C’est par une décision administrative qui a depuis fait le tour des réseaux sociaux que la magistrate Paulette Ayo Mba Akolly a été suspendue «temporairement», le mardi 20 août, de ses fonctions de Premier président de la Cour d’Appel de Libreville. Un acte administratif initialement anodin, décidé par le secrétaire général du ministère de la Justice, François Mangari, mais qui prend une certaine proportion dans le contexte actuel.
La magistrate suspendue n’est autre que celle qui a jugé recevable la requête introduite par le groupe «Appel à agir» dans l’affaire qui les oppose au président de la République, Ali Bongo Ondimba. Il s’agit d’un collectif d’une dizaine de personnalités proches de l’opposition. Ces derniers, dans cette requête, demandent d’examiner les capacités physiques et cognitives du président gabonais après son Accident vasculaire cérébral (AVC) d’octobre 2018 en Arabie Saoudite, alors même qu’il assume les charges dévolues à la fonction de chef d’Etat.
Le 12 août dernier, le juge Akolly a débouté la requête d’annulation introduite par les conseils d’Ali Bongo Bongo sur cette affaire. Tout en fixant la tenue de l’audience de plaidoirie au 26 août prochain.
Déjà le 29 juillet dernier, elle avait recalé la notification, par voie d’huissier, d’une ordonnance de sursis à exécution délivrée par le Premier président de la Cour de cassation, au motif que cet acte était «contraire à la loi».
Il n’en fallait pas plus à la globosphère gabonaise pour voir la suspension de cette magistrate comme une mesure punitive à son endroit. C’est le cas d’un des membres d’Appel à Agir, Marc Ona Essangui, qui n’y est pas allé par le dos de la cuillère, pour dénoncer une dérive des autorités judiciaires. «(…) La justice gabonaise en lambeaux. Dans le pays classé à la troisième place des pays les plus corrompus d’Afrique, le ministre de la Justice vient de franchir un palier supplémentaire pour faire la démonstration que le Gabon mérite bel et bien sa place», a-t-il avancé.
Ce n’est cependant pas l’avis de tout le monde. La veille, un avocat et enseignant-chercheur gabonais, Nicaise Narcisse Ondo Nguéma, s’inscrivait en porte-à-faux contre cette démarche du juge Akolly. Il affirmait dans un libre-propos tenu chez nos confrères de l’Union que le président de la République, selon l’article 8 de la Constitution, qui fait de lui le détenteur suprême du pouvoir exécutif, et donc un citoyen pas ordinaire, ne peut être déféré que devant la Cour Constitutionnelle (pour des faits liés à son état de santé) et la Haute cour de justice (en cas de haute trahison ou de violation du serment).
Aussi ne saurait-il être déféré devant une Cour d’appel, comme semblait s’y résoudre le juge Paulette Ayo Mba Akolly. Les autorités judiciaires ne se sont pas encore prononcées sur cette affaire.