À côté de nombreuses entreprises privées, plusieurs structures publiques gabonaises sont à l’origine de la crise actuelle à la Caisse nationale de sécurité sociale (CNSS), dont la santé financière ne permet plus de poursuivre le paiement mensuel des pensions aux retraités. Plusieurs patrons de l’administration publique ainsi que des collectivités locales ne reversent pas les cotisations de leurs agents.
La santé financière de la CNSS est au plus bas depuis plusieurs mois, au point que la direction générale a décidé de ne plus laisser libre cours à un «caprice» né pendant la gestion de Désiré Lasségué : le paiement mensuel des pensions aux retraités. Mais au-delà des accusations portées contre l’ancien directeur général, auteur d’une mesure aujourd’hui jugée «illégale et sans fondement juridique», d’autres patrons de l’administration publique et parapublique apparaissent comme les premiers responsables de la situation précaire vécue par la Caisse depuis des mois. Ils ne reversent pas les cotisations de leurs agents.
Un rapport d’audit réalisé en décembre 2017 par le cabinet Natray Consulting Group dont Gabonreview a eu copie, révèle en effet que plus de 70 entreprises inscrites à divers régimes cumulent des dettes dépassant le milliard de francs CFA vis-à-vis de la CNSS depuis des mois, voire des années. Des dettes qui ont fini par plomber la santé financière de la structure dirigée par Nicole Assélé, et qui étaient estimées, il y a près de 20 mois, à 259 milliards de FCFA.
Mairies, présidence de la République, CHUL… tous responsables !
Parmi les débiteurs de la CNSS, l’on compte notamment trois structures inscrites au régime «Collectivité locale». Il s’agit précisément de la mairie de Libreville (matricule 001-0080050-E), avec plus de 21,4 milliards de FCFA ; la mairie de Port-Gentil (matricule 001-0080051-Q), avec plus de 2,8 milliards de FCFA ; le conseil départemental de Bendjé (matricule 001-0080001-R), avec plus de 2,6 milliards de FCFA.
Inscrite au régime «Administration» avec une dette estimée, en décembre 2017, à près de 3,1 milliards de FCFA, la présidence de la République, par l’entremise de l’intendance générale des palais de l’intérieur du pays (matricule 001-0040787-V), fait aussi partie des structures qui sont à l’origine des difficultés financières actuelles de la CNSS. Chargé d’assister les personnes à la recherche d’un emploi, l’Office national de l’emploi (ONE) n’est pas non plus un bon payeur, au point que la structure dirigée par Hans Landry Ivala cumulait déjà plus de 1,3 milliard de FCFA en décembre 2017. Le Centre hospitalier de Libreville (CHUL), l’Autorité de régulation des transports ferroviaires (ARTF), l’Agence nationale des parcs nationaux (ANPN) et l’Agence nationale infrastructures numériques et des fréquences (Aninf) avaient respectivement une dette cumulée de 1,2 milliard ; 1,04 milliard ; 1,03 milliard et 1,02 milliard de FCFA.
La nécessité d’un «recouvrement forcé»
Conspuée par une partie de l’opinion nationale depuis le début des manifestations de colère des retraités qui rejettent la mesure du retour au paiement trimestriel des pensions, Nicole Assélé gagnerait à traduire en actes sa menace de recourir au «recouvrement forcé». En mars dernier, dans un communiqué paru au quotidien L’Union, la directrice générale de la CNSS avait, en effet, enjoint les administrations, collectivités locales et entreprises n’ayant pas satisfait à leurs obligations sociales à l’endroit de leurs employés à régulariser leur situation au risque de subir un certain nombre de «mesures coercitives».
Il s’agirait pour la CNSS de calquer l’exemple de ses consœurs d’autres pays, à l’instar du Maroc qui, en cas de défaut de paiement de leurs créances après chaque trimestre, les mauvais employeurs pouvaient encourir jusqu’à la saisie et la vente de certains de leurs biens. Le salut des retraités gabonais pourrait aussi venir de là.