe ce sont les mesures qui ont été arrêtées. Ils ne vont pas inventer la roue. De quoi parleront-ils lors de ce énième dialogue ? Ont-ils pris connaissance de ce qui a été décidé au dialogue d’Angondjé ? Ce n’est pas un nouveau dialogue qui importe, mais de donner des réponses aux attentes des Gabonais, trouver des solutions face à la situation dans laquelle le Gabon se trouve. Sur ce plan-là, en toute modestie, je réaffirme qu’il suffit seulement de mettre en pratique les résolutions d’Angondjé. Celles-ci parlent bien de gouvernance environnementale, de bonne gestion des deniers publics, de libérer ceux que nous considérons dans l’Opposition comme des prisonniers politiques. N’est-ce pas là des mesures visant à l’apaisement social ? Que voulons-nous encore de nouveau qui n’a pas déjà été évoqué ? Je pense qu’il faut sortir de cette inflation de concertations politiques. Le pays doit et mérite d’avancer. Les acteurs politiques doivent se mettre au travail dans ce pays. Il faut de l’action et mobiliser les énergies pour sortir le pays de la situation actuelle. Nous devons arrêter cette histoire d’aller toujours se concerter et enfoncer les portes ouvertes».

Avez-vous un dernier mot à l’endroit des autorités et l’ensemble des acteurs politiques de tous bords ?

«Je suis un démocrate. Je suis pour la liberté d’expression dans ce pays. Je suis pour qu’il y ait plusieurs camps politiques dans ce pays. Je suis pour que toutes les formations politiques s’expriment librement dans ce pays et pour qu’on leur laisse la latitude de vivre. Mais cela doit se faire dans le respect des institutions en place, dans le respect de la liberté des autres, et dans le respect de la dignité humaine. Trop de concertations politiques se sont tenues dans ce pays. Je crois qu’il est temps d’agir pour le faire réellement fonctionner. Lors de son discours à la Nation, le 16 août dernier, le président de la République a dit qu’ «Un seul doit ne peut pas laver la figure». Les doigts ne doivent pas se mobiliser pour parler, mais ils doivent se mobiliser pour agir».

Propos recueillis par Stéphane Nguéma
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