Libreville, L’enquête judiciaire ouverte dans le cadre de la disparition mystérieuse de 353 containers au port d’Owendo n’est en rien une chasse aux sorcières, mais elle vise plutôt à sanctionner tous ceux ayant voulu brader à leur compte personnel un patrimoine commun à tous les Gabonais.
Au lendemain de l’annonce par la porte-parole du gouvernement, Nanette Longa-Makinda, des premières sanctions intervenues dans le cadre de la disparition mystérieuse de 353 containers contenant du Kevazingo au port d’Owendo, les commentaires vont bon train sur la suite des événements. Chacun y va de sa petite idée sur l’issue de l’enquête en cours.
Pour beaucoup, le meilleur reste à venir d’autant plus que l’opération diligentée par la Direction générale des contre-ingérences communément appelée B2 n’a pas encore dévoilé tous ses secrets. D’aucuns se frottent déjà les mains dans l’espoir qu’au-delà des lampistes qui constituent les premières victimes que des grosses baleines, ayant trempé dans cette scabreuse affaire qui fait les choux gras de la presse, vont tomber dans le filet de la justice. Ils fondent ainsi leur espoir sur la série de communications intervenue ces derniers jours sur cette actualité.
Tenez par exemple, dans sa sortie de jeudi, la porte-parole du gouvernement avait déjà planté le décor de ce qui attend «les grands». «Eu égard à cette situation, les membres du gouvernement qui seraient impliqués dans cette affaire sont invités à en tirer les conséquences qui s’imposent. Le gouvernement mettra en place de nouvelles procédures pour prévenir la survenance d’actes d’une telle gravité», a indiqué Nanette Longa-Makinda.
Le message est suffisamment clair et pas besoin de lire dans la boule de cristal ou consulter les oracles pour comprendre que tous ceux des ministres et hauts fonctionnaires de la République ayant trempé dans cette affaire seront sanctionnés. L’annonce a donc de quoi donner des insomnies et faire frémir dans le sérail où d’aucuns, de par leur position ou leur influence au sein du régime, auraient joué qui le rôle de facilitateurs, qui le rôle de commanditaires, pour contribuer à l’évaporation sans traces d’un nombre aussi important de conteneurs renfermant d’importants trésors du pays.
Il fallait être naïf pour accepter que les auteurs de ce vol à grande échelle et à ciel ouvert puissent prendre un tel risque sans bénéficier d’éventuels soutiens et parrainage au sein du système. Surtout que, nous apprend-on, les containers en question étaient placés sous scellés par la justice pour besoin d’enquête.
Comme l’a relevé le porte-parole de la présidence de la République lundi dernier, les faits sont suffisamment graves au point de susciter l’ire du président de la République, Ali Bongo Ondimba. «Cette affaire est d’une extrême gravité. Elle exige, en retour, la plus grande sévérité. La présidence de la République a demandé aux institutions compétentes que la lumière, toute la lumière, soit faite à ce sujet. Elle souhaite que des peines exemplaires, une fois les responsables identifiés et confondus, soient prononcées», déclarait Ike Ngouoni Aila Oyouomi.
Il dira par la suite qu’Ali Bongo Ondimba demande qu’«il ne doit y avoir ni faiblesse, ni impunité, ni passe-droit, quel que soit le rang des personnes concernées, des individus impliqués. La justice, avec le temps qui la caractérise, doit faire son travail. Elle le fera en toute indépendance». Ces propos lourds de sens ont de quoi doucher tout pessimisme qui pourrait bien laisser penser que l’enquête en cours n’est que de la poudre aux yeux ou plutôt une stratégie pour le pouvoir de distraire l’opinion sur des questions «essentielles». Que non !
La pensée du chef de l’Etat laisse transparaitre plusieurs enseignements. En confiant l’affaire aux institutions compétentes en la matière, Ali Bongo Ondimba qui ne voudrait exercer aucune pression sur la justice, fait entièrement confiance à cette dernière afin que les éventuels coupables soient jugés conformément aux lois de la République.
En souhaitant que des peines exemplaires soient prononcées contre les coupables, il entend non seulement faire payer à ces derniers le prix de leur forfaiture à la nation gabonaise, mais surtout mettre en garde tous ceux qui continuent de penser que le Gabon est pour eux une vache à lait.
Plus loin, Ike Ngouoni Aila Oyouomi fait savoir que «si des responsables, quels qu’ils soient, où qu’ils soient, ont failli, ils seront durement sanctionnés. Notre bras ne tremblera pas. La corruption n’a pas sa place au Gabon». Il y a lieu de comprendre que nul, fut-il proche collaborateur du chef de l’Etat et qui y a trempé, ne sera pas à l’abri d’éventuelles sanctions.
Ali Bongo Ondimba tient pour cela à réaffirmer sa détermination à combattre avec efficacité la corruption et l’impunité au Gabon. Surtout que ce crime intervient dans un contexte marqué par la mise en œuvre des réformes visant à relancer l’économie au lendemain du choc pétrolier de 2014.