L’annonce du directeur général de l’Agence nationale des grands travaux d’infrastructures (ANGTI) souligne la faillite de la gouvernance de ces 10 dernières années.
Pour la deuxième fois, depuis sa création, l’Agence nationale des grands travaux (ANGT) donne des signes d’essoufflement. En janvier 2015, le Conseil des ministres décréta sa fusion avec le Fonds d’entretien routier (FER), donnant naissance à l’Agence nationale des grands travaux d’infrastructures (ANGTI) (lire «L’ANGT et le FER se fondent dans l’ANGTI»). La nouvelle entité avait «pour mission d’exécuter la politique publique en matière (…) d’infrastructures et de mettre en œuvre le Schéma directeur national d’infrastructures (SDNI) en vue d’en maîtriser les coûts, de garantir la qualité des ouvrages et de respecter les délais d’exécution.» Un peu plus de quatre (4) ans plus tard, cette promesse vient de s’envoler : par une note de service datée du 10 juillet courant, le directeur général de l’ANGTI a annoncé la «mise en place du chômage technique au sein de (cette structure)», évoquant, entre autres raisons, «les difficultés économiques», les «difficultés à assurer les charges (…) (de) fonctionnement, notamment les salaires» et, «les difficultés (…) pour le règlement des cotisations sociales (…) auprès de la CNSS et de la CNAMGS.» Dès lors, le constat s’impose de lui-même : l’un des principaux symboles de l’ère Ali Bongo est au bord du dépôt de bilan.
Enfumage politicien
Quand bien même ses statuts ont évolué à la faveur de la fusion (lire «En quête d’une nouvelle réputation»), l’ANGTI a entretenu un lien organique particulier avec la présidence de la République. Passant outre les incompatibilités prévues par la Constitution, Ali Bongo fut son tout premier président du conseil d’orientation. Jamais un établissement public ne s’est prévalu d’autant de pouvoir ni d’une telle capacité à changer le visage du pays (lire «Les annonces en rafale d’Henri Ohayon»). Jamais structure nationale n’a eu autant recours à l’expertise étrangère : outre l’assistance technique de la major américaine Bechtel, ses directeurs généraux successifs ont été recrutés hors du territoire national. Entre Henri Ohayon, Jim Dutton, Emmanuelle Mattei et Bogdan Sgarcitu, aucun national n’a été jugé apte à la diriger. C’est dire si cette entité est emblématique de cette gouvernance censée «mettre un terme aux promotions guidées par le repli identitaire, le clanisme et le clientélisme politique, source d’inertie et d’inefficacité», selon les termes du Conseil des ministres du 19 octobre 2009.
Au demeurant, l’annonce du directeur général de l’ANGTI souligne la faillite de la gouvernance de ces 10 dernières années. Malgré l’adoption d’une ordonnance sur les partenariats public-privé, le pouvoir en place n’a pas réussi à assurer le financement des infrastructures. En dépit d’un recours massif aux emprunts obligataires, il n’est pas parvenu à sécuriser les financements. Or, l’usage de ce mécanisme a longtemps été justifié par la nécessité de dégager des ressources additionnelles en vue de la mise en œuvre du SDNI 2012-2016. «L’insuffisance de fonds», évoquée par Bogdan Sgarcitu, ruine définitivement cet argument. N’ayant jamais songé à mettre en place un mécanisme de financement dédié, ayant surfé sur la conjoncture, le gouvernement a fait dans l’enfumage politicien. Au final, il a été condamné à renoncer à ses prétentions.
Un avenir en pointillés
Cette conclusion semble, en tout cas, être celle de Bogdan Sgarcitu. Dans sa note, l’homme ne fait aucune allusion au sort des éventuels chantiers en cours, se contentant d’esquisser des solutions aux préoccupations d’ordre social. Comme si l’ANGTI avait vocation à faire dans l’intermédiation sur le marché du travail. Comme si sa mission première était de procurer des revenus à certaines personnes. De ce point de vue, la mise «en congé technique pour une durée de trois (3) mois (…) renouvelable en fonction de l’évolution de la situation» d’une «partie du personnel sans distinction de catégorie socio-professionnelle, de fonction et de direction d’affectation» revêt des allures de premier pas vers une liquidation. En agissant comme il l’a fait, le directeur général de l’ANGTI a porté à la connaissance du public la situation d’insolvabilité de son entreprise. Il revient maintenant au ministre en charge de la tutelle technique d’en tirer toutes les conséquences.
Le 16 novembre dernier, l’exécutif avait acté la suppression de plusieurs établissements publics (lire «Maganga Moussavou donne le ton»). Désormais, l’avenir de l’ANGTI s’écrit en pointillés. Pourtant, sept ans plus tôt, Ali Bongo l’avait érigé en modèle. Justifiant leur prolifération, il affirmait alors : «Les agences vont permettre de réaliser les projets avec plus de diligence, d’efficacité et de transparence. (…), l’Agence nationale des grands travaux, nous en a fait la preuve lors de l’organisation de la Can 2012» (lire «Les agences ne sont pas des ministères-bis»). D’une certaine manière, Bogdan Sgarcitu vient de démentir cette assertion. En conséquence, la situation de l’ANGTI ne saurait être analysée sous un angle technique ou sectoriel. Elle doit plutôt être regardée comme la résultante d’une pratique politique, le révélateur de l’état réel du pays.