En décidant de mettre en vente le stock de Kevazingo saisi, disparu puis retrouvé au port d’Owendo entre mars et mai 2019, le gouvernement met fin à un feuilleton politico-judiciaire plutôt mal orchestré, mais dont les principaux objectifs ont été atteints.
Présentée, en mai dernier, par la présidence de la République comme une affaire «d’une extrême gravité», le «Kévagate» n’aura duré que le temps nécessaire pour écarter de potentiels adversaires politiques des tenants du pouvoir. Ayant vraisemblablement atteint ses objectifs, notamment avec la mise à l’écart des «indésirables» du palais du bord de mer, dont font partie Pierre-Claver Maganga Moussavou et Guy-Bertrand Mapangou, l’affaire a officiellement connu son épilogue, le vendredi 9 août dernier. Le gouvernement a, en effet, annoncé la mise en vente prochaine du stock de Kévazingo saisi par la justice en mars au port d’Owendo.
En compagnie du procureur de la République, Lee White s’est rendu aux entrepôts de 3C Transit, Young-Tong, Trans Peng Yung, Baracouda et Sotrasgab dans lesquels sont stockés environ 250 conteneurs de Kévazingo placés sous main de justice. Là-bas, le ministre de la Forêt, de la Mer et de l’Environnement chargé du Plan climat a affirmé être venu «prendre possession de tous les conteneurs», en vue d’assurer leur transfert «dans un lieu sécurisé». «Nous allons faire l’inventaire, estimer leur véritable valeur et vendre ce bois au bénéfice de l’État», a-t-il annoncé, donnant la preuve que les autorités gabonaises ont effectivement décidé d’enterrer l’affaire.
François Wu court toujours
Cité par le procureur de la République Olivier N’Zahou comme «la pièce maîtresse du réseau de trafic du Kevazingo au port d’Owendo», le franco-chinois François Wu n’a jamais été interpellé. Au palais de justice à Libreville, on assure qu’il reste «activement recherché».
En mai, dans un document audio authentifié par son avocat Me Minko, l’intéressé avait farouchement nié toute implication dans le trafic du bois précieux. Il avait accusé à son tour le procureur et avait assuré n’être qu’un bouc émissaire. Le fait que la justice et le gouvernement soient pressés de classer cette affaire apparaît donc curieux. Certains ne manquent plus d’assimiler cette affaire à un feuilleton politico-judiciaire d’un goût douteux et plutôt mal orchestré.
L’argent va à nouveau couler à flots !
Avec la reprise de l’exploitation du Kévazingo, l’État gabonais devrait engranger énormément d’argent. Pour les 250 conteneurs et les 3000 m3 de bois en vrac sous scellés destinés à la vente, le gouvernement table sur quelques dizaines de milliards de francs. Espérons que ce soit véritablement «au bénéfice de l’État» comme le promet Lee White.
Récemment, le ministère de la Forêt a autorisé la Zone économique spéciale (ZES) de Nkok, exporter vers la Chine un conteneur de 2 m3 de meubles fabriqués à base de Kévazingo exploité légalement.
La société civile s’indigne et s’interroge
Si la décision du gouvernement paraît salutaire, elle est loin de trouver l’assentiment de tous les Gabonais, dont certains s’interrogent à juste titre. Dans un message posté le 8 août sur Twitter, Marc Ona Essangui s’interroge sur la suite judiciaire de l’affaire ayant valu l’éviction de Guy-Bertrand Mapangou et Pierre-Claver Maganga Moussavou aux fonctions de ministre et Vice-président de la République.
«Le ministre Lee White vient-il d’enterrer le Kevazingogate? À quel niveau de l’enquête judiciaire avant d’arriver à de telles décisions ? Quid de François Wu présenté comme le cerveau de la mafia chinoise du Kevazingogate?», s’est interrogé le secrétaire exécutif de l’ONG Brainforest. Pour le membre de la société civile, le ministre gagnerait d’abord à faire toute la lumière sur le «Kévagate» avant de décider de la vente du bois de façon unilatérale.