Annoncée pour le 26 août prochain, l’affaire opposant le collectif “Appel à agir” à Ali Bongo quant à la désignation d’un médecin-expert pour évaluer les aptitudes physiques et cognitives du président ne sera vraisemblablement plus traitée au tribunal. La présidente de la cour d’appel de Libreville qui préconisait son examen au fond a été démise de son poste. Les faits et commentaires y relatifs dans lesquels, entre autres, l’huissier porteur de la décision n’a pas bonne presse.
Jusqu’ici présidente de la cour d’appel de Libreville, Paulette Ayo Mba épouse Akolly a été suspendue de ses fonctions, dans l’après-midi du 20 août courant. La «décision administrative» lui a été notifiée par voie d’huissier, plus précisément par l’office d’huissier de justice de Me Mhintcho Soufiano. Le document transmis au gardien de son domicile, certainement en l’absence de la concernée, l’informe d’une décision du secrétariat général du ministère de l’Intérieur, de la Justice, Garde des Sceaux. Celle-ci porte «interdiction temporaire exercer les fonctions de premier président de la cour d’appel de Libreville». L’acte d’huissier précise que cette décision «prend effet à compter de la date de sa notification».
La sanction «temporaire» est nécessairement en lien avec l’affaire «Appel à agir». Regroupant une dizaine de personnalités de l’opposition et de la société civile, le collectif éponyme de l’affaire demande à la justice la désignation de médecins en vue d’une expertise médicale sur l’état de santé, physique et cognitif, du président de la République gabonaise. Le 12 août dernier, Paulette Ayo Akolly a débouté la requête d’annulation introduite par les conseils d’Ali Bongo, fixant à l’occasion la tenue, le 26 août courant, de l’audience de plaidoirie pour un examen au fond du dossier devant sa juridiction. Déjà, le 29 juillet dernier, elle avait recalé la notification, par voie d’huissier, d’une ordonnance de sursis à exécution délivrée par le premier président de la Cour de cassation ; acte qu’elle a jugé «contraire à la loi».
Sitôt sa suspension connue du public, les interrogations, analyses et commentaires ont fusé dans les forums sur les réseaux sociaux. Nombreux sont ceux qui crient à l’entrave à l’exercice de la justice par interférence du politique. D’autres tout aussi nombreux pensent que Paulette Ayo Akolly, haut magistrat, nommé par le Conseil supérieur de la magistrature au poste dont elle est “momentanément” écartée, ne saurait être démise par le ministère de la Justice. Les tenants de cette thèse estiment que le ministère ne peut légalement démettre un magistrat du siège. «Une décision administrative peut-elle interdire l’exercice des fonctions judiciaires», interroge un juriste. «Quelle faute a-t-elle commise ? Est-elle passée en conseil en discipline ? Pourquoi l’administration, donc le ministère de la Justice, passe-t-elle par un huissier ?», questionne un internaute tandis que d’aucuns demandent «de quoi ceux qui agissent ainsi ont-ils peur, puisque Ali Bongo est officiellement déclaré en bonne santé ?»
L’huissier des missions compliquées
Toujours sur les forums, l’indépendance de la justice est fortement décriée. Certains pointent déjà du doigt le Syndicat des magistrats gabonais (Synamag), si prompt à monter au créneau pour des questions de nominations ou pour la réduction des salaires de certains de ses membres. En tout cas, l’attitude du Synamag est déjà très attendue.
Mhintcho Soufiano, huissier dont l’office a été chargé de transmettre à Paulette Ayo Akolly la notification de sa mise à l’écart, n’est pas épargné. Des internautes rappellent que dans le cadre de l’affaire de l’héritage d’Omar Bongo, il fut écroué en février 2015 pour avoir effectué une perquisition au bureau de Lydie Relongoué-Bevigna, alors notaire de Pascaline Mferri Bongo, en l’absence du promoteur du cabinet et sans justificatif officiel. On ravive également qu’en octobre 2017, à la tête d’une cohorte d’une vingtaine de gendarmes, armés et encagoulés, Me Mhintcho Soufiano avait effectué une descente au domicile de Jean Ping en vue d’une saisie de ses biens mobiliers et immobiliers suite à un procès perdu contre Hervé Patrick Opiangah, leader de l’Union pour la démocratie et l’intégration sociale (Udis), par ailleurs conseiller du président Ali Bongo. Ces deux épisodes suffisent pour que l’huissier soit déclaré, sur les forums, comme «l’homme des missions tordues».
L’affaire va nécessairement alimenter la chronique et les commérages dans les prochains jours. En tout cas, les avocats d’Ali Bongo doivent déjà se frotter les mains. «Nous allons tout mettre en œuvre, mais alors tout mettre en œuvre, pour que force reste à la loi», déclarait, le 13 août dernier sur Radio France internationale (RFI), Me Aimery Bhongo Mavoungou, l’un des avocats du président de la République.