Une réforme en profondeur du secteur forestier s’impose. Face aux impératifs de gestion durable et de compétitivité économique, l’amélioration de la transparence est d’une ardente nécessité.
Trois cent cinquante-trois containers de bois précieux ont mystérieusement disparu du port d’Owendo (lire «353 containers disparaissent des mains de la justice». A ce jour, on n’en sait pas plus. N’empêche, ce scandale révèle de graves dysfonctionnements dans la gouvernance du pays. Autrement dit, il traduit le peu d’appétence des pouvoirs publics pour les bonnes pratiques. En attendant l’établissement des responsabilités, une certitude s’impose d’elle-même : le secteur forestier doit être profondément réformé. Lieu de convergence des enjeux écologiques, économiques et sociaux, la forêt est l’objet d’une attention particulière. De nombreux instruments juridiques internationaux, comme différentes initiatives, témoignent de son importance. Quand ce pan de l’économie se trouve ainsi secouée, il attire inévitablement les regards sur le pays tout entier. C’est dire si cette affaire mérite d’être traitée avec la plus grande rigueur. C’est aussi dire si les solutions ne sauraient être cosmétiques ou simplement répressives.
Dans l’opacité et la corruption
Pour l’heure, il faut commencer par se poser les bonnes questions. Sur le rôle véritable de la justice ou des douanes, les formalités administratives, la surveillance du port ou les modalités de chargement des navires, tant de zones d’ombre subsistent. De prime abord, la responsabilité des douanes, de l’autorité portuaire et de la justice semble engagée. Seulement, de notoriété publique, le secteur forestier baigne dans l’opacité et la corruption depuis de trop longues années. L’accès à l’information publique y relève de la gageure. La responsabilité individuelle des agents, comme celle de l’administration ou des opérateurs, est rarement évoquée. Mille fois exigée, la participation de la société civile aux opérations de contrôle demeure un vœu pieux. Tirant bénéfice de tout cela, se livrant à une interprétation extensible des missions régaliennes, les représentants de la puissance publique en profitent pour dicter leur loi, y compris au mépris des principes de bonne gouvernance.
Pour sûr, certains plaideront la souveraineté. Ils diront s’opposer à la mise sous tutelle internationale du massif forestier national. Quand bien même elle peut se soutenir, cette thèse est un leurre. Sauf à ne pas tenir compte des évolutions récentes, chacun peut se faire une idée de la portée des engagements internationaux de notre pays. A moins de nager à contre-courant de l’histoire, tout le monde sait combien l’industrie forestière est encadrée. De nos jours, le bois est l’une des matières premières les plus difficiles à mettre sur le marché. Pour y parvenir, il faut cocher de nombreuses cases. Des initiatives comme le Forest law enforcement for governance and trade (Flegt) ou des référentiels de certification comme le Forest stewardship council (FSC) ou le Programme de reconnaissance des certifications forestières (PEFC) visent à réglementer la vente du bois au sein de l’Union européenne ou aux Etats-Unis. Ayant librement adhéré à de nombreuses conventions internationales, notre pays ne peut faire fi de cette réalité. Sauf, bien entendu, à accepter de renoncer au marché occidental pour privilégier les pays asiatiques. Sauf, aussi, à consentir à faire le lit des trafiquants et autres contrebandiers de tout poil.
Amélioration de la transparence ? Une ardente nécessité
Pour toutes ces raisons, il faut mettre en place un cadre juridique et institutionnel favorisant la promotion de l’aménagement durable et de la certification, la clarification des responsabilités et, le contrôle de l’ensemble des opérations. Au vu des ingérences politiques, de la législation en vigueur ou de la pratique administrative, on ne saurait indexer le seul ministère en charge des Forêts. Entre une loi peu adaptée aux réalités et les interventions extérieures, cette administration n’a pas toujours la maîtrise des événements. A bien des égards, elle laisse même le sentiment d’être débordée, dépassée. Pour faire face aux impératifs de gestion durable et de compétitivité économique, l’amélioration de la transparence est d’une ardente nécessité. De même, une meilleure coordination interinstitutionnelle s’avère nécessaire.
Dans quelques jours, un projet de révision du Code forestier sera soumis à l’Assemblée nationale. Pourquoi ne profiterait-on pas de cette opportunité pour rebattre les cartes ? Sans renoncer à l’enquête en cours, il faut se donner les moyens juridiques de prévenir de tels dérapages. Après tout, la gestion moderne du secteur forestier dépend de la transparence des opérations, de la responsabilité des agents et de la participation de l’ensemble des acteurs. Or, dans l’affaire des 353 containers, ces principes ont cruellement été ignorés. Pour l’avenir, il faudra sans doute en tenir compte. Au-delà des sanctions, il faudra tout réformer.